1er juin 1955: Retour du «Combattant Suprême», le Zaïm Habib Bourguiba
Il est des dates qui marquent, qui ne s’oublient pas, et qui vous font entrer dans la grande histoire à votre insu, constituant ainsi un tournant dans la vie. Le 1er juin 1955 en est une. A Marseille, le groupe de jeunes élèves que nous étions pour préparer l’examen du baccalauréat, apprit la grande nouvelle: le «Combattant Suprême» arrivait le soir même par le train de Paris pour un retour triomphal au pays après des années d’exil et la conclusion, à l’arraché, des conventions sur l’autonomie interne. Avec notre bouquet de fleurs, nous voilà à la gare Saint-Charles pour accueillir le Zaïm. Bousculé par la foule de Tunisiens qui scandait le nom du héros, je fus soudain saisi par une intense émotion quand je me retrouvai face à face avec l’homme qui représentait l’espoir de tout un peuple.
Je réussis finalement à m’approcher de lui et à lui remettre le bouquet de fleurs qui représentait, pour les jeunes venus à son accueil, le meilleur gage de reconnaissance et de fierté pour le dur combat qu’il avait mené. Comment ne pas se rappeler, aujourd’hui et demain, avec beaucoup d’émotion, après des décennies d’oubli, la date du 1er juin 1955 ! Elle symbolise à la fois la victoire contre le colonialisme et la renaissance de la Tunisie libre et indépendante.
Cette rencontre, comme d’autres plus tard, avec le Zaïm, alors que nous n’étions que des élèves et étudiants, demeurera à jamais gravée dans nos mémoires. Bourguiba nous avait toujours insufflé l’amour de la patrie, et nous avait fait rêver de grands desseins. Il nous avait mobilisés et engagés jeunes dans le combat pour l’indépendance, et plus tard dans l’édification de l’Etat moderne.
La commémoration de cette journée doit inciter, aujourd’hui, notre jeunesse à sauvegarder les acquis de notre société et à s’engager au-delà de cette œuvre magnifique du «Combattant Suprême», à instaurer une véritable démocratie, tant souhaitée, et à s’atteler au développement du pays pour rattraper le temps perdu. C’est un devoir de génération que de continuer à faire vivre la mémoire de Bourguiba, père de l’indépendance, libérateur de la femme et bâtisseur de la Tunisie moderne, dans l’esprit de nos jeunes, de sorte qu’il demeure, au-delà du temps et des gouvernants, un symbole et une fierté nationale.
N’est-ce pas transcender les querelles byzantines de nos politiciens que de reconnaître à Bourguiba sa véritable place dans l’histoire de la Tunisie, au même titre que Jugurtha, Hannibal, Ibn Khaldoun et autres grands noms de notre histoire millénaire. L’histoire n’a-t-elle pas attesté suffisamment qu’il faisait partie du cercle restreint de ces leaders contemporains, à l’instar de Gandhi, Mandela, Atatürk… dont la vie et l’œuvre leur ont valu la reconnaissance de leurs peuples et celle de la communauté internationale?
Sur la foi de quoi, il est temps de réinstaller la statue équestre du Président Bourguiba à sa place initiale à l’avenue portant son nom sur laquelle trônait, jadis, celle de Jules Ferry, symbole du colonialisme. Il appartient au Président de la République actuel de tenir sa promesse et d’exaucer ce vœu du peuple reconnaissant.
Abdesselem Kallel