Les fausses vérités du Mufti de la République
Après les déclarations controversées de M. Talbi, le Mufti de la République a rendu public un communiqué lundi 9 mars qui est la quintessence de ce que l'islam aujourd'hui doit réprouver : une langue de bois qui ne fait qu'encourager ceux qui agissent activement pour démolir l'islam dans ses fondations, à savoir son humanisme, sa tolérance et sa spiritualité.
Scientificité de l’islam
Que dit M. le Mufti ? Il atteste de la spécificité de l'islam demeurant sa scientificité, et donc son ouverture à l'avis dissident, ce que Bachelard appelait « fait polémique », caractéristique de la science que l'islam a bien connue durant son histoire.
Il signale aussi, avec raison, que les discussions ont été tellement libres à certains moments de l’histoire islamique que cela a même porté sur la nature de la divinité.
Or, cela n'est qu'une face de la vérité,car M. Hamda Said se garde bien de dévoiler le revers de la médaille, à savoir qu’une telle liberté ne s'est pas faite tout le temps, surtout plus à partir de la fermeture dogmatique qui a annoncé le déclin de la culture et de la civilisation islamiques.
Quand il dit que les ulémas ont toujours été ouverts à la discussion, rappelant avec raison ce que disait l'imam Chafai — et les autres tenants des rites officiels d'ailleurs —, il ne dit pas toute la vérité.
Et cette vérité cruelle est dans le fait que la religion, une fois instrumentalisée par le pouvoir politique, a tenu à imposer une doxa officielle, rejetant tout avis contraire, y compris contre l'évidence même.
En cela, les musulmans n'ont fait que perpétuer, en une religion révolutionnaire à la base, le dogmatisme auquel s’adonnait en terre chrétienne l'église. Or, il n'y a pas d'église en islam !
Une doxa dogmatique
C’est un tel dogmatisme en terre chrétienne qui a permis que, longtemps, soit canonique lathèse que la terre ne tourne pas autour du soleil, et ce malgré les preuves irréfutables des savants.
Il se passe pratiquement la même chose chez nous, et c'est ce que confirme la suite du communiqué qui en fait l'essence même, reproduisant la fausse vérité sur l’alcool à laquelle on tient contre l’évidence même. C’est, en quelque sorte, la thèse islamique du soleil tournant autour de la terre !
En effet, contre toute raison, le Mufti fait écho à l'opinion officielle, scientifiquement obsolète,prétendant que l'islam interdit l'alcool. Alors que d'éminents islamologues, des thèses scientifiques, des livres crédibles et des articles sérieux ont déjà démontré que seule l'ivresse est interdite en islam, et encore pour faire la prière.
De la sorte, s'accrochant à une telle fausse thèse avérée, ce communiqué ne fait que déconsidérer la scientificité de la lecture du Coran et de la Sunna authentique telle que consignée par le consensus de Boukhari et Mouslem.
Revenir à l’éthique
Si à la fin, le communiqué revient à la vérité, en soutenant que la société tunisienne fait face à un grave danger représenté par le terrorisme, il ne reste pas moins à ce niveau également au seuil de la vérité, comme un croyant s'arrêtant au début du verset « Malheur aux orants » !
Le terrorisme qui menace le plus la Tunisie est celui qui s'attaque à son État civil tel que consacré dans la Constitution. Le terrorisme le plus dangereux pour notre pays est celui qui est dans les têtes, s'attaquant au modèle de la société tunisienne patiemment mis en place par Bourguiba.
Et un tel terrorisme est alimenté par des lois scélérates qu'il nous faut absolument abolir au plus vite si l'on veut véritablement le salut pour notre pays.
Cela impose de revenir aux vrais préceptes libéraux de notre islam. Ce qui consiste, entre autres, à déclarer licite l'alcool, responsabilisant le musulman qui, s'il veut être vraiment croyant, doit avoir la possibilité de résister à la tentation de boire, et en tout cas ne jamais boire avec excès. L'islam ne prône-t-il pas la modération en tout ?
C'est en toilettant notre arsenal juridique de toutes les lois prétendues islamiques qui ne font que pratiquer un terrorisme légal, brimant les innocents, tout en violant la lettre et l’esprit de notre belle religion qu'un réussira à établir la paix dans les têtes et dans la société.
Car, c’est quand le citoyen est libre, n’étant plus réprimé dans ses élans créateurs par des lois liberticides, quele vivre-ensemble démocratique et paisible devient réalité. Or, plus que jamais, cela est à portée de man en Tunisie. Il suffit d’être honnête et éthique, un juste de voix et de voie !
Farhat Othman