La goutte qui fait déborder l’Oued
D’interminables torrents se sont écoulés du ciel en ébullition du nord-ouest de la Tunisie, flagellant la chair et l’âme de ses habitants dans un monotone crépitement. Un déluge aux proportions bibliques et animé de la force d’une avalanche qui a poussé les eaux sauvages de la Medjerda à envahir les terres cultivées, une partie de la ville et les collines desquelles dévalaient incessamment des ruisselets qui sont venus gonfler plus bas le cours de l’Oued jusqu’à déborder et déferler en un raz de marée dans les rues.
Pluie !Un épais rideau moite qui réduit la visibilité à quelques pas, chassant les citadins chanceux au plus profond de leurs maisons et laissant les sans abris trempés et déprimés par cette oppression liquide. Une pluie diluvienne qui, très vite, imbibe le corps et l’esprit de ceux qui n’ont rien qu’une amertume qui se changera en excuse pour mettre fin à leur misère de n’importe quelle façon.
C’est cela qu’a vécu la population de la région de Jendouba. Les pluies de ces derniers jours ont semé la désolation dans le nord-ouest tunisien. Les habitants ont vécu gravement la submersion de leurs biens et l’inondation de leurs espoirs. Les inondations ont été accentuées et le volume des eaux décuplé par le délestage du trop-plein des barrages de rétention d’eau.
Les pouvoirs publics savaient quels étaient les risques potentiels de ces zones mais la nonchalance gagnant, personne n’a réagi assez vite pour éviter la survenance de la catastrophe. Aucun responsable n’est allé sur place pour voir ce qu’il en était ni avant ni après.
Les secours intervenant, les personnes sont sommées de quitter leur domicile pour aller dans des refuges improvisés avec tout ce que cela comporte d’inconvénients sur le plan de la précarité et sur le plan de conditions sanitaires déplorables.
D’autres ne vont trouver aucun refuge et sont bloqués chez eux.
Comment concevoir que lors de l’inondation, les toits des maisons puissent devenir le seul refuge pour des familles entières.
Il est choquant de constater l’impuissance de l’Etat à gérer l’eau. Les barrages sont insuffisants quant à leur nombre et quant à leur capacité.
500 km de rivière, le canal de la Medjerda a tout l’air d’une simple rigole qui déborde à la moindre pluie. Son cours est incapable d’écouler les flots de crise et les crues potentielles. Le manque d’entretien du lit, l’ensablement, tout semble dénoncer une certaine négligence et l’incompétence des instances chargées de ce domaine. Cela démontre aussi un système à bout de souffle et une mauvaise gestion des priorités. Les responsables régionaux n’ont rien fait pour sensibiliser les décideurs sur les risques possibles avant la survenance de la catastrophe. Tous ne se contentent que de regarder la scène depuis leur télévision en attendant d’apparaître devant un micro pour tenir des propos d’opportunité et formuler des phrases de circonstance.
Tout cela dénonce une société foncièrement inégalitaire. Ce sont toujours les plus pauvres qui subissent les intempéries de la manière la plus violente. Ils essaient jusqu’au dernier moment de sauver leurs modestes possessions qu’ils ne peuvent se permettre d’abandonner pour emménager ailleurs.
Après la pluie, vient le beau temps dit-on. Les politiques font leurs choux gras de ces drames de la vie pour régler leurs comptes et ameuter l’opinion. Les plateaux des émissions de télévision se mettent à bouillir et chacun dénonce l’autre comme responsable ou de dire que c’est la faute à pas de chance. On nous agite des chiffres et des statistiques, on évoque des études réalisées en telle ou telle année. Tout dénonce une incompétence et une mauvaise foi à grande échelle. Et après ! Sont-ce les chiffres qui vont dédommager les gens ? Sont-ce les mots qui vont réconforter ceux qui ont tout perdu ? Un certain individu est même allé jusqu’à dire que c’était un moindre mal car il n’y avait pas de victimes contrairement aux inondations de 1973 qui avaient fait 500 victimes. On se moque du monde !
Aujourd’hui c’est une véritable crise humanitaire qui se déclare dans le nord-ouest du pays. Des élèves qui ne peuvent pas accéder à leur école en raison de l’eau ou parce qu’elle a du être fermée, des administrations fermées aussi pour cause de montée des eaux, sans compter la pollution des maisons, des rues par des détritus et par la vase laissée par le retrait de l’eau.
Tout cela révèle l’incapacité des pouvoirs publics à réagir de manière préventive mais surtout dans l’urgence. Cela met aussi en évidence la paralysie à tous les niveaux de l’administration et de l’Etat, local et central. Un désastre !
Il faut nous indigner des négligences du gouvernement en matière de prévention à moyen et à long terme, de la lenteur et de l’insuffisance des secours et du manque de moyens mis en oeuvre pour faire face à cette tragédie.
Le gouvernorat de Jendouba, Béja sont sinistrés, 1000 ha de cultures sont perdues, 700 ha de terres agricoles sont lessivées et endommagées. Le désarroi et l’incompréhension sont ressentis dans les régions touchées. S’ajoute les pertes de biens et l’accablement par les dettes anciennes et celles à venir.
Les habitants des ces régions sont aux abois et ils en veulent au gouvernement et au monde entier. Des agriculteurs sont en faillite et sont déclarés en cessation de paiement vis-à-vis des banques.
C’est un raz le bol compréhensible qui gagne les populations victimes qui se sentent instrumentalisées lors des campagnes politiques et qui sont tout de suite oubliées après.
Le phénomène des inondations en Tunisie est aussi ancien que sa civilisation mais il est en augmentation exponentielle et avec de gros dommages à la clef. Leur fréquence elle aussi a augmenté avec des dégâts toujours plus lourds. En 1969, la Tunisie a connu une inondation de tout le pays et surtout le Centre et le Nord. En 1973, les zones de moyenne et basse Medjerda sont inondées. En 1982, c’est au tour de Sfax. En 1990, la région de Sidi Bouzid. En 1995, Tataouine est sous les eaux. En 2003, le Grand Tunis est dévasté par la montée des eaux pluviales. En 2007, le tour de Sabbelet Ben Ammar. En 2009, Redayef. Ce sont autant d’épisodes d’inondations qui se sont égrenés dans l’histoire du pays mais qui sont mal connus dans leurs détails du fait de l’absence ou de l’imprécision des archives historiques et des récits de ces évènements. On sait cependant que ce sont ce sont des périodes de pluies extrêmes qui ont causé de gros dommages.
Mais il faut dire que la Tunisie a la mémoire courte. Elle ne conserve pas d’archives précises des évènements qui la caractérisent. L’inondation la mieux connue de notre histoire par la précision des descriptions et des récits qui en sont faits remonte aux années 1950. Ce manque de précision de l’Historique de ces catastrophes ainsi que le manque de statistiques précises ne permettent pas de caractériser l’évolution pluviométrique dans la Tunisie d’aujourd’hui. Les décideurs tunisiens se réfugient derrière ce flou impressionniste pour décider des infrastructures et des équipements à mettre en place. Ils ne se projettent pas dans l’avenir et semblent frappés de myopie ne regardant pas plus loin que devant le bout de leur nez. Par exemple pour l’installation des collecteurs des eaux, leur calibrage est toujours décidé par défaut alors qu’il serait plus judicieux de le faire par excès au cas où… d’ailleurs ce sont tous les travaux d’infrastructure qui subissent ce défaut de prévoyance des détenteurs du pouvoir de décision.
Ce que l’on sait c’est que la Tunisie est l’une des victimes de deux faits combinés, le réchauffement climatique et l’effet de serres associés à l’inconséquence et l’irresponsabilité puérile des pouvoirs publics.
Après les crues exceptionnelles de 2003, un ensemble d’études ont été menées par différents organismes tant nationaux qu’internationaux. Il y a d’abord eu une étude de « protection contre les inondations du Grand Tunis » élaborée en 2004 par la Direction de l’Hydraulique Urbaine (DHU) du Ministère de l’Equipement, de l’Habitat et de l’Aménagement du Territoire (MEHAT). Toutefois, cette étude, limitée au stade d’Avant-Projet Sommaire, ne pouvait pas permettre la réalisation des ouvrages nécessaires pour la protection contre les inondations de ces zones en raison d’obstacles procéduriers et administratifs. De plus elle n’a pas concerné la totalité du périmètre nécessitant d’être protégé et l’urbanisation rapide de cette zone, depuis 2004, a modifié le paysage urbain se traduisant par une croissance soutenue de l’habitat au détriment des éléments naturels.
Deux études ont été menées par la suite. L’une par la Banque Africaine de Développement en mai 2009 : «Etude de protection contre les inondations des Zones Nord et est du Grand Tunis ». L’autre par la Banque Mondiale en 2010-2011 sur «L’adaptation au changement climatique et le résilience aux désastres naturels dans les villes côtières d’Afrique du Nord ».
Ces études ont révélé que la Tunisie était sous la menace constante de ‘’multiples risques naturels’’. Sur le plan du cout financier, cela pourrait représenter une perte de 2,2 milliards de dollars pour une période de 2010-2030.
Il est indéniable que la Tunisie connaît de plus en plus de phénomènes météorologiques majeurs. En 2003, 186 mm de pluies ont été mesurés en 24 heures durant la période hivernale alors qu’en été ce sont 59 jours de températures supérieures à 35° qui ont été enregistrés. En 1981 les côtes tunisiennes ont eu à subir une tempête d’une violence exceptionnelle avec des vagues de plus de 10 mètres de haut.
On constate aussi que les villes du centre et du Nord, comme Tunis par exemple sont sous la menace constante de la survenance de fortes précipitations. Elles sont donc livrées à des risques d’inondation chroniques. Quand on s’attache aux causes, elles tiennent à de nombreux facteurs liés à l’activité humaine et à la pression démographique. On cite souvent l’insuffisance ou l’absence d’un réseau d’assainissement, des collecteurs pluviaux eux aussi insuffisants, l’accumulation systématique d’obstacles aux écoulements et surtout le développement incontrôlé de l’urbanisation qui conduit à une augmentation de la quantité et du débit des eaux de ruissellement. En 2003, l’inondation a dépassé un (1) mètre de crue ce qui a inondé près de 4500 hectares de zones urbaines. La Tunisie est même exposée à des risques sismiques qui sont aggravés par la construction de villes ou de quartiers de grandes villes sur des sols instables. Au IXème siècle (856 après J.C.) un séisme survenu en mer au large des côtes de Tunis aurait causé près de 45 000 morts.
D’un point de vue général, la moyenne de la pluviométrie à Tunis est de 30 mm par an dans les secteurs les plus exposés c'est-à-dire ceux qui subissent la pression de la croissance urbaine. (Le Lac de Tunis et ses Berges, les Sebkhas de l’Arianna et de Sejoumi.
La multiplication des inondations dévastatrices et meurtrières a deux causes essentielles dans la vallée de la Medjerda et c’est d’abord la diminution du débit de l’oued en raison de la construction de multiples grands barrages tout le long de son cours depuis sa source en Algérie. 7 barrages ont été édifiés sur le cours de l’Oued Medjerda, réduisant le débit à sa plus simple expression. Au départ c’était pour permettre de maîtriser le risque de crues maximales dans la basse vallée. Par la suite nos ingénieurs géniaux ont pensé à la manne hydroélectrique. D’autres barrages ont été ajoutés provoquant la léthargie du cours d’eau. Le curage du lit aussi n’est plus assuré, laissant une végétation dense se développer sur les berges avec les pieds dans l’eau ce qui accentue l’impact sur l’écoulement et réduit la capacité de transit. Le fond du lit est rehaussé par l’accumulation sédimentaire et la décantation. L’oued devient moins profond et donc en cas de montée des eaux il déborde. Au final, le risque d’inondation que l’on voulait éviter par l’édification de ces ouvrages est augmenté. Les ponts eux même contribuent au ralentissement de l’oued notamment à Jendouba, Bousalem, Medjez El Bab et Djedeïda. Ce sont ensuite les altérations du ruissellement et écoulement des eaux de pluie par la multiplication des sols imperméables dans les villes. Routes, espaces de parking bétonnés ou goudronnés, sans compter les toits des maisons ainsi que les sols de passages quotidiens qui sont tassées par la fréquentation des piétons et des véhicules. Il est indéniable que l’urbanisation a un impact énorme sur le ruissellement et l’écoulement des eaux et ne pas équilibrer les surfaces imperméables par des collecteurs d’un calibre suffisant pour les cas d’intempéries maxima et l’augmentation du volume des eaux ruisselées. C’est de l’inconscience criminelle de la part des services de l’équipement. Dans toutes nos villes, les infrastructures d’évacuation des eaux pluviales sont inexistantes ou lorsqu’elles existent, elles sont incapables de faire face à des débits et des quantités d’eau exceptionnelles car sous-dimensionnées. Nous savons depuis longtemps que toutes les capitales du monde drainent une proportion respectable de la population des pays. En Tunisie, le Grand Tunis (centre et banlieues) compte plus du quart de la population tunisienne soit environ 3,5 millions d’habitants environ alors qu’il était encore en 1921 seulement de 194 000 environ. Comment peut-on admettre l’accroissement du tissu urbain et avoir la prétention de la gérer lorsqu’on aboutit à de telles conséquences pour ne pas appeler cela des résultats. Que dire aussi des digues et autres infrastructures de protection comme le remblai de l’autoroute de Bizerte qui piège les eaux de pluie sur la nationale.
A côté de ces causes, la promotion immobilière et l’édification de barrages et de digues peuvent favoriser la survenance d’inondations et peuvent aussi entraîner en front de mer une érosion des côtes et la disparition des plages de sable naturel. En moyenne en effets le littoral tunisien recule de 0,80 à 10 mètres par an dans certaines zones touristiques fortement urbanisées telles que Hammamet ou du fait des digues portuaires qui entraînent une modification des courants naturels ce qui accentue le phénomène de disparition des côtes. D’après les rapports cités, le réchauffement climatique pourrait être partie prenante à la disparition du littoral tunisien à l’horizon de la période 2010-2030. En effet la fonte des glaces des pôles du fait du réchauffement climatique pourrait occasionner une montée du niveau de la mer d’une moyenne de 20 cm à 30 cm au cours de cette période ce qui serait suffisant pour provoquer la submersion des zones urbaines ou industrielles de Rades, Ezzahra et Hammam Lif ouest pour ne citer que celles de Tunis mais ce ne sont pas les seules les régions de Sousse, de Bizerte, du Cap Bon sont aussi menacées de subir le même sort à plus ou moins brève échéance.
La Tunisie subit depuis quelques décennies une urbanisation galopante, incohérente et le plus souvent sans qu’il y ait d’études d’impact sur l’environnement. Tout est une question de gros sous. On nous apprend que le droit de l’environnement et sa préservation font partie des droits de l’homme. Que dire lorsque certains promoteurs immobiliers sans scrupule, associés le plus souvent à des banques qui jouent les spéculatrices dans le domaine, construisent des quartiers entiers d’habitation dans des zones à haut risque écologique. Le court de l’immobilier a flambé ces dernières années alors que celui de la vie humaine est en solde. Le prix de la vie humaine en Tunisie ne semble pas très élevé compte tenu du fait que les pouvoirs publics préfèrent faire l’économie de la prévention perdue dans des calculs d’épiciers sans qu’ils se soucient des pertes de vies humaines possibles plus tard. L’essentiel pour ces gens là c’est de réaliser le maximum de profits. Installez-vous à la Capitale dans tel ou tel quartier tout neuf ! Ne manquez pas de réserver votre appartement sur la base d’un appartement témoin ! Mais on ne vous dira pas que les terrains sur lesquels le quartier a été construit était le lit d’une rivière asséché ou encore un ancien marais comblé et remblayé. On ne dira pas que parfois, pour éviter les remontées d’eau par exfiltration on installe des stations de pompages qui fonctionnent 24 heures sur 24 pour la drainer. On taira le fait que l’on installe toute une population sur des zones instables. Certaines zones urbaines ont même été implantées derrière des digues de contenance des débordements. Les gens se croient protégés par ces ouvrages contre les caprices de niveau du cours d’eau et ils sont de plus en plus nombreux à s’installer dans ces zones de crues possibles naturelles. Les digues ont pour effet de favoriser l’étalement des villes le long des berges et donc dans des endroits potentiellement inondables. La population ne prend conscience du danger auquel elle est exposée par les promoteurs immobiliers qu’à l’occasion des grands évènements pluviaux.
Au bout du compte le désastre est sans commune mesure et ce sont toutes les villes de la Tunisie ou presque qui sont vulnérables à des degrés divers et avec une espérance variable. C’est le cas de Raoued et de la Soukra, Tunis Nord, Tunis Ouest, Tunis Sud, pour ainsi dire, le Grand Tunis, le Centre du pays et le Nord.
Sur le plan Humain, le risque d’inondation, depuis 1950 à aujourd’hui aurait causé près de 800 morts et des dégâts chiffrés à plusieurs centaines de millions de dinars. Des zones de plus étendues peuvent être perdue pour l’agriculture par lessivage des sols et donc il y a aussi péril en la demeure concernant l’autosuffisance alimentaire future.
Une autre cause est à dénoncer, c’est le manque d’information cartographiques et l’absence d’une base de données géographiques sur les zones à risque potentiel et de compétences locales dans le domaine de la gestion des risques naturels. La Tunisie doit se doter des cartes hydro-géomorphologiques nécessaires à grande échelle pour pouvoir établir des prévisions fiables. S’ajoute à cela le défaut d’une législation adaptée auquel il faut palier.
Signalons aussi le manque de coordination entre les ministères et les établissements publics techniques et le manque de communication des informations souhaitables et souhaitées au moment requis.
Sur ces points qui caractérisent la menace, les rapports sont très clairs avec des preuves à l’appui. Pourtant les autorités tunisiennes nonchalantes n’ont pris aucune mesure ni sur le plan institutionnel, ni sur le plan normatif pour la prévention et la gestion des désastres naturels. Cet aspect préventif du problème semble négligé et souvent les réponses aux situations d’urgence inadaptées.
Les inondations comme les dégâts qu’elles causent sur le plan humain, matériel et financier ne sont pas une fatalité ni inscrits dans un quelconque déterminisme. Ils peuvent être évités. Il ne faut pas écouter ce qui se dit car il y aura toujours un homme politique, un délégué, un gouverneur, un haut fonctionnaire ou un ministre pour nous embobiner avec un discours sur la fatalité ou la volonté divine. Ce qu’il faut par contre admettre c’est que c’est à cause des hommes et de la rapacité de certains qui font prévaloir les enjeux économiques sur la sécurité avec une complicité active ou passive des institutions.
Les solutions sont toutes simples et ne nécessitent pas un cout faramineux, mais une bonne dose de bonne volonté de toutes les parties prenantes. Assez de la mauvaise gestion de l’accroissement urbain laissé aux mains du lobby immobilier et financier, assez de l’augmentation sans études d’impact réel ou réaliste de la surface des sols occupée et de l’accélération de l’extension irraisonnée des espaces urbains qui favorisent l’exode rural et la congestion de certaines zones par des flux massifs de population.
Nous devons améliorer notre capacité à réagir aux changements des conditions naturelles provoqués par nos actions. Il faut mettre l’accent sur la prévention et surtout introduire une dimension prospective à long terme dans les projets et les décisions à prendre. Il faut aussi mettre en place un dispositif d’alerte à la catastrophe. Une instance indépendante d’observation, de prévention, de prévoyance et de gestion des risques naturels et écologiques du type de la FEMA aux Etats-Unis doit être instaurée.
Le cheminement des informations en temps réel entre cette instance à créer et les services d’intervention et de décision doit être facilité par un statut prioritaire et des prérogatives de puissance publique. La coordination entre tous les services concernés depuis le gouvernement jusqu’à la population doit être améliorée. Des plans d’évacuation d’urgence dans les zones à risque doivent être mis en place et testés par simulation de façon systématique.
Déjà il faudrait revoir la législation et en édicter une cohérente comme par exemple celle sur le domaine public maritime et le littoral ou encore sur une gestion hydraulique rationnelle des zones inondables pour mettre en oeuvre certaines mesures comme l’élévation du niveau des habitations autour du Lac de Tunis, des sebkhas, des plaines naturellement inondables telle que Mnihla avec une gestion rationnelle des écoulements et ruissellements par des aménagements et des infrastructure per se. L’urbanisation doit s’adapter aux conditions de l’environnement naturel et
se fonder sur des études d’impact à moyen et à long terme fiables réalisées de façon contradictoire.
La Tunisie a grand besoin d’un observatoire de surveillance et d’alerte aux catastrophes naturelles. Toutes ces mesures ne seraient pas onéreuses du tout, loin de là et ce serait tout bénéfice puisque le budget global nécessaire à l’adaptation ne serait que de 350 millions de dollars environ.
La Banque africaine de développement nous avait offert de financer le projet de mise en place de telles mesures par un don de 579 558 Unités de Compte (1UC vaut 2,13 Dinars tunisien), avec une contribution du budget de l’Etat Tunisien de 113 725 UC pour un cout total du projet de 693 284 UC. Délai pour la mise en oeuvre des Principales phases était prévu pour le 9 avril 2009. Cela consistait à Protéger les villes et les villages contre les inondations et assainir les eaux pluviales ; Mettre en place une Protection rapprochée des zones Nord et Est du Grand Tunis ; Dimensionner les ouvrages de protection contre les inondations et d’assainissement des eaux pluviales de ces zones. Réaliser un réseau de drainage des eaux pluviales à l’intérieur des zones urbaines. Estimer rationnellement et objectivement les coûts de réalisation de ces ouvrages.
Combien de victimes faudra-t-il pour que le problème des inondations et de la pluviométrie deviennent une priorité nationale surtout si l’on considère que le problème est récurrent et chronique et qu’il touche même la Capitale.
Quand le déplacement des habitants des zones inondables pour les reloger en sécurité ? A quand des mesures régaliennes pour interdire la construction dans ces zones à risque ?
Faudra t-il faire comme Noé et construire une Arche assez grande pour contenir ces populations ???
Vendredi 6 mars 2015
Monji Ben Raies
Universitaire
Enseignant et chercheur en droit public
A la Faculté de droit et des sciences politiques de Tunis