Décès d’Ahmed Laghmani, le poète qui ne mourra pas
Contraint à se retirer de la scène littéraire depuis le coup d’Etat médical contre Bourguiba en 1987, le grand poète Ahmed Laghmani vient de nous quitter à l’âge de 92 ans, bouclés le 31 mars dernier. Natif des oasis d’Ezzarat, non loin de Gabès, en 1923, il poursuivra ses études à la Zitouna puis à l’Ecole Normale et entamera une carrière d’enseignant avant de devenir inspecteur au ministère de l’Education.
Mais, c’est à la Radio nationale dont il sera le directeur, que Laghmani fera la plus grande partie de son parcours. Producteur de l’émission « Houwat al Adab », il s’emploiera à détecter les jeunes talents nouvellistes, romanciers et poètes qui trouveront auprès de lui et de son compagnon d’émission Abdelaziz Kacem, conseils et encouragements. Loghmani aura l’excellente initiative de tenir une rencontre annuelle qui réunit ces jeunes pousses et leur fait rencontrer leurs aînés confirmés, créant ainsi entre eux des liens d’émulation et d’échanges fructueux. Bourguiba qui ne manque pas ses émissions, invitera les participants à son palais et se délectera de leurs œuvres.
Poète de grand talent, Ahmed Loghmani est renommé pour ses odes à la gloire de la Tunisie et de son président. Parmi tous ceux qui ont loué Bourguiba, il s’est toujours distingué par des vers d’une rare puissance poétique élégante, raffinée, sculptée dans une langue pure, imprégnée d’images évocatrices. S’il ne critique pas ouvertement le « Combattant suprême », il lui envoie dans ses poèmes déclamés devant lui des messages à peine voilés que son illustre auditeur se plaît à décoder. Loghmani devance parfois la pensée de Bourguiba et l’exhorte à prendre des positions encore plus tranchantes. Sa vive critique de Kadhafi, dans les années 70, invoquant le grand combattant libyen défunt Omar El Mokhtar, et lui demandant de se relever de sa tombe pour voir le désastre causé par la révolution et les révolutionnaires, fera date. Ce poème sera gravé sur une stèle.
Meurtri par le limogeage de Bourguiba, Laghmani se drapera dignement dans le silence qu’il ne quittera que pour prononcer une émouvante oraison lors de son décès le 6 avril 2000.
Ses recueils de poésie (Qalboun à la cheffa, notamment) ses pièces de théâtre (Jorh Edhakira…) et ses livres pour enfants restituent pour le lecteur un talent inégalé.
Légende Photo: Avec son fils, le Pr Slim Laghmani.