Mohamed Abid: Le Tunisien de la NASA qui a pu conquérir l’espace
Les success stories à la NASA ne sont pas réservées uniquement aux Américains. Un Tunisien vient d’inscrire son nom au marbre de l’Administration nationale de l’aéronautique et de l’espace. Mohamed Abid, 44 ans, ingénieur physicien, chef ingénieur de projet SMAP, fait honneur à ses compatriotes.
Son satellite (Soil Moisture Active Passive Mission), lancé fin janvier dernier avec succès, a suscité un vif intérêt de par le monde. Il a pour mission de recueillir les données utiles sur l’humidité des sols, en mesurant les quantités d’eau jusqu’à 5 cm de la surface, ainsi que l’humidité de l’atmosphère, fournissant ainsi des indicateurs de premier plan sur la végétation et les conditions déterminantes pour les cultures, fruits et légumes, ainsi que les pâturages. Un succès retentissant parmi beaucoup d’autres à la NASA. Sa carrière dans cette agence américaine ne s’est pas construite du jour au lendemain, sans effort et persévérance.
Né en Sfax d’un père entrepreneur et d’une mère employée à la Banque centrale de Tunisie, Mohamed Abid a connu une enfance paisible au sein d’une famille qui apprécie l’éducation et le savoir. Il a effectué ses études à l’école primaire Baccour de Sfax où il a développé un grand intérêt pour les sciences et les mathématiques, mais il n’a vraiment acquis des connaissances solides dans ces domaines que durant sa scolarisation au Lycée de garçons. Assoiffé de découverte et armé de patience, ce jeune homme effectuait régulièrement des voyages à pied, sous la pleine lune, vers les localités balnéaires avoisinantes. «J’ai marché une fois de Sfax à la Chebba(60 km), nous dira-t-il, puis je suis rentré à vélo. J’ai même pratiqué la planche à voile entre les deux villes. Mais, la marche était l’expérience la plus intéressante. J’ai commencé à 2 heures du matin pour profiter de la pleine lune, j’ai esquivé les chiens et j’ai marché pieds nus près du quart de la route. C’était un moyen de tester ma persévérance et mon endurance». Mohamed se prouvait être un jeune tenace et apte à franchir les obstacles, des qualités qui lui ont permis plus tard d’entrer à la NASA par la grande porte.
Il ira en France faire ses classes préparatoires et réussira son admission à l’Ecole Doctorale de l'Ecole Polytechnique. Passionné de physique, il obtiendra un mastère de physique et un autre en sciences. Durant ses vacances d’été, il enchaînait stages et missions d’assistant de recherche dans de grands laboratoires, notamment le Laboratoire de physique nucléaire et de hautes énergies (LPNHE) à Paris. Il s’y consacre particulièrement à l’analyse et la simulation des résultats expérimentaux du calorimètre hadronique et électromagnétique à hautes énergies SPACAL (SPACAL : SPAghetti CALorimètre). Il a également travaillé dans des laboratoires suisses, notamment le Laboratoire européen pour la physique des particules (CERN) qui lui a permis de développer davantage ses connaissances dans la performance des calorimètres à une basse énergie.
Toutes ces expériences ont été pour lui un facteur principal dans l’amélioration de ses compétences techniques de chercheur et le développement de son appréciation pour la science et la technologie. Mais c’est aux Etats-Unis qu’il a vraiment trouvé la chance d’exploiter son ingéniosité et montrer ses réelles performances.
Et ce n’est qu’un début…
Il s’est engagé, en premier lieu, à préparer un doctorat en génie aérospatial et mécanique dans le cadre d’une bourse d’études complète, offerte par l’université de Californie du Sud. Passionné par la recherche, Mohamed Abid n’a pas trouvé de difficultés à grimper l’échelle professionnelle, d’abord en tant que qu’assistant ingénieur (1994-1999), ingénieur associé (1999-2001) et plus tard en tant que professeur assistant et conférencier (de 2005 jusqu’à aujourd’hui). Lors de son voyage au Japon, il a exécuté des essais à la tour de chute 10-S au Centre japonais de microgravité (JAMIC) dans le cadre d’un programme de recherche en partenariat entre la NASA et NEDO. C’est ainsi que sa carrière à la NASA fut lancée. Doté d’une expérience significative dans l’aérospatial, il a contribué au perfectionnement des vols des aéronefs à microgravité DC-9 et KC-135 au centre de recherche GLENN, appartenant à la NASA, et ceci au profit des expérimentations sur la charge utile (SOFBALL). Il a également aidé, en tant qu’enquêteur adjoint, au développement des opérations, analyses, hardware et software de l’expérience SOFBALL (Flammes en boule à faible nombre de Lewis) qui a accompagné plusieurs fois la navette spatiale Columbia dans ses missions.
Après avoir enseigné la «dynamique et contrôle d’attitude de l’engin spatial» et la «structure, design et analyse des engins spatiaux» aux USC et UCLA, Mohamed a décidé de donner des cours de sa propre élaboration qu’il a baptisés «la sonde spatiale». N’ayant pas trouvé les ressources nécessaires, il s’est tourné vers l’écriture pour remédier à ce manque. Ainsi le manuel « les sondes spatiales» fut publié.
Télescope, satellite et navettes spatiales …
Tout au long de ses années à la NASA, Mohamed enchaîna des réalisations prestigieuses tant dans le domaine théorique que pratique. Il a contribué à la réussite de plusieurs projets spatiaux tels que le télescope WISE (Wide-field Infrared Survey Explorer en 2009) et le satellite SMAP (Soil Moisture Active Passive Mission en janvier 2015). L’objectif de ce satellite consiste à recueillir des données sur l’humidité des sols et de l’atmosphère, apportant ainsi des informations utiles sur la végétation et l’impact du réchauffement climatique sur l’environnement topographique.
Il a été également un membre fondateur dans le lancement de plusieurs navettes spatiales: Columbia STS-83, Columbia STS-94 et Columbia STS-107, utilisées pour réaliser des missions de microgravité ou faire fonctionner des instruments dans l’espace.
Mohamed Abid a pu finalement récolter les fruits de son dévouement à la recherche scientifique en obtenant la Médaille d’honneur exceptionnelle de la NASA et le Prix d’excellence du groupe pour sa contribution remarquable à l’élaboration et la réussite du projet WISE.
Mais cette réussite n’est pas pour le moins improvisée et s’explique par sa croyance profonde aux opportunités que peut offrir la vie aux gens persévérants, curieux et studieux.«Je ne dors pas trop. Je crois que si tu dors en moyenne 12 heures par jour, tu auras passé la moitié de ta vie à dormir. Si tu peux fonctionner ou t’entraîner à fonctionner en ayant dormi pour 6 heures seulement, tu gagneras un quart de ta vie et tu peux en profiter pour apprendre, produire, élargir ton esprit, créer et exceller. Ça m’intéresse plus que perdre mon temps à dormir», a affirmé Mohamed Abid.
Yosra Blanco