Nidaa Tounès se tire une balle dans la tempe
Nul besoin d’utiliser le conditionnel pour parler de l’implosion de Nidaa Tounès. Au moins, sous sa forme actuelle, le plus grand parti du pays a vécu. On s’attendait à un compromis entre les deux camps après que l’instance constitutive ait fait droit aux amis de Hafedh Caïd Essebsi de leurs principales revendications. Mais, contre toute attente, ces derniers ont choisi la confrontation en lançant, lors de leur réunion de samedi, une série d’oukases, notamment l’intégration de Nébil Karoui à cette instance, le transfert des prérogatives de celle-ci au profit du prochain bureau politique et l’interdiction aux ministres et conseillers de la présidence d’occuper un poste de responsabilité au sein du parti. Des conditions inacceptables où transparait en filigrane une volonté évidente d’humilier l’autre camp. D’ailleurs, le directeur exécutif de Nidaa Tounès a considéré d’ores et déjà comme nulles et non avenues ces décisions, précisant aussi qu'elles émanaient d’une réunion illégale.
Alors que le pays traverse une passe difficile, c’est la boîte de Pandore qu’on a ouvert en toute irresponsabilité avec tous les risques que cela peut induire pour le pays. Comme si la Tunisie avait besoin de cela. Il y a loin de l'attitude intransigeante des participants à la réunion de samedi au slogan «la patrie avant le parti» dont se gargarisaient les cadres de Nidaa pendant la campagne électorale. On a voulu tranché dans le vif, mettre fin à une guerre d'usure qui a commencé avec la création du parti. Mais c'est Nidaa qui est parti en lambeaux : voilà ce qu'il coûte de laisser pourrir la situation dans l’espoir que tout finira par s’arranger. Comme l’a dit Winston Churchill, « les choses ne s’arrangent pas en les négligeant. Si elles ne sont pas réglées, elles explosent et leur détonation fait tout voler en éclats ». C'est malheureusement le cas de Nidaa aujourd'hui.
Le sort de ce parti est suspendu désormais à un geste de son fondateur. Il n'a pas le droit de s'en laver les mains en se réfugiant derrière l'obligation de réserve à laquelle il est tenu. Il doit sauver cette exception tunisienne dont il est, à juste titre, si fier. Il le doit à ses électeurs et surtout à ses électrices qui l'ont carrément plébiscité aux présidentielles. Se résigner à une scission, c'est affaiblir le parti, c'est faire le lit des intégristes, c'est le retour au paysage politique antérieur aux élections. Quant à Hafedh Caïd Essebsi, on ne saurait trop lui conseiller de se méfier des amis empressés. En politique, les amitiés sont éphémères et surtout, rarement désintéressés. Qu'il prenne garde à ces flagorneurs qui le couvrent de louanges et le présentent comme le sauveur du parti tels le renard de la fable, car tout flatteur vit aux dépens de celui qui l'écoute. Il est pour le moins paradoxal que le fils du fondateur du parti accepte, sous quelque prétexte que ce soit, de s'allier à ses fossoyeurs.
Hédi Béhi
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