Islamisme et terrorisme
Que l’islamisme, sans qu'il n'en ait le monopole, génère le terrorisme, cela on le savait déjà : l’Algérie a compté ses victimes par centaines de milliers dans l’indifférence générale de la société internationale à l’époque. Mais que l’islamisme soit l’Islam « Voilà l’erreur ! », dit-on. Mais ni en Occident ni dans le "Monde" musulman, on n’arrive à montrer en quoi l’islamisme est-il différent de l’Islam. C’est que l’on s’y prend très mal. Quitte à choquer, je dirai que l’islamisme c’est aussi l’Islam, de même que la "Sainte Inquisition" était aussi le Christianisme. La question n’est pas de savoir ce qu’est l’Islam ou ce qu’est le Christianisme, mais comment on les comprend. L’Islam comme foi a pour support un texte, ce texte, comme tout texte n’est pas univoque, il doit être lu, interprété, réinterprété. Si, aujourd’hui, on confond l’Islam au nom duquel les pires horreurs sont commises et l’islamisme qui les a glorifiés, c’est parce que rien ne les distingue dans leur compréhension du Texte.
Ils adoptent les mêmes paradigmes, les mêmes méthodes, les mêmes techniques d’interprétation. Ce qui les distingue ce n’est pas leur compréhension du texte, mais des décisions politiques relatives aux attitudes à adopter. Un immense travail reste à faire qui est de notre responsabilité. Depuis la Réforme, les Protestants ont renoncé à l'interprétation littérale de certains textes. Depuis Vatican II, l’Eglise catholique s’est adaptée à la modernité. Ce travail n’a pas été fait dans le monde arabo-musulman et les rares personnes qui s’y sont aventurées et qui s'y aventurent encore, sont, dans le meilleur des cas, superbement ignorées et, dans le pire, exécutées. Tant qu’on ne le fera pas, il sera difficile de convaincre, autrement qu’en recourant à des arguments d’autorité, que l’islamisme est une compréhension maladive de l’Islam.
Il faut bien voir qu’il ne s’agit pas simplement de mettre en avant tel verset du Coran plutôt qu'un autre ou d’opposer une fatwa à une autre. Il s’agit d’adopter d’autres paradigmes, d’autres méthodes, d’autres techniques d’interprétation. Considérer, par exemple, que les raisons de la révélation (asbâb al-nuzûl) ont le statut de cause et non d’occasion comme l’affirment aujourd’hui l’islamisme le plus extrémiste et l’Islam le plus officiel. Il s’agit aussi, d’abandonner les distinctions entre ce qui est supposé être clair et ce qui est supposé être interprétable (al-muhkam w-al-mutashâbih)... D’autres l’ont fait, il y a très longtemps, mais on les a oubliés (les mu`tazilites).
Slim Laghmani