Ces femmes qui ont fait Béji Président !!!
Plus d’un million de femmes ont voté pour Béji Caid Essebsi.
Notre nouveau président l’a bien relevé dans son premier discours après la victoire. Il l’a fait avec fierté et beaucoup d’émotion en rappelant, filiation oblige, l’œuvre révolutionnaire de Bourguiba qui a parié sur la femme pour révolutionner la société tunisienne dès les premiers mois de l’indépendance.
Béji a su tirer les bénéfices de cette mutation profonde de la société tunisienne, 58 ans plus tard. Non seulement il a réussi à réincarner l’homme de la situation, mais surtout celui du défenseur des acquis de la société et en premier, la place qu’occupe désormais la femme dans l’édifice social.
Notre nouveau président, fort de cet acquis, en plus de ses qualités reconnues d’homme d’Etat et de bourguibien démocrate saura t- il répondre aux attentes des femmes?
Faudrait il d’abord comprendre ce message et comprendre ce qu’il y a de spécifiquement féminin dans le vote massif des femmes.
Certaines des ses attentes et revendications sont évidentes parce qu’elles se sont clairement exprimées durant ces dernières années d’après la révolution.
Des manifestations exclusivement de femmes, il y en a eu avec des appels retentissants pour l’égalité dans la loi, devant la loi et par la loi; celle désormais célèbre du 13 août 2012 est désormais entrée dans les Annales de la révolution.
Plus de droits, plus d’égalité
Mais il y en a eu d’autres qui méritent qu’on les rappelle, notamment celles qui touchent directement à l’intégrité physique et morale des femmes tunisiennes. La colère des femmes contre les nouveaux détracteurs, ceux du dedans qui ont cru que les temps de la modernité émancipatrice sont révolus et ont ouvertement appelé au retour des archaïsmes. Des appels en faveur de la polygamie, de la femme au foyer, du mariage coutumier, du «code de bonne conduite morale» jusqu’à la flagellation légitime et des droits «éternels» du masculin sur le féminin. Ils ont osé passer à l’acte, à l’ombre des gouvernements islamistes de la Troïka, et je peux en témoigner de par mon implication dans la société civile et les responsabilités que j’ai assumées dans la vie publique.
Que de femmes ont subi les pires exactions et humiliations au nom du retour à la «tradition» !!! Combien parmi ces jeunes filles furent violées, d’autres embrigadées et envoyées aux enfers de la maltraitance sexuelle et morale? On a osé les voiler à l’âge de quatre ans dans ces fameuses écoles dites coraniques et les offrir à la vue cynique et cruelle des «prêtres prédateurs» venus d’un Orient macabre, sous l’œil même de la sinistre ministre des Affaires de la Famille, de la Femme et de l’Enfance, Sihem Badi.
Pour que cela cesse à jamais, il n’y a qu’une voie, celle que vous avez bien choisi avec l’appui déterminé des femmes: la défense de notre modèle de société passe nécessairement par plus de droits aux femmes, plus d’égalité, plus de liberté.
La femme du peuple a aussi voté pour vous
Mais la femme tunisienne, n’est pas exclusivement celle, consciente de ses droits, combattive et qui a su occuper le devant de la scène au Bardo, dans les meetings électoraux ou sur les plateaux de télévision pour faire entendre sa voix et celle de toute une société.
C’est aussi la femme que vous avez rencontrée dans les souks populaires de Bab Souika ou dans les quartiers miséreux de la capitale, dans le monde rural, au Kef, au Krib et ailleurs, là où la femme peine, accablée par mille et une tâches dans le silence et l’oubli.
La pauvreté en Tunisie a bien un visage féminin. Nous l’avons bien compté et étudiée, cette pauvreté au féminin et qui appelle les nouveaux architectes du développement à activer leur imagination pour mettre en œuvre cette économie solidaire et mettre la femme sur la voie de l’autonomie économique; il y va de sa dignité et de la dignité de «son homme», cet éternel chômeur issu des campagnes et qui rode dans les villes en laissant à sa femme le soin de nourrir vieux et enfants.
La tâche sociale et économique vaut autant que celle politique et culturelle en faveur des femmes.
Des choix difficiles et courageux
Monsieur le Président, vous avez gagné la confiance des femmes et vous le méritez.
Cela se traduit par une énorme responsabilité envers les femmes et envers la société.
C’est bien le chemin difficile et passionnant que de continuer l’œuvre historique de modernisation de Bourguiba en lui insufflant un continu nouveau à la mesure des attentes et ambitions.
Vous êtes au cœur d’un choix de société qui a fait ses preuves et auquel s’attache la société. La démocratie naissante et qui complètera l’œuvre sociétale modernisatrice du réformisme bourguibien dont vous êtes le continuateur ne pourra s’épanouir pleinement et durablement que si la femme trouvera son plein épanouissement, parce qu’elle sera la gardienne « féroce » des acquis anciens et à venir.
Mettre en application les principes énoncés dans notre constitution, une égalité complète veut dire le respect du principe de la parité dès les prochaines électorales municipales et régionales. De même dans les administrations publiques et les postes de responsabilités où les femmes, souvent sur diplômées et aussi compétentes continuent souvent à trainer dans les listes d’attente.
Mais aussi la femme artisane ou paysanne continue à affronter les pires difficultés, parce que oubliée de l’Etat qui fut jadis le protecteur et qui se désengage de plus en plus de ses rôles sociaux.
Ces femmes aussi vous ont fait confiance. Elles attendent des initiatives concrètes de la part de votre prochain gouvernement, et c’est possible parce que la société civile, bien avant les experts et les politiques a mille et une propositions à faire pour promouvoir la femme travailleuse en ville et dans les campagnes.
Réactiver des instances comme le Conseil Economique et Social en lui donnant plus de représentativité et vous aurez toutes les propositions pour la promotion sociale de la femme, pour lutter contre le vrai mal, cette pauvreté
«conquérante» qui menace tous les acquis, à commencer par ceux des femmes.
La Tunisie, sans ses femmes ne sera que l’ombre d’une nation. Avec des femmes épanouies, libres et dignes, elle saura être le rempart contre toutes les régressions.
Dalenda Larguèche
Universitaire
Présidente de la Fondation
Nissa pour la Culture et la Démocratie