Entre contraintes posées dès le départ, « concertations », mais en  fait négociations, pression continue, et surprises de dernières minutes,  Habib Essid a fini par former son cabinet et annoncer, vendredi, la  composition de son gouvernement. Les réactions sont très variées entre  déception des uns, mécontentement des autres et vives polémiques au sein  des états-majors des partis politiques quant au soutien à lui accorder  ou non et investiture en débat ce mardi à l’ARP. Même si l’opinion  publique, dans l’ensemble, lassée par la succession de cinq  gouvernements depuis la révolution, et beaucoup plus intéressée par la  CAN, la Mondial Hand, et ses préoccupations quotidiennes, n’est pas dans  le détail. Ce qui a retenu le plus son attention, c’est d’abord la  participation ou non d’Ennahdha, ce qu’une large frange des électeurs de  Nidaa Tounès refusent catégoriquement. Mais, aussi, le profil des  nouveaux ministres et secrétaires d’Etat : sont-ils aussi performants,  voire meilleurs que ceux du gouvernement Mehdi Jomaa.
  Face à toutes ces réactions, Habib Essid est resté serein. Ceux qui  l’ont rencontré tout au long de ces concertations affirment qu’il sait  ce qu’il veut. Tout était dans sa tête : l’architecture, le profilage,  les équilibres... jusqu’à la date précise de l’annonce du gouvernement.  Il se gardait certes une petite marge de manœuvre pour des ajustements,  voire des remplacements en cas de surprise, comme ce fut le cas pour  l’UPL, d’un côté, ou le retrait d’Afek, de l’autre, mais ses grands  choix étaient déjà faits. Certains voulaient être impliqués en  partenaires de plein droit dans des concertations collectives groupant  autour du futur chef de gouvernement les partis concernés et  confectionner ensemble et le programme et la composition du  gouvernement.
  Le bouclage de dernière minute 
  Afek devait obtenir deux grands ministères, stratégiques, à savoir  l’Education et les TICs. Mais, Yassine Brahim et ses coéquipiers  voyaient les choses autrement. Leur retrait sera « regretté », suscitant  une controverse jusqu’au sein du parti. Fallait-il accepter et composer  ou ne pas se joindre au futur gouvernement pour mieux se préparer à  celui d’après ? Dilemme cornélien !
   
  Quant à l’UPL, il a obtenu, sans trop convaincre l’opinion  publique, trois portefeuilles qui devaient lui revenir, dès le début,  moyennant un ajustement d’affectations. D’autres mises au point étaient  effectuées et tout était prêt vendredi matin. 
   
  Habib Essid, conscient de l’urgence de la situation, ne voulait pas  épuiser tout le délai qui lui était accordé pour présenter son  programme et la liste de son gouvernement au président de la République,  Béji Caïd Essebsi. D’avance, il avait décidé de tout boucler le  vendredi, laissant le weekend aux commentaires et permettant d’attaquer  en trombe dès le lundi. Rendez-vous pris au palais de Carthage à 12  heures, moins d’une demi-heure de tête-à-tête lui a suffi. Dans le grand  salon marocain, la presse l’attendait avec impatience, radio et télé  calant leurs directs. 
   
  Respectueux des formes et usages, Habib Essid retournera à son  quartier général provisoire établi à Dar Dhiafa, toute proche, pour  passer une série de coups fil. Il a tenu en effet à annoncer lui-même la  composition de son gouvernement aux chefs de partis concernés et  appeler ses ministres et secrétaires d’Etat pour les féliciter  officiellement et leur souhaiter plein succès. Vers 14h, il sera de  retour à Carthage, cette fois-ci pour faire sa déclaration tant  attendue.
  "Décollage immédiat"
  « Le principe de base, affirment ses proches, était de prendre en  considération, loin de tout système de quota, le poids électoral lors  des législatives et la nécessaire participation des principales forces  politiques, mais sur la base de la compétence et de l’opérationnalité  immédiates. Tels des commandants de bord, chacun doit se mettre aux  commandes dans le cockpit, déplier sous les yeux son plan de vol et  décoller de suite, la piste d’envol étant balisée et la destination  finale fixée. Le programme du gouvernement étant déjà conçu et les  priorités identifiées, il faut s’y mettre sans une minute à perdre ».
  "Des choix assumés"
  Certains estiment qu’il a accordé une large place à des figures  issues de la gauche ? Mais est-ce un reproche lorsqu’il s’agit de Latifa  Lakhdhar, Kamel Jendoubi, Mahmoud Ben Romdhane, Khedija Cherif et  autres Karim Sekik.
   
  D’autres considèrent qu’il a hissé aux commandes politiques de  grands commis de l’Etat. Des proches d’Essid répondent que la haute  administration qui a préservé le système depuis le déclenchement de la  révolution et résisté aux tentatives de dislocation de l’administration  mérite hommage et réhabilitation. Regorgeant de compétences, elle peut  fournir en Mohamed Salah Arfaoui (Equipement) Benaissa Laabidi  (Environnement), Hanen Arfa (Hôpitaux), Habiba Louati (Fiscalité) et  Amel Nafti (Production agricoles), de grandes expertises.
   
  Habib Essid s’est fixé un programme d’urgence pour les 100 premiers  jours. Ca sera une période probatoire pour tous les ministres et  secrétaires d’Etat qui doivent faire montre de leur opérationnalité et  de leur compétence. Il sait parfaitement qu’ils seront tous, lui le  premier, sous les coups de projecteurs de la classe politique et de  l’opinion publique qui ne lui accorderont aucun droit à l’erreur. Peu  importe donc le détail du casting, à quelques éléments près. Il a  tranché dans la globalité, se gardant la possibilité d’opérer plus tard,  si nécessaires, des changements appropriés. Mais, il a confiance dans  son équipe.
   
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