Opinions - 08.12.2014

Quand Hamma Hammami émerge du lot

Le droit-de-l’hommisme a toujours été une expression péjorative, elle désigne une attitude qui se veut bien pensante, clamée aux quatre vents, sans réelle influence ou pouvoir.

C’est une tartufferie de salon que Sarkozy et Obama ont déjà condamné dans leurs discours.
Les droits de l’hommistes, nous en avons beaucoup en Tunisie et il faut les distinguer des véritables défenseurs des droits de l’homme. Plusieurs sont arrivés au pouvoir et il s’est avéré que non seulement ils n’ont pas aidé la transition vers la démocratie mais qu’ils l’ont carrément entravée et continuent de le faire.

On a vu un ministre dont la bouche cousue ne lui a pas inspiré motus, celui-ci a menacé de peine de mort quiconque mettrait en cause sa prétendue légitimité, un président en exercice qui parlait de dresser des potences pour l’opposition, le même qui permit au gouvernement de livrer un réfugié politique à ses tortionnaires, une ministre de la femme qui ne soutenait pas certains droits aux femmes etc...

Le pouvoir a démasqué ces gens là en exposant leurs faibles convictions et leurs compétences plus que limitées..Sortis par la petite porte, ils auront le temps de ruminer sur une période de gloire amère, trop longtemps attendue pour être au rendez-vous de l’histoire.

Avec les droits de l’hommistes ont disparu les RCDistes, naufragés de l’histoire s’accrochant à la bouée d’un parti moribond mais qui, pensaient-ils, auraient encore de beaux restes, ils se trompaient lourdement et n’ont trouvé qu’une coquille vide de tout sens. 
 
Parmi les victimes, il y avait aussi toute une frange historique de l’opposition tunisienne dite démocratique, des personnes bien différentes mais qui avaient un point commun, qui s’avéra fatal pour eux tous: l’alliance ou le rapprochement avec le parti islamiste. Ils auront beau analyser et retourner les causes de leur échec il n’y a que celle là qui les hantera longtemps avec la fixation d’un oeuil de cyclope.

L’image d’un démocrate éclairé pactisant avec un barbu pour bénéficier d’une vague porteuse islamiste a rebuté tous les tunisiens qui se sont sentis trahis au moment d’une révolution qu’ils avaient idéalisée.

Le parti islamiste a lui même été malmené par ces élections, perdant coup sur coup deux élections et la moitié de ses électeurs. Ce ne sont pas quelques plumes arrachées seulement, car les conséquences à long terme pourraient être beaucoup plus fâcheuses pour ce parti qui voulait prouver que islam et démocratie ne sont pas incompatibles.

Il n’avait pas nécessairement tort mais il aborda les choses à l’envers car si la démocratie s’accommode de l’islam comme de toutes les religions, l’inverse n’est pas vrai et c’est ce qu’essaient de nous démontrer les jihadistes qui, parce que nous avons privilégié la loi des hommes sur celle de Dieu, ont décidé de nous punir sévèrement par des actes immoraux destinés par leur violence extrême à nous terroriser.

Le peuple tunisien a tourné le dos à l’islamisme et cherche la solution ailleurs que dans l’islam, beaucoup l’ont compris et se rallient au nouveau pouvoir, d’autres ruminent un come back avec la même formule oubliant l’adage que seuls les fous et les imbéciles pensent utiliser les mêmes méthodes en espérant un résultat différent.

Un homme a su s’imposer et imposer son parti, cet homme Hamma Hammami, a fait une campagne propre et constructive, il a touché les tunisiens par sa franchise et son honnêteté et il possède et domine l’arme secrète des politiciens d’aujourd’hui, celle qui mène à la réussite à tous les coups: l’empathie.

Dans un discours qu’on pourrait qualifier d’historique, il a ému tous les Tunisiens en parlant des mères privées de leurs enfants. Son parti monte très vite et s’il pouvait se débarrasser de l’idéologie et de la rhétorique marxiste totalement éculée, il pourrait rapidement être le deuxième parti de Tunisie.

L’autre grand changement, c’est maintenant l’obligation d’ouverture vers l’extérieur. Les occidentaux attendent la fin des élections pour mettre en application leurs promesses.

Il y aura bien sûr des prêts accordés à la Tunisie et un soutien de coopération technique mais pas seulement. Avec l’aide extérieure viennent les contraintes, contraintes des lois et accords internationaux, mais aussi des principes universels qu’il faudra appliquer en acceptant un droit de regard sur nos affaires. Cela toucherait le domaine économique, bien sûr, mais aussi social comme le droit des minorités, la violence faite aux femmes, le droit des homosexuels, la liberté d’expression ou l’analyse objective historique et scientifique des textes sacrés.
La révolution continue, le paysage politique change et ne sera plus le même dans 5 ans mais la vigilance reste nécessaire et notre effort vaincra.

DR M.A Bouhadiba

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