Lettre à Monsieur le Président de la République
Monsieur le Président,
Le Journal le Monde titrait dans son éditorial du 24 Décembre 2014 «Démocratie, l’exemple vient de Tunisie». «La Tunisie vient de mener à bien, en quatre ans à peine, une transition démocratique qui fait, dores et déjà, figure de modèle, hélas trop unique», ajoute le journal. Le monde entier fait l’éloge de la Tunisie et bien évidemment nous en sommes fiers.
Monsieur le Président,
Organiser des élections, les réussir sont, aujourd’hui, des paris gagnés par la Tunisie. Mais bien du chemin reste à faire pour ancrer cette démocratie dans les mœurs, les mentalités, les gênes des Tunisiennes et des Tunisiens.
J’en ai fait l’amère expérience en déposant une demande d’équivalence d’un baccalauréat français obtenu en Juin 2010 à Tunis, au Ministère de l’Enseignement Supérieur. Ce que je pensais naïvement être une simple formalité susceptible d’être réglée en cinq minutes s’est avéré un parcours d’obstacles semé d’embûches.
Monsieur le Président,
Que de papiers demandés pour une simple équivalence d’un baccalauréat, pourtant mondialement reconnu !!! Quel gâchis, Monsieur le Président, et que de temps et d’argent perdus par l’administration et le citoyen à la recherche d’archives, sans intérêt, là ou seul une copie du baccalauréat suffirait !!! L’administration croule déjà sous des tonnes de papier et elle en voudrait accumuler d’autres, à l’ère où nous voulons projeter la Tunisie à l’ère du numérique et du zéro papier. Mais que ferait alors un autodictate ayant passé et réussi son baccalauréat pour justifier un parcours scolaire qu’il n’a jamais eu? Ou un prodige ayant réussi son baccalauréat à 13 ans, après avoir sauté quelques classes au passage? A toutes ces questions, Madame la Responsable des Equivalences devrait nous apporter des réponses pour éclairer notre lanterne et réaliser par elle-même que tous les papiers demandés ne se justifient tout simplement pas.
Monsieur le Président,
Dans un pays démocratique, l’administration est supposée être au service du citoyen. Telle ne semble pas être la compréhension de l’administration qui n’est pas à la recherche de solutions pour faciliter notre vie, mais plutôt à la recherche d’explications supposées légales, pour justifier le motif du rejet de la demande. Une demande que je pensais anodine puisque mon baccalauréat était de fait reconnu par l’administration tunisienne car comme tout tunisien ayant obtenu un baccalauréat français en Tunisie, j’ai été orienté à l’université publique, à l’ISG. Mais j’ai préféré partir pendant deux années aux Etats Unis, où l’université américaine elle a reconnu ce diplôme, sans difficulté aucune et sans demander d’équivalence.
Monsieur le Président,
Cet exemple, parmi tant d’autres, des milliers je suppose, montre la lourdeur administrative, ses excès et la profondeur du travail à accomplir en matière de réformes et de simplifications administratives. L’administration doit évoluer, si nous voulons que la Tunisie devienne un site attractif, attirer des investissements étrangers. Un long travail nous attend, pour que les mentalités et la culture de l’administration évoluent.
Le changement de culture, Monsieur le Président, ne s’opérera pas du jour au lendemain. L’administration qui compte aujourd’hui 600 mille fonctionnaires, 1 fonctionnaire pour 18 habitants, a besoin d’être dégraissée, professionnalisée, réformée pour répondre aux besoins du développement du pays. Le maigre budget de la Tunisie (29.000MD), à peine le chiffre d’affaires de la Française des Jeux, est consommé aux 2/5 par les salaires des fonctionnaires (11.000MD), sans efficience, au détriment de l’investissement, créateur d’emplois pour notre jeunesse au chômage qui a réellement besoin d’un travail productif pour retrouver sa dignité.
Monsieur le Président,
Monsieur le Président,
Je finirai cette lettre par un clin d’œil à l’Etat Français, qui me semble t-il, serait tout simplement offusqué et indigné par le sort réservé par l’Administration Tunisienne à son baccalauréat. Comme quoi, même un fonctionnaire, peut, sans forcément le savoir, nuire à des relations séculaires entre deux pays ayant des intérêts communs. De Gaulle ne disait-il pas que la France n’a pas d’amis mais des intérêts ?
Monsieur le Président,
Merci d’avoir pris le temps de lire cette lettre et de bien vouloir trouver des solutions pour des milliers de jeunes tunisiennes et tunisiens titulaires de diplômes étrangers ainsi que des milliers d’africaines et d’africains qui sont venus chercher le savoir en Tunisie et qui doivent subir ce même diktat. Pour ma part, j’ai fini par abandonner la partie, devant une administration si puissante, et je me suis dit, tout compte fait, que je pourrai bien vivre sans équivalence, puisque je compte poursuivre mes études à l’étranger. Et que d’ici là, l’administration tunisienne évoluera, deviendra moins tatillonne, auquel cas je redéposerai une demande dans ce sens. Il faut donner du temps au temps disait si bien Cervantès, une formule reprise à son compte par le Président Français, François Mitterrand. Je vous prie de croire, Monsieur le Président, en l’expression de ma parfaite considération et de mes profonds respects.