Le malheur arabe
Les infâmes commanditaires et les abjects exécutants de l’ignoble carnage du Musée national du Bardo savent bien qu’en s’attaquant à la petite Tunisie, ils s’attaquent à un pays-symbole.
Les tueurs de la démocratie
L’adoption d’une constitution, l’alternance politique, les élections libres, bref la réussite de la transition démocratique semble ne pas convenir à tout le monde et certains ont entrepris de la compromettreet de mettre fin à la fameuse exception tunisienne généralisant ainsi ce que le regretté Samir Kassir appelait « le malheur arabe ». Mais cefuneste projet ne devait pas se commettre n’importe quand, ni n’importe où, ni n’importe comment.
Le choix de la date n’est sûrement pas dû au hasard. Deux jours avant la célébration de l’indépendance qui le 20 mars 1956 a mis fin au protectorat français consacré, justement, par le traité du Bardo du 12 mai 1881.
L’on sait que les Islamistes ont la nostalgie du Califat chevillée au corps et qu’ils ont pour projet de détruire les états-nations pour le réaliser : le chaos en Irak, en Syrie, en Libye et l’implantation transfrontalière de Daech en sont l’illustration et le choix du Palais du Bardo à l’approche du 20 mars constitue une remise en cause symbolique de l'Etat tunisien. Remise en cause qui a failli être réelle et apocalyptique puisque les terroristes avaient pour intention première de faire sauter non seulement le Musée mais aussi le siège de l’ARP qui jouxte l’ancien Palais où les députés étaient justement en train de débattre de la loi anti-terroriste. Pour ces esprits fanatisés, l’explosion de l’ARP aurait mis fin à cette démocratie tant honnie, car à leurs yeux c’est une valeur occidentale !
Les assassins de la mémoire
Les terroristes tunisiens à l’instar de leurs semblables et vraisemblables modèles, les sinistres barbares de la secte Daech, outre attenter à la vie humaine, se sont attaqués à la culture et l’histoire. Ils envisageaient de faire exploser le Musée national car pour eux tout ce qui a précédé l’avènement de l’Islam n’existe pas et n’est pas digne de perdurer car il est l’œuvre de païens, et il risque de détourner de Dieu les croyants. Ces fanatiques partisans de « l’identité meurtrière » ne retiennent de l’histoire millénaire de la Tunisie et donc de son identité que les deux seuls éléments arabe et musulman, effaçant ainsi dans un geste négationniste et criminel les Berbères, Les Phéniciens, Les Carthaginois, les Romains, les Juifs, Les Byzantins, Les Chrétiens, les Espagnols, les Italiens, les Français…Au nom de leur « sainte ignorance », ces barbares veulaient assigner les Tunisiens à une identité étriquée, ils envisageaient les couper de leur histoire, de leur mémoire, de leurs cultures et de leurs appartenances plurielles. Ils projetaient d’en faire des êtres unidimensionnels.
Les meurtriers de l’espoir
Afin de déculturer les Tunisiens, afin de les enfermer dans une identité en peau de chagrin, il s’agit pour les sectaires de les isoler et d’interrompre tout contact avec l’autre, le différent. Et donc faire de cesser tout échange, d’où l’acharnement à tuer le maximum de touristes étrangers. Il s’agissait d’appauvrir les Tunisiens au propre comme au figuré, car les assassins n’ignoraient pas l’importance du tourisme pour l’économie tunisienne. Ils n’ignoraient pas que ce secteur-clé emploie400 000 personnes, qu’il est source importante de devises étrangères et qu’il contribue à hauteur de 7 % au PIB du pays.
Faire face à l’innommable
Ainsi donc deux jeunes Tunisiens, deux enfants de cette terre bénie des Dieux, deux fils de ce peuple doux et pacifique, ensauvagés par une idéologie criminelle, fanatisés par une secte maffieuse, ont perdu toute inclination à l’empathie, ont investi un lieu d’histoire et de culture et se sont mis à tirer sur tout être humain ôtant ainsi la vie à des représentants de l’autorité et surtout à des visiteurs étrangers intéressés par cette terre ; curieux de son peuple et de son histoire ; gourmands de son soleil, de sa gastronomie et de la gentillesse de ses habitants. En agissant de la sorte, ces êtres sans foi ni loi ont contrevenu à toutes les lois, celles des hommes et celles de Dieu. Et celles de l’hospitalité.
Ne pas céder à la peur
Afin de déjouer leurs plans et faire échouer leur projet :
- Il faut rester unis et vigilants et adopter au plus vite une loi anti-terroriste sans sacrifier les libertés fondamentales et tout en respectant les droits humains.
- Il faut que les visiteurs étrangers affluents vers la Tunisie et qu’ils en fassent la destination de leur solidarité. Il faut que par leur visite, ils disent non à la terreur et qu’ils contribuent ainsi à la consolidation de la toute jeune démocratie tunisienne.
- Il faut, enfin, que tous les démocrates tunisiens sortent le 20 mars afin, d’une part d’observer solennellement une minute de silence et de recueillement à la mémoire des victimes du Bardo et d’autre part, afin de défier le terrorisme et de célébrer dans la dignité et le calme le 59e anniversaire de l’indépendance tunisienne.
Slaheddine Dchicha