J'appelle BCE à privilégier l'état de droit à la Démocratie ...!
La lecture récente d'une étude effectuée fin 2014 par l'unité de recherche du groupe the "Economist" qui a créé l'indice de Démocratie de par le monde selon certains critères précis, a pu démontrer que la Tunisie figure au même titre que le Portugal ou l'Italie et la plupart des pays d'Amérique latine, dans la zone des pays dont la Démocratie est imparfaite, avec un indice de 6 à 8 sur une échelle de 10. Si nous pouvons nous réjouir de ce classement parce que la présence de la Tunisie est tout à fait récente dans le club des nations démocratiques de part le monde, l'intérêt de ma lecture que je souhaite partager avec mes concitoyens concerne l'état de la démocratie dans le monde de 2015.
En effet toutes les analyses jusque-là faites sur la démocratie à l'échelle mondiale, montrent qu'après trente années d'avancée rapide, la démocratie ne progresse plus dans le monde. Tous les observateurs s'inquiètent de la poussée des régimes autoritaires et des ratés de la démocratisation quelle que soit la religion ou le degré de développement économique et social des sociétés concernées.
Thomas Friedman du New York Times, avait déjà mentionné la stagnation depuis 2006 du nombre de démocraties dans le monde et plusieurs grands pays réputés démocratiques en Europe et en Asie notamment ont connu une érosion des libertés.
A en croire ce qui vient d'être dit plus haut, il y a lieu de penser que les autocrates ont une longueur d'avance. La question est de savoir si la faute incombe à ces dirigeants devenus autocrates, ou bien à leurs peuples. Gideon Levy, grand reporter israélien s'est interrogé dans le journal de Tel- Aviv, Ha'Aretz"et si on changeait les peuples" à la suite de la victoire électorale récente de Benyamin Netanyahou, qui selon lui va conduire les Israéliens au désespoir. Il ne comprend pas, à juste titre, qu'un peuple qui souffre de l'insécurité et du terrorisme, puisse voter pour un dirigeant hostile à la paix avec les palestiniens, condition nécessaire et suffisante pour garantir la sécurité d'Israël.
Gideon, avait posé la véritable question, celle qu'on est en doit de se poser nous autres Tunisiens qui en sommes aux premiers balbutiements de notre approche démocratique sans pour autant arriver à ce jour à dialoguer ensemble, à vivre ensemble, à réfléchir ensemble, à travailler ensemble pour parfaire l'avenir de nos enfants et nos petits enfants. Depuis quatre années, nous n'entendons que des voix s'élever pour diaboliser l'autre, accumulant les mensonges, les contre-vérités et les préjugés, avec une haine et une rancune envers l'autre qui n'a d'égal que la volonté à tout prix pour ces orateurs, de glaner des postes politiques, au nom de la République et de la démocratie. En d'autres temps, n'avons-nous pas également fait de Bourguiba, un leader irremplaçable, et incomparable, pour justifier sa présidence à vie, jusqu'à sa sénilité et son incompétence avérée à gérer les charges suprême de l'Etat Tunisien, n'avons6nous pas fait de même à Ben Ali, créant une aura artificielle autour de lui, et faisant de lui le génie économique et politique de la Tunisie, en ajoutant à son entourage, une véritable cour composée par des hommes d'affaires avides de plus d'argent, allant volontairement courtiser sa famille pour bénéficier d'avantages fiscaux et autres, et qui aujourd'hui se drapent d'un burnous d'honorabilité, jouant les victimes auprès des nouveaux occupants de Carthage et de la Casbah.
Oui, nous peuple Tunisien, sommes à l'origine de tous ces dysfonctionnements, et sommes prêts à refaire les mêmes erreurs, même après cette démocratie, que nous avons acquise au prix de la vie de jeunes et pauvres citoyens, morts et qui meurent à ce jour au nom de la dignité.
Il faut arrêter de se voiler la face. Nous sommes tous responsables de la situation dans laquelle se trouve la Tunisie aujourd'hui. Nous venons à peine de sortir d'élections difficiles à mettre en œuvre, et des que le gouvernement a été formé- il n'est peut-être pas parfait -, on n'a pas arrêté de le fustiger d'une part, de dénigrer le President et son entourage à Carthage d'autre part, de tergiverser sur l'attitude de Habib Essid, premier ministre dès sa première apparition télévisuelle. Peuple de Tunisie, arrêtez de critiquer vainement, reprenez le Travail, faites votre devoir envers votre pays d'abord, posez vos questions et commenter l'actualité comme bon vous semble ensuite.
Sinon Gideon aurait raison de vouloir changer son peuple ...!
Quant ‘à nos dirigeants, que nous avons porté au pouvoir par les urnes, ils doivent savoir que pour la première fois dans l'histoire de notre pays, ils ont établi un contrat moral et électoral avec leurs électeurs. Celui de relancer l'économie, de garantir la sécurité de tous les citoyens et de renforcer les acquis démocratiques. Pour cela, l'exécutif doit être fort. A ce propos, si le choix des personnes au sein du gouvernement ne doit pas être contester, qu'il me soit permis toutefois de dire que pour certains portefeuilles, d'autres compétences reconnues sur la place auraient été plus utiles dans la conjoncture actuelle du pays, car, contrairement à ce qu'on dit ici ou là, de manière totalement démagogique et électoraliste, les compétences efficaces ne courent pas les rues en Tunisie aujourd'hui.
Il me paraît également essentiel à ce gouvernement - et ce n'est pas le cas hélas,- d'être à l'écoute de toutes les compétences du pays surtout les anciennes en les associant à consolider les fondements de cette nouvelle Tunisie. Le peuple n'a pas de contentieux avec ceux qui ont servi le pays et la république, il à cette capacité de discernement, seuls les nouveaux venus en politiques en ont, pour des raisons évidentes.
Récemment un ancien collègue à moi a été approché par un ministre fraîchement nommé dans un département sensible. Lorsque le ministre en question lui a rendu visite à son domicile un dimanche, alors qu'il ne le connaissait pas auparavant, il lui avoua qu'on lui avait recommandé de le voir, comme étant le meilleur expert en Tunisie dans son domaine. Mon ami qui a 55 ans a été mis à la retraite d'office par la troïka passe le plus clair de son temps dans le café du coin. Manifestement heureux de cette sollicitude il s'exécuta avec beaucoup d'enthousiasme et dit tout au ministre dans le domaine concerné, à la fin de l'entretien qui a duré quatre longues heures, le ministre lui a demandé de garder secret cet entretien de peur que l'on sache qu'il avait cherché conseil auprès d'un ancien de Ben Ali ....! Voilà où nous en sommes dans notre nouvelle république démocratique tunisienne.
La démocratie disait Winston Churchill " est la pire forme de gouvernement, à l'exception de toutes les autres". Elle enflamme toujours l'imagination des gens comme nul autre système .Cela ne restera cependant vrai que si les grandes démocraties conservent un modèle digne d'être suivi". Lorsque l'Asie du Sud-est, abrita les toutes premières démocraties en Asie on était loin de croire que celles ci pourraient régresser aussi rapidement. Lorsque Lee KuanYew d'origine chinoise a accédé au pouvoir à Singapour, il a commencé par rejeter la démocratie à l'occidentale pour instaurer un régime de parti unique, avec une administration omniprésente, ce qui lui a permis de gérer le pays d'une main de fer. Il n'est certes pas démocratique, mais se différencie également des dictatures classiques par son administration qualifié, intègre et efficace, et par ses institutions judiciaires strictes et impartiales. Grâce à cela, Singapour a connu un développement rapide, tout en assurant le maintien de l'ordre public et de la justice. En clair, cela signifie que l'Etat de droit est plus important que la démocratie. En Tunisie, alors que nous faisons face à la menace terroriste, et que nous avons du mal à faire redémarrer cette machine économico - sociale, grippée par une overdose démocratique, qui ressemble plus à un chaos médiatique, qu'à une véritable liberté, n'est il pas plus judicieux de suivre le modèle singapourien, pour rattraper ce retard difficile à combler avec les remèdes escomptés jusque-là. Oui l'état de droit est plus profitable à la Tunisie d'aujourd'hui, la démocratie viendra en son temps. Si aujourd'hui dans les démocraties récentes comme la nôtre, il faut comprendre les raisons historiques et socio- économiques qui poussent les peuples à faire de mauvais choix électoraux ou autre, je demeure convaincu quant ‘a moi comme disait Francis Fukuyama, "que malgré ces hésitations vers la liberté, la fin de l'Histoire sera démocratique...!" En effet invité à parler à Madrid, dans une conférence sur le dialogue des religions en 2003, M. Mohamed HassineFantar, que j'avais invité à prendre part à la dite conférence alors que j'étais en poste à Madrid, avait conclu son intervention par ces mots " le fait religieux n'est qu'éphémère, il est appelé par conséquent à disparaître avec le temps, une nouvelle religion émergera, elle sera elle universelle et durera à travers les temps: c'est la Démocratie." Il faut méditer ces paroles dites par un historien tunisien, il y a plus de dix ans, ayant travaillé pourtant sous Ben Ali.
Dr Basly Mohamed Sahbi
Ancien Diplomate