Mustapha Tlili : Sans un consensus pour une Libye unie pour tous les Libyens, aucun dialogue ne peut aboutir (III)
« Avec qui parler en Libye ? » s’interroge, Mustapha Tlili, dans une interview accordée à Leaders. Ecrivain, chroniqueur au New York Times, il déclare que « la Syrie est un Etat, alors que la Libye est une collection de tribus longtemps tenues en main par Kadhafi pendant 40 ans, sous la terreur et le clientélisme ». « Lorsque, par des décisions inspirées, on a détruit le pays, personne ne s’est soucié de la chape de plomb qui tenait ces tribus. Aujourd’hui, il n’y a pas de solutions prêtes. Vous avez des milices, des islamistes de toutes tendances et quelques pauvres libéraux démocrates, ignorés par tous. Mais aussi, beaucoup d’intérêts et ce grand bazar d’armes. L’effort de négociation mené par l’ONU, aussi important soit-il, reste vague et fragile ».
Quel est l’impact de la situation en Libye sur la Tunisie ? « Enorme, répond Tlili,fondateur et directeur du Centre de NYU pour les dialogues : le monde islamique - les Etats-Unis - l'Occident. Avec des frontières communes de plus de 600 km, et d’un million de réfugiés, un commerce parallèle intensif et le terrorisme qui domine en Libye, les conséquences sur la Tunisie sont bien lourdes. Le pays doit absolument s’en protéger. Heureusement qu’il a à sa tête un homme d’expérience qui en a vu d’autres, et non pas le président provisoire qui n’était qu’un inspiré ! »
La Tunisie doit-elle s’impliquer dans le dialogue inter-libyen et à quel degré ? « Se tenir informée, oui ! affirme-t-il. Il faut surtout s’assurer des termes de références de ce dialogue pour ne pas perdre le crédit dont le pays en aura un jour besoin. Ce qui domine aujourd’hui, c’est l’absence d’une vision claire d’une nation libyenne, d’un état libyen. L’unité artificielle maintenue par la violence et les privilèges a disparu avec la disparition de Kadhafi. Tant que les Libyens n’ont pas accepté l’idée d’une Libye unie, pour tous les Libyens et non-pas à vendre aux islamistes ou autres, le dialogue n’en sera pas un. C’est la clef de la question.
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