Une mesure portant atteinte aux droits des femmes lors de la journée internationale des droits des femmes
Ce matin je me présente à l’aéroport pour voyager au Maroc, à ma surprise on me demande une autorisation paternelle pour passer la frontière! Tout en sachant que je suis Tunisienne, majeure (28 ans), mariée et résidente à l'étranger. Le contrôleur de police commence par me demander, avec arrogance, les raisons de mon voyage au Maroc. Je lui explique que je prépare une thèse de doctorat entre la France où je réside et le Maroc où je fais mes études de terrain. Il me demande alors un ordre de mission! J'essaye de lui expliquer calmement face à ses intimidations qu'il ne s'agit pas de mission mais d'une étude de terrain que je réalise au Maroc, dans le cadre de ma thèse ; et que je ne rentrerai en France qu’une fois mes enquêtes de terrain finies. Il me demande, alors mon billet de retour en France. J’essaye de me calmer et de lui expliquer que je n’aurai un billet de retour en France qu’une fois j'aurai fini mon travail au Maroc et que ce retour est prévu pour la fin du mois de mai. L’agent de police des frontières finit par me demander une autorisation paternelle pour qu’il me laisse passer. Déstabilisée de cet excès de zèle, je commencé à rire de la situation, ce qui a déplu à notre ami qui m’a dit que la loi n’était pas une plaisanterie.
Je sais qu’en Tunisie un enfant mineur dont les deux parents sont Tunisiens ne peut quitter le territoire sans une autorisation signée par son père. J’avais déjà entendu des témoignages de femmes majeures voyageant non accompagnées obligées de présenter une autorisation de quitter le territoire signée par leur mari ou leur tuteur. Mais cela me paraissait invraisemblable jusqu’à ce que j’y sois confrontée. Je me suis renseignée et on m’a affirmé qu’il n’y a pas en Tunisie de loi, décret-loi ou circulaire qui restreigne le voyage des femmes, à moins que des décisions n’aient été prises sans qu’elles ne soient rendues publiques. Quoi qu’il en soit, selon la constitution, en Tunisie, une femme majeure est libre de voyager. Ces mesures, bien qu’elles soient motivées par des raisons sécuritaires, constituent une menace à la liberté de circulation des femmes, surtout quand leur application dépend du jugement personnel de l’agent.
Ne restons pas muettes face à cette discrimination, à cette atteinte aux libertés constitutionnelles et aux droits de la femme !
Meriem Baccar