Beji Caïd Essebsi président : la Tunisie mature
La Tunisie est le plus mature des pays d'Afrique; c'est ce que montre sa démographie puisque la moyenne d'âge y est la plus élevée ; c'est ce que confirme aussi son évolution politique avec le résultat du scrutin du second tour de la présidentielle.
Le pays berceau de la révolution vient de porter à sa tête un homme âgé qui n’incarne pas moins les rêves de la jeunesse tunisienne. Il ne s'agit nullement de contradiction, mais de cette maturité certaine permettant d'user de l'oxymoron comme figure éminente de notre époque, la postmodernité.
L'élu du coeur et de la raison
Le président sortant aura ainsi tout tenté en usant de toutes les ficelles de la politique politicienne pour barrer la route à BCE; il n'a pas réussi à tromper la vigilance de la majorité du peuple que marque une sagesse ancestrale. C'est ce qu'on appelle tunisianité qui est à la fois volonté que volupté de vivre dans un humanisme ouvert à l'altérité.
C'est donc en plus sage des Tunisiens que le plus vieux des deux candidats est aujourd'hui le premier président librement élu des Tunisiens, étant en plus l'élu du coeur et de la raison. Son âge a été plus un atout qu'un handicap puisquele plus âgé de la communauté sur cette terre attachée à ses valeurs spirituelles est toujours choyé et vénéré pour son sens des réalités.
C'est ce sens qui a manqué à Moncef Marzouki malgré sa juste intuition d'antan d'une alchimie à réaliser entre la tradition et la modernité, l'islam et la démocratie qui sont loin d'être antinomiques.
Ce sera au nouveau président de réaliser une telle nécessité surtout dont le parti majoritaire a été contraint de tenir compte par réalisme, entamant un long processus de révolution mentale malgré les remous que cela suscite auprès de sa base.
On le voit, en effet, il est un besoin de spiritualité dans le pays que d'aucuns veulent convertir en religiosité et qui n'est que ce que cet enracinement dynamique ou dynamisme enraciné qui fait l’originalité du Tunisien depuis la nuit des temps.
Pour une nuit tunisienne du 4 août
C'est ce que le nouveau président aura surtout à concrétiser, lui qui est le plus parfait moderniste authentiquement attaché aux traditions du pays, un président postmoderne en somme en une Tunisie expression basique de la postmodernité.
C'est le sens du message à ses dirigeants d'un peuple qui a exercé avec maestria son droit électoral : faire de la Tunisie non seulement une exception dans le monde, mais aussi la règle à suivre demain dans la région, son modèle étant appelé àêtre suivi.
Cela commande, en premier et de toute urgence, de renforcer les libertés et les droits acquis par la Constitution, ce à quoi s'est engagé d’ailleurs le président dont la victoire sera confirmée officiellement aujourd'hui.
Aussi, pour tenir agir sur l’imaginaire populaire où gisent les freins à faire sauter de notre futur développement, qu'il fasse coïncider son investiture avec une symbolique date devant fonder l’esprit de son quinquennat : l'abolition des lois liberticides de l'ancien régime avec la proclamation d'un moratoire immédiat à l'application des plus scélérates.
Ce serait donner à la Tunisie sa nuit du 4 août, cet événement fondamental de la Révolution française abolissant le système féodal et ses privilèges ; et cela fera assurément date dans l'histoire politique contemporaine.
Cela ouvrira surtout la voie aux autres réformes absolument nécessaires, comme la mise en place de la décentralisation effective en prévision d’élections municipales qui ne doivent pas trop tarder et qui gagneront à l’être selon un système électoral revu sérieusement.
Cela permettra également, outre la refondation de la pratique politique sur le plan interne, de revoir et refonder notre diplomatie pour retrouver le rayonnement de la Tunisie dans son environnement international.
Ce sera alors la pleine mise en pratique de la maturité politique du pays en phase avec celle de son peuple qui a démontré être bien en avance sur certaines de ses élites.
Farhat Othman