Voter pour Béji Caïd Essebsi au second tour est un acte de salut public
La République civile projetée, la démocratie balbutiante et le projet moderniste tunisien seraient en danger si Moncef Marzouki rempilait à Carthage. Revêtant l'habit du démocrate et du laïc, Moncef Marzouki a renié pendant les trois dernières années son passé de militant des droits de l'homme et s'est très souvent aligné sur les positions d'Ennahda et des islamistes les plus radicaux chaque fois qu'ils voulaient asservir le politique au religieux. Il a constamment divisé les Tunisiens et n'a cessé de ranimer des situations conflictuelles, donnant la nette impression qu'il affectionnait les périodes de crise. Faisant preuve d'une duplicité écœurante, il a dénoncé le terrorisme sans bouger le petit doigt pour le combattre. On n'a jamais vu, en Tunisie une gestion aussi chaotique des affaires étrangères que celle qui a prévalu au cours des trois dernières années.
Les marionnettistes qui le manipulent (nahdhaouis et salafistes) viennent de le récompenser en appelant, en catimini, leurs troupes à voter massivement pour lui dimanche dernier au moment où ils affichaient soit la neutralité, soit le boycottage des élections, confirmant ainsi leur sempiternelle et dangereuse duplicité. Sa reconduction à Carthage est synonyme d'une dissolution dans les meilleurs délais du nouveau parlement et d'une descente aux enfers plus terrible que celle que nous venons de vivre. Dans ce contexte, le vote au second tour, en faveur de BCE, qui a donné des gages de son attachement à la démocratie et au caractère civil de la République à plusieurs reprises et particulièrement lors de la première période de transition, est une œuvre de salut public. Il est évident, dans l’actuel labyrinthe politique tunisien, que la stature d’homme d’état acquise par un BCE qui se bonifie avec l’âge et qui profite d’une longue expérience politique caractérisée par des remises en question très fécondes et très salutaires, plaide en faveur de son élection à la tête de l’Etat.
Je voudrais, sans jouer les Cassandre même si j’ai le droit de craindre les scénarios les plus catastrophiques en vertu de l’adage qui dit qu’un chat échaudé craint l’eau froide, rappeler que la cohabitation de familles politiques différentes n’est pas sans écueils pour la stabilité, même dans les démocraties les plus vieilles et les plus rôdées,. Que dire alors d’une démocratie naissante où la cohabitation risque d’être dangereuse, voire impossible entre deux fronts qui défendent des visions diamétralement opposées du projet sociétal tunisien?
Le Front populaire a la responsabilité historique d'aider la patrie à voir le but du tunnel. Il doit l'assumer pour barrer la route au projet obscurantiste comme il l'a fait en ralliant, durant l'été 2013, d'une manière qui a suscité l'admiration, le Front du Salut national. Nos amis du Front populaire ne peuvent décevoir les Tunisiens qui ont voté pour Hamma, en qui ils ont vu non seulement le porte-drapeau des aspirations des masses populaires mais aussi un fervent défenseur du projet moderniste tunisien. En fins politiques, les frontistes seront assez lucides pour ne pas caresser dans le sens du poil ceux qui, dans leurs rangs, renvoient dos à dos nidaïstes et intégristes. Un soutien franc à BCE ne pourrait que rehausser l'image de marque du Front populaire et que séduire de nouvelles franges de l’opinion publique et confirmer la perception, de plus en plus positive dans notre pays, de la coalition partisane.
De leur côté, les nidaïstes doivent aussi être conscients de la responsabilité historique qui leur incombe. Ils n'ont pas le droit de décevoir les aspirations de la Tunisie postrévolutionnaire et particulièrement, celle de sa jeunesse, à une société égalitaire. Le mince écart séparant Béji Caïd Essebsi et Moncef Marzouki doit pousser Nidaa et le Front populaire au compromis. La Tunisie le veut! Elle les exhorte à mettre fin aux errements du passé et aux attitudes sectaires d’une partie de leurs troupes!
Habib Mellakh