Opinions - 29.04.2015

Tunisie : Ce que la sécurité et la prospérité exigent

Ce qu’exigent la sécurité et la prospérité

Vaincre le terrorisme et relancer l’économie ne peuvent s’accomplir sans un syndicalisme positif et des partis politiques majoritaires forts et constructifs. Il s’agit là, sans l’ombre d’un doute, des quatre piliers de l’échafaudage de l’édifice national. Si les deux objectifs principaux, la sécurité et la prospérité, sont évidents, les deux moyens déterminants pour les atteindre, la valeur travail dans la paix sociale et le soutien politique à un programme de gouvernement ne font pas l’objet d’une mobilisation suffisante.

Livrée à la surenchère de ses troupes, la centrale ouvrière, qui hérite d’un glorieux combat patriotique et de grandes luttes syndicales et fait face à une inacceptable diabolisation, peine à endiguer le flot des revendications chaque jour encore plus exigeantes. La dégradation du pouvoir d’achat, la précarité de l’emploi et la montée du chômage mettent certes à rude épreuve le revenu des ménages et attisent les tensions sociales. Mais, ce n’est pas à l’entreprise seule, pour le secteur privé, et au gouvernement, pour la fonction publique, d’y répondre en augmentations salariales. Dans cette confrontation en escalade continue, les risques de blocage sont évidents : la production dans les usines, l’enseignement, les soins de santé, les transports et autres services publics.

Faute de lois et d’accords, le droit de grève est érigé en diktat. A chaque instant, les Tunisiens courent le risque d’être  pris en otage. Dans ce grand tumulte général qui traverse l’ensemble du pays, la direction de l’Ugtt a la tâche difficile pour encadrer ses bases. Sa mission est encore plus délicate à la veille de son prochain congrès et de tous les enjeux électoraux qu’il comporte. La voie de la surenchère revendicative reste largement ouverte en l’absence d’un accord national solide scellé avec des interlocuteurs gouvernementaux, politiques et patronaux équitables, fermes et convaincants.

C’est dire l’importance du rôle que doivent jouer les partis politiques majoritaires, particulièrement Nidaa Tounès et Ennahdha. Or nous savons tous dans quels débats internes et tiraillements ils se battent. Le parti islamiste tente de s’adapter à son nouveau statut de challenger dans la coalition gouvernementale. Essayant tant bien que mal de s’en sortir, il prépare activement son congrès devant marquer la séparation entre le religieux et le politique et l’émergence en première ligne de nouvelles figures. Usant de toute son habileté, son chef, cheikh Rached Ghannouchi, multiplie les messages rassurants, comme dans son livre d’entretiens paru début avril en France, et les gestes de rassemblement de ses compagnons de route, tentant de ramener à la maison ceux qui l’ont quittée.

Mais, c’est de Nidaa Tounès que viennent les signaux les plus inquiétants. Hissé au pouvoir par le verdict des urnes, il ne donne pas l’impression qu’il gouverne effectivement. Sauvée d’un côté et altérée de l’autre, l’image du parti est à la recherche d’un recadrage significatif. Ce qui l’a sauvée, c’est le magistère de son leader Béji Caïd Essebsi à Carthage, comme à l’international, et le travail laborieux mené par Habib Essid à la Kasbah et quelques-uns seulement de ses 7 ministres au gouvernement. Ce qui l’a écornée, c’est, d’un côté, la course aux gratifications en postes et fonctions, immédiatement au lendemain des élections, et de l’autre, la nouvelle bataille pour la prise en main de la direction du parti et de ses instances, à la veille du congrès, étape essentielle pour le positionnement d’avenir.

Alors que le gouvernement appelle à un soutien politique large, il s’en trouve privé. C’est pourtant plus qu’indispensable, déterminant pour faire face au terrorisme, à la surenchère des revendications, à la contrebande, au commerce informel et à tous les abus et amorcer les grandes réformes douloureuses. Sans paix sociale durable et sans appui politique fort, il ne saura réussir sa mission. A l’Ugtt donc d’inventer un nouveau syndicalisme participatif et constructif. A Nidaa Tounès de se ressaisir et à toute la classe politique de se mobiliser pour la réussite de cette ultime phase. Rien ne sert d’aller chercher les financements et investissements extérieurs, d’attirer les touristes et de mobiliser la création d’entreprises, si la Tunisie ne repose pas solidement sur une union nationale sacrée taillée dans la cohésion politique et la sérénité du climat social. Réunis, ces deux facteurs seront les piliers profondément ancrés de la sécurité, de la croissance et de la prospérité.

T.H.