News - 19.03.2015

Désastre du Bardo : les trois grandes cibles

Désastre du Bardo : les trois grandes cibles

Ce que la Tunisie a vécu le mercredi, 18 mars 2014 est lourd de significations et de conséquences. Le désastre du Bardo illustre à quel point le terrorisme est implanté dans le pays et rappelle à chacun ses responsabilités.

A des centaines de kilomètres des monts Chambi, Sammama, Ourgha et autres massifs montagneux, les terroristes on frappé, pour la première fois un établissement public de la capitale avec l’effet le plus meurtrier depuis l’attentat de Jerba de 2002. Il s’agit aussi de la première attaque qui semble avoir visé principalement les étrangers.
L’assaut mené par deux individus laissait voir une organisation méticuleuse. Il a eu pour scène macabre un périmètre ou l’histoire de la Tunisie, qui se donne à voir, le mieux, dans le Musée national du Bardo et ses alentours immédiats, côtoie le présent et l’avenir qui ont pour laboratoire l’Assemblée des Représentants du Peuple.

Le Musée du Bardo, vitrine majeure du patrimoine tunisien

En s’attaquant au Musée national du Bardo, les terroristes ont visé une institution phare du patrimoine archéologique de la Tunisie. Séculaire, le musée du Bardo offre à ses  visiteurs un raccourci de la longue histoire tunisienne qui a tant donné à la civilisation universelle. Sa réputation méritée de premier lieu d’exposition de mosaïques romaines, au monde, ne fait pas oublier les nombreux autres chefs-d’œuvre qu’il recèle, de la préhistoire à l’époque contemporaine.

Ceux qui se sont attaqué au Musée, même s’il n’est pas encore prouvé qu’ils aient eu l’intention de s’en prendre à ses collections, appartenaient à la même engeance que celle qui s’est attaqué, en 2012, aux mausolées de Saïda Manoubia et de Sidi Bousaïd, et celle qui a  anéanti, récemment, en Irak, les trésors du richissime Musée du Mossoul ainsi que les vestiges des sites fabuleux de Nimrud et de Hatar. Ils ne diffèrent aucunement de ceux qui ont appelé, il y a une dizaine de jours, dans un pays arabe, à s’attaquer  aux pyramides d’Egypte, et de ceux qui ont détruit, il y a quelques jours, au bulldozer, dans la région de Syrte, en  Libye, des sépultures de dignitaires soufis. Les uns et les autres ont en commun un problème majeur avec l’Histoire qu’ils cherchent à faire oublier et dont ils essaient d’effacer les traces pour s’adonner à cœur joie à leur travail de prétendus refondateurs. Faire fuir les touristes du Musée du Bardo, faute de faire sauter ses trésors archéologiques, constitue une perte incommensurable pour la visibilité du patrimoine tunisien et universel. C’est donc le tourisme qui est particulièrement visé par les assaillants et par là même l’économie et le pays qu’ils veulent mettre à genoux.

Le tourisme, manne essentielle de l’économie tunisienne

Malgré ses problèmes structuraux et conjoncturels, le tourisme tunisien constitue une source de revenu essentielle pour l’Etat qui le gère comme il peut, pour les collectivités qui en espèrent beaucoup et  les particuliers qui en vivent encore. Sa variante culturelle, mal gérée  et toujours en très en deçà de ses immenses potentialités, n’en constitue pas moins un attrait majeur pour de rares tunisiens et un nombre non négligeable de touristes étrangers dont beaucoup sont originaires des deux pays voisins.

Ceux qui se sont attaqués à cette activité ont cherché à priver le pays d’un revenu précieux et d’hypothéquer son avenir en s’attaquant à l’une de ses recettes principales en devises. Ils ont agi avec le même dessein que ceux qui ont perpétré l’attentat de Jerba, il y a 13 ans. Par les suites escomptées de leurs actes, ils cherchent à nuire à l’économie d’un pays, resté en difficulté malgré les progrès réalisés pour sortir de l’impasse politique, particulièrement les avancées consécutives à l’adoption de la nouvelle constitution et le succès des  dernières élections qui ont constitué un pas historique vers la consolidation de la démocratie. L’échec des précédentes tentatives de sabordage du processus démocratique semble avoir poussé les obscurantistes à s’essayer, à nouveau,  au sabotage de l’économie nationale après les attentats avortés de Sousse et de Monastir l’année dernière.

L’Assemblée des Représentants du Peuple, coeur du régime républicain

Même si l’Assemblée des Représentants du Peuple n’a pas été prise d’assaut par les terroristes, la petite constitution de 2011 et la Constitution du 26 janvier 2014, qui ont choisi le régime parlementaire puis un régime parlementaire aménagé, ont fait d’elle, depuis quatre ans, l’établissement emblématique de la Révolution tunisienne, et de son siège le symbole de la seconde République. Plus que la Kasbah et Carthage où se trouvent les sièges de la Présidence du Gouvernement et de la Présidence de la République, elle a servi de creuset pour la gestation de la IIème République tunisienne. N’est-ce pas dans le palais qui lui sert de siège que  l’ANC (l’Assemblée nationale Constituante) a élu domicile pour élaborer la constitution de la IIème République ? Au moment où le Musée, tout proche, était attaqué, l’une des commissions de l’ARP ne discutait-elle pas du  projet de lutte contre le terrorisme et le blanchiment d’argent ? Cette coïncidence troublante ne pourrait-elle pas avoir été préméditée ?
Que les assaillants aient eu ou non, l’intention de s’attaquer à l’ARP, un fait s’impose à nous : des terroristes ont fait une démonstration de force dans les environs immédiats du lieu essentiel de l’exercice de la  démocratie tunisienne balbutiante dont la nature est largement parlementaire. Ainsi, le rouage essentiel du système politique tunisien s’est trouvé attaqué ou, pour le moins, menacé et intimidé. Plus encore, le siège de l’ARP est chargé de toute l’histoire de la Tunisie indépendante, de l’adoption du régime républicain, à la  proclamation de la première constitution jusqu’à celle de la IIème  République et de la mise en place des autorités actuelles, législative et présidentielle. Toucher à l’ensemble de ces symboles, c’est  chercher à remettre en cause les acquis de plus d’un demi-siècle de régime républicain et les espoirs d’une révolution récente.

Le recueillement qui s’impose, aujourd’hui, devra être suivi, demain, de la prise des mesures nécessaires en vue d’une mobilisation générale du pays pour une guerre qui a atteint un nouveau palier et qui s’annonce plus dure et plus longue que ne le croyait la plupart des Tunisiens. Des épreuves dures, les grandes nations sortent aguerris et munies de ressources qui leur donnent la force  de se surpasser. Les Tunisiens ont à montrer à eux-mêmes et aux autres qu’ils sont de cette trempe.

Houcine Jaïdi
Professeur d’Histoire ancienne à ‘Université de Tunis 
 

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1 Commentaire
Les Commentaires
T.B. - 20-03-2015 04:44

Il a manqué de l´organisation dans cette affaire, commen deux personnes puissent faire tant de ravage dans le pays. Comment se fait-il que la police qui se trouvait sûrement sur place n´est pas verifier si ces deux hommes habillés en soldats sont effectivement des soldats et qui les auraient envoyés au musée. Même des enfants auraint pu faire la meme chose. Mais le poblème c´est les armes qu ils ont avec eux. Personne n´a pu les voir? c´est incroyable. Bien sûr je peux me tromper là-dessus. Mais un eclaircissement de cette question nous serait trés utile.

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