Une Tunisie en stagflation
La Tunisie s'est dotée en janvier 2014 d'une Constitution démocratique et moderniste. À la fin de cette même année 2014, nous nous sommes rendus aux urnes pour choisir nos représentants à l'Assemblée puis pour élire un Président au suffrage universel direct. Ce fut réjouissant car notre pays revient de loin , de très loin. Nous sommes tous fiers de cette réussite politique et institutionnelle et nous espérons qu'elle se poursuive. Toutefois , notre pays est en proie à de graves difficultés économiques. La situation est critique et ne fait que s'aggraver.
L'état des finances publiques est déplorable. Le taux d'endettement a atteint 53% du PIB et le déficit budgétaire continue de se creuser, il est de 7.5 milliards de dinars. Et ce n'est pas tout, la balance commerciale reste fortement déficitaire en dépit de l'amélioration qu'elle a connu le mois dernier, les pertes comptables cumulées des entreprises publiques ont dépassé les 3 milliards de dinars en 2014 et le déficit des organismes de sécurité sociale s'aggrave d'année en année.
Mais le plus grave, c'est que la croissance est faible ( 2.3% en 2014 ) et l'inflation fortement élevée, elle avoisine les 6%. Et quand une économie souffre simultanément d'une croissance faible et d'une forte inflation, c'est une situation de stagflation. La stagflation actuelle s'accompagne d'un taux de chômage élevé qui selon l'INS, atteint 15.2% de la population active. Notons toutefois, que le taux de chômage des diplômés s'élève à 33%.
Dans ce contexte économique grave de stagflation , la situation peut encore s'aggraver. Des voix commencent à s'élever pour exiger d'augmenter les salaires. Ils estiment qu'en augmentant les salaires, le pouvoir d'achat des Tunisiens va s'améliorer. Or c'est faux, c'est une illusion. Car augmenter les salaires revient à injecter plus de monnaie dans l'économie, la masse monétaire en circulation augmente, la valeur de la monnaie baissera et les prix augmenteront.
Par conséquent augmenter les salaires se révèle contre-productif et ne fera qu'aggraver la situation. Je me permets cette comparaison, comme si quelqu'un avait un trou dans sa poche et qu'il y met de l'argent, l'argent tombera par terre.
Une augmentation salariale surtout importante ne fera qu'accélérer l'inflation qui atteindra des sommets. Et les conséquences dramatiques ne s'arrêteront pas là, le dinar continuera à dégringoler et deviendra une monnaie de singe! De plus, avec un déficit budgétaire que l'Etat peine à combler et une dette abyssale, l'Etat tunisien n'a pas les moyens pour financer d'éventuelles augmentations salariales.
La croissance en Tunisie doit être relancée par l'investissement et non par la consommation. Car il ne faut pas se tromper de pays, nous ne sommes pas l'Allemagne. Nous sommes un pays fortement importateur et doper la consommation revient à favoriser la croissance des pays dont nous importons et non la notre. La solution est d'améliorer les conditions sécuritaires dans le pays et de parvenir à la paix sociale afin de stimuler l'investissement local et étranger.
Exiger de revoir le système fiscal pour qu'il soit plus juste, s'attaquer aux niches fiscales et essayer de contenir l'économie parallèle sont des mesures sérieuses et bénéfiques mais augmenter les salaires dans une situation de stagflation serait irresponsable, populiste et ne fera qu'aggraver la situation déjà précaire.
Chedly Mamoghli