Qu’attend-t-on de ce Gouvernement?
La situation peu enviable dans laquelle se dépêtre notre pays me semble due à un péché originel, celui du choix d’un régime parlementaire qui rend l’exécutif à la merci des élus non préparés à l’exercice d’un pouvoir législatif aux larges contours élu par un peuple non encore mûr pour la démocratie.
L’Allemagne et le Japon, pour ne citer que ces deux pays, dévastés par la guerre ont pu, en un clin d’œil, reconstruire leur économie, grâce à l’envergure de leurs dirigeants et l’aptitude de leurs peuples à croire dans la valeur du travail, à accepter une certaine discipline et les sacrifices rendus nécessaires dans le cadre de la solidarité nationale.
Sous nos cieux, c’est le corporatisme, les intérêts personnels matériels immédiats et un mépris criant de l’intérêt national qui priment en général. Comment expliquer que des « barons », bénéficiant d’une certaine protection ou des défaillances de textes douaniers répressifs,font la loi au mépris de l’intérêt national?
Accepter de vendre, sans aucun scrupule, des conserves et de la viande avariées à leurs concitoyens, pour gagner un peu plus d’argent, est un constat pénible que l’UTICA ne dénonce pas avec la vigueur nécessaire. Pour preuve, un représentant de l’UTICA, sur expressFM, a, très récemment, jugé excessive la campagne de dénonciation de ces trafiquants alors qu’il se devait de les condamner avec toute la sévérité requise.
Nous voulons la démocratie mais elle devrait être administrée par doses homéopathiques, le temps que le niveau des dirigeants politiques, syndicaux et du peuple soit mature.
La situation du pays exige un Pouvoir fort sans être inique. Le régime parlementaire est le pire choix qu’aient fait nos élus.
De Charybde on est tombé en Scylla!
D’emblée, je le dis, il va falloir songer à amender la Constitution pour glisser vers un régime présidentiel avec les gardes fous nécessaires, cela va de soi. L’impuissance d’un exécutif bicéphale à prendre, en cas d’urgence, des décrets-lois à ratifier, à posteriori, par le Parlement est une tare à dépasser le plus tôt possible. Le caractère vague de certains articles (contrôle des ressources) est une autre paire de manche.
A cette fin, le recours à un référendum pourrait être envisagé.
En attendant, les choses étant ce qu’elles sont, que devons-nous attendre de ce Gouvernement, de nos élus, des médias, de la société civileet des organisations nationales ?
Je crois qu’il est insensé que certains partis politiques ayant perdu les élections ainsi que certains concitoyens et certains médias, d’eux-mêmes ou poussés par la propagande populiste, exigent de ce Gouvernement des réalisations importantes, au bout de 120 jours, avec le lourd héritage, administratif, social et économique que l’on sait.
Au lieu de le soutenir, on œuvre à le faire tomber, ou au moins à agrandir sa base électorale en vue des élections municipales ou des élections au sein des structures des organisations nationales, faisant peu de cas de la situation du pays!
Ce Gouvernement doit être en mesure de présenter au peuple un diagnostic réel et franc de la situation et surtout de présenter une feuille de route qui recueille au moins l’appui d’une large majorité politique (au Pouvoir ou non), feuille de route qui nous ferait entrevoir le bout du tunnel. Il faut que ce Gouvernement siffle « la fin de la récréation » en demandant fermement à chaque citoyen de travailler plus et mieux s’il veut préserver son intérêt pendant qu’il est temps. Ce Gouvernement devrait s’engager à ce que la loi, dans toute sa sévérité, soit appliquée à tout le monde sans exception aucune et que l’administration s’engage à se réformer.
Les visites à l’étranger du Président de la République montrent que les récoltes financières sont relativement maigres. Ce constat doit nous ramener à une cruelle évidence, celle de compter sur nous-mêmes. N’attendons pas immédiatement un flot d’investissements ou de touristes, des aménagements importants de notre dette ou la génération spontanée de pétrole ou d’autres richesses.
Remettons-nous au travail et à la productivité, c’est l’évidence même.
A cet égard, l’effort et le soutien de tous est requis pour la reprise de nos exportations de phosphates à l’état brut et à après enrichissement.
Ce devrait être une priorité nationale absolue à côté de la lutte contre le terrorisme!
Une fois la feuille de route définie et acceptée, il n’y a plus aucune justification pour que l’investissement local ne reparte pas. C’est le rôle de l’UTICA et de l’UGTT de le faire repartir. La chose est possible, car un industriel dans l’agroalimentaire a eu le courage d’implanter une nouvelle usine à Sidi Bouzid. Il n’a pas attendu la parution du nouveau code des investissements carla volonté, le sens de l’intérêt national et le goût d’entreprendre l’animaient. Pourquoi d’autres ne le suivraient pas?
La restauration d’un climat de confiance impose à ce Gouvernement une réelle volonté de lutter contre les « barons » qui détruisent, à petit feu, notre économie. Le rideau qui les protège contre une dénonciation et une application de la loi doit tomber.
L’UTICA est directement ou indirectement impliquée. Elle se doit d’agir. C’est d’ailleurs l’une des conditions pour mettre fin aux agissements des hommes de gauche adhérant à certains partis et dans les bases syndicales qui n’acceptent pas, à juste titre, qu’une frange grandissante d’hommes d’affaires ne paie pas l’impôt. Enlevons leur cette justification à leur colèregénératrices de pressions sur la Gouvernement pour réaliser des ajustements de salaire justifiés mais inopportuns.
Dans la foulée, l’Etat se doit d’adapter les textes douaniers à la lutte contre la contrebande en attendant la création de zones douanières à statut spécial. Dans l’affaire des pétards l’homme d’affaire impliqué aurait été libéré et les douaniers incarcérés. Est-ce acceptable ? Est-ce le moyen de rétablir la confiance du citoyen et son adhésion à la politique du Gouvernement ? j’en doute fort.
Des médias, nous attendons d’avantage de responsabilité dans la tenue des entretiens et des débats qui influencent, dans le bon ou le mauvais sens l’auditeur. Bien choisir le ou les invités, faire participer toujours une voix du Gouvernement, éviter les accusations gratuites faites par les uns ou les autres, assurer la neutralité de celui qui conduit le débat, permettraient de contribuer à relever le niveau du citoyen qui serait davantage apte à juger objectivement l’action du Gouvernement. Le pays gagnerait-il quelque chose à ce qu’on tire aveuglement à boulets rouges contre ce Gouvernement et à affaiblir l’Etat?
Dans son action, le Gouvernement a besoin de textes de lois qui tardent à être votés. Je dis que ces textes, à défaut de décrets- lois, doivent être votés avec la rapidité requise. Un texte mal ficelé, voté et promulgué, vaut beaucoup mieux que l’absence de texte. Au vu de la pratique les correctifs sont toujours possibles.
Le Gouvernement doit être en mesure enfin, de rétablir en lui la confiance du citoyen et de l’entrepreneur et de provoquer un nouvel élan de développement du pays en définissant ses objectifs et ses moyens, en s’appuyant sur la justice et l’application stricte de la loi pour tous et en réalisant une atmosphère de concorde nationale.
S’il juge qu’il en est incapable, il doit avoir le courage de céder la place à d’autres en mesure de le faire.
Mokhtar el khlifi
04/06/2014