Des  bébés qui pleurent, des enfants qui courent et des parents de  martyrs qui rappellent leur douleur, le tout en présence d’officiels :  jamais le palais présidentiel de Carthage n’a connu pareille ambiance  somme toute conforme au style d’un pays qui célèbre sa révolution. Le  tout nouveau président de la République, Béji Caïd Essebsi, venait à  peine de terminer son allocution, ce mercredi 14 janvier 2015 et  procédait à la décoration du Quartet et de familles de martyrs que du  fond de la grande salle où s’étaient massés plus d’un millier d’invités,  des clameurs de protestation commençaient à s’élever. Portraits de  leurs enfants brandis, des parents de martyrs voulaient lui rappeler  leur calvaire : pas assez d’attention, d’indemnités, de recrutements, de  logements, bref de considération et de prise en charge. 
  « C’est tout-à-fait légitime, reconnaîtra Mohsen Marzouk,  ministre-conseiller politique de Caïd Essebsi. Depuis quatre ans, ces  familles ont été bernées de promesses non-tenues. Nous allons nous en  occuper sérieusement. » Mettant fin rapidement la cérémonie, le  président de la République quittera la grande salle pour rejoindre un  salon avoisinant où il demandera à recevoir un groupe de mécontents.  Avec son habilité coutumière, il s’emploiera à apaiser leur colère. 
   
  Le reste des familles demeurera un bon moment dans la grande salle.  Certains montent sur le podium se faire prendre en photo. D’autres  discutent avec des officiels et des journalistes. Les enfants sont  heureux d’y reprendre en toute insouciance leurs jeux de cache-cache.
   
  Quant aux autres invités, ils sont déjà sur la grande terrasse qui  donne sur la baie de Tunis où un banquet est dressé. Par cette  magnifique journée ensoleillée, l’ambiance est bon enfant. Ministres,  diplomates, députés, militants, figures nationales et représentants de  la société civile s’adonnent avec plaisir aux congratulations et  échanges. Les grades disparaissent, les clivages politiques s’estompent  et les retrouvailles sont chaleureuses. Certains n’y avaient pas mis les  pieds depuis le 7 novembre 1987. D’autres découvrent le Palais, alors  que des connaisseurs du sérail sans discontinuité essayent d’en repérer  de nouveaux signes. Tous sont dans l’émotion et la célébration d’une  délivrance.
   
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