Et la Tunisie devint Allié Majeur…!
La visite officielle du chef de l’Etat tunisien aux Etats Unis était une visite stratégique et politique. Lors de cette visite, il s’agissait de renforcer le partenariat entre les deux pays. Celui-ci s’est traduit par un soutien économique, une assistance technique pour engager des réformes, réduire le chômage endémique chez les jeunes, et surtout le renforcement de la coopération en matière de sécurité. C’était l’aspect sécuritaire qui dès le départ était mis en avant. La priorité avait été donnée à la coopération sécuritaire face à la menace terroriste contre la jeune démocratie qui vivait alors mal son adolescence. Même du côté américain, le terrorisme qui se développait en méditerranée plaçait la Tunisie en tête des priorités des Etats Unis, avec la livraison d’équipements militaires et de véhicules de transport. Ainsi 52 HMMWV ou Humvee (High mobility multipurpose wheeled vehicle) - M998 – véhicule léger de transport à roues de l'armée américaine doivent être livrés à l’armée tunisienne. Le HMMWV est un véhicule polyvalent qui peut servir de cargo, transport de troupes, plateforme d'armes automatiques, ambulance (4 blessés couchés ou 8 assis), châssis de missile lourd, tracteur de mortier, plateforme de tir de missile Stinger, transporteur de shelters de type S250 (des refuges militaires mobiles), et à bien d'autres choses encore. Il est en mesure d'effectuer des franchissements de 76 cm de hauteur, ou de 1,5 m, avec l'ajout du kit de franchissement de coupure profonde (sous forme de chenillettes amovibles). Le Humvee (HMMWV), de plus en plus utilisé pour des missions de combat urbain, a toutefois montré sa grande vulnérabilité aux armes légères d'infanterie. C’est un véhicule non blindé, particulièrement vulnérable à tout type de tirs directs tels que les tirs de RPG et d'AKM, aux différents types de bombes que l'on peut trouver au bord des routes (engins explosifs improvisés, mines. Voilà pour la partie technique !). Quatre bateaux d’une vingtaine de mètres servant à patrouiller le long des côtes qui ont été promis pour 2016. Il y en a déjà une vingtaine qui ont été livrés à la Tunisie. On constate qu’il est très important pour les Américains de faire en sorte qu’il y ait une lutte efficace dans la région contre le Djihadisme, contre le terrorisme en règle générale, surtout compte tenu de l’influence néfaste de la Libye voisine. La situation libyenne est un casse-tête humanitaire et sécuritaire nouveau face auquel la Tunisie d’aujourd’hui est complètement désarmée et surtout n’a pas de solution à elle. Elle semble aussi vouloir s’arroger un rôle de médiation de dernière minute pour essayer de concilier toutes les parties en conflit ce qui explique en partie le changement de ton de la part du Président de la République tunisienne. Ce dernier a pour sa part une manière assez cavalière de traiter les relations internationales. Toute la société internationale s’accorde à reconnaître le gouvernement libyen exilé à Tobrouk. Mais le Chef de l’Etat tunisien considère que la reconnaissance par la communauté internationale d’un gouvernement officiel cela ne veut rien dire. Aussi la Tunisie veut quand même traiter avec la faction rebelle djihadiste de Tripoli. Elle voudrait ensuite jouer un rôle de médiation de dernière minute pour essayer de concilier tous les points de vue. Mais ce faisant, elle s’engage dans une entreprise risquée pour deux raisons semble-t-il, et joue à un jeu dangereux. En voulant traiter avec cette faction, elle voudrait forcer la main des USA quant à la demande d’assistance de la Tunisie (‘’aidez-nous ou nous risquons de tomber dans le camp Djihadiste’’). La Tunisie mise beaucoup sur le parrainage des Etats Unis pour avoir un statut spécial auprès de l’OTAN, c’est-à-dire s’assurer un partenariat stratégique avec l’OTAN tout en étant non membre. Surtout qu’implicitement, le gouvernement américain ne peut s’empêcher de considérer que l’armée tunisienne n’est pas en elle-même capable de faire le poids dans la lutte à mener, compte tenu de son inexpérience en matière de guerre asymétrique. Outre les moyens matériels et technologiques, les Américains ont aussi fixé une priorité en matière de moyens financiers pour l’aide à la Tunisie dans la lutte anti-terroriste depuis l’attaque du Musée du BARDO. L’aide sécuritaire des Etats Unis à la Tunisie a été doublée et est portée à 160 millions de dollars. C’est vraiment une question très importante aux yeux des Américains que d’alimenter ce nouveau front, surtout que la Tunisie est tout ce qui reste du printemps arabe et de l’élan démocratique de 2011. C’est un terrain qui n’est pas encore tombé, même si le phénomène n’a pas accroché dans les autres pays arabes et vis-à-vis desquels les USA ont été partagés en fonction de leur diplomatie. Les Etats Unis comptent sur la Tunisie pour que la situation reste stable et sûre et que notre pays continue à être un bastion et un allié américain stratégique. En effet, le Président américain a décidé de revaloriser l'alliance qui unit les États-Unis à la Tunisie. Aussi a-t-il déclaré son intention de désigner ce pays d'Afrique du Nord comme allié majeur,qui rejoint de ce fait le club des alliés majeurs des Etats unis non membre de l’OTAN. C’est un titre qui permettrait à la Tunisie, qui ne fait pas partie de l'Organisation du Traité de l'Atlantique nord (OTAN), de recevoir l'aide militaire des États-Unis. L’octroi de ce statut d’allié majeur non membre de l’OTAN est un privilège accordé uniquement jusque-là, qu’à une quinzaine d’Etats dont notamment, le Japon, l'Australie, l'Afghanistan ou encore l'Egypte, le Bahreïn et le Maroc. Ce statut permet, entre autres, aux pays concernés d'avoir accès à une coopération militaire renforcée avec les Etats-Unis d’Amérique, plus particulièrement en matière de développement, de déploiement et d'achat d'armements et de formation militaire. Ce même statut d’allié majeur permettra à notre pays de bénéficier d’un soutien massif dans divers domaines, économique, culturel, éducationnel et notamment militaire et sécuritaire, et lui donnera accès aux technologies très avancées et armements de dernière génération et de renseignements de haut niveau.
La visite officielle dura deux jours mais avec un programme marathonien, très chargé sur le plan diplomatique, puisqu’il était prévu que le Chef de l’Etat tunisien rencontre toutes les personnalités influentes de la Diplomatie américaine et qu’il donne une conférence à l’Institut de la paix. Il est donc certain que les Etats Unis misent beaucoup sur la Tunisie pour résoudre le problème libyen dont la situation est devenue inextricable. D’ailleurs personne n’y comprend quoi que ce soit actuellement. La Libye part dans tous les sens et la Tunisie très proche est très menacée par son voisin délinquant. Donc il y a un investissement massif de la part des américains pour essayer cuirasser et de sauver la Tunisie du fléau islamiste. L’Amérique semble consentir à un grand investissement dans cette jeune démocratie d’Afrique du nord qu’est la Tunisie. Mais beaucoup s’accordent à penser que toute cette faveur américaine n’est pas altruiste et qu’il y a autre chose dans les motivations, des choses non dites.
Le Président américain s’est ainsi énormément investi, a beaucoup donné de sa personne, dans certaines questions qui pouvaient apparaître comme des causes perdues. Citons l’amélioration des relations entre les USA et l’Iran qui a été très critiquée aux Etats unis, en raison du passif entre les deux Etats. Il semblerait que le chef de l’Etat américain essaie de rééquilibrer les forces et la stratégie au Moyen Orient et dans la région du Monde Arabe en passant par ce soutien franc à la Tunisie. C’est comme s’il y avait un plan Obama pour restaurer la Paix dans le Monde Arabe et résoudre les conflits pérennes du Moyen Orient. Mais la politique américaine est difficile à cerner. Elle est complexe et assez mouvante en ce moment et l’on ne peut pas en identifier des lignes directrices claires. Le fait est qu’il y a un intérêt énorme de l’Etat américain pour la Tunisie, sans que l’on puisse confirmer l’existence d’un plan Obama dans ce domaine. Les Etats unis ont quand même dépensé plus de 350 millions de dollars depuis la rébellion du 14 janvier 2011 pour assister la Tunisie dans sa stabilisation démocratique avec des points de repère très clairs. La Tunisie doit apprendre à favoriser la croissance économique parce que dans la théorie libérale, la croissance économique c’est la stabilité. Elle doit également favoriser la sécurité parce que la sécurité et l’ordre permettent à la croissance économique de se réaliser. Enfin résoudre le chômage des jeunes et le désoeuvrement, faire un travail sur les jeunes parce qu’en fait, tout passe par la jeunesse d’un pays. La croissance du Produit intérieur brut (PIB) en Tunisie a été enregistrée avec une nette chute, à 1,7% au premier trimestre 2015, par rapport à la même période de l'année précédente qui a enregistré 2,4%, selon l’annonce faite jeudi par la Banque centrale de Tunisie (BCT). Cette baisse s’expliquerait par la dégradation des comptes publics et la situation sécuritaire fragile depuis l’attentat du Musée du Bardo.
Ce partenariat avec les Etats Unis a été exacerbé par les média quant à son importance. Mais si l’on y réfléchit à plus de deux fois, on doit en relativiser l’importance. Depuis la fin de la guerre froide, et depuis que les Etats Unis se sont investis de la responsabilité de l’ordre dans le monde, ils jouent aux échecs avec les différents équilibres régionaux en fonction de la conjoncture. La Tunisie a pris de l’importance sur le plan stratégique depuis la fin de décembre 2010 et le courant de janvier 2011. Elle est devenu un enjeu en raison de sa position géographique comme clé de la méditerranée. L’OTAN est intéressée, comme les Etats Unis et la Russie pour son contrôle comme poste avancé. Les Américains ont joué de façon à damer le pion à la Russie. En effet, le Chef de l’Etat Russe prévoyait une visite officielle en Tunisie. Donc les USA lui ont coupé l’Herbe sous le pied. De plus la Tunisie avait déjà fait son choix et c’est pourquoi le premier conseiller du Président Tunisien s’était rendu aux USA le 16 mai dernier et avait préparé la visite officielle du Président tunisien. Notons que Mohsen Marzouk est très proche du monde anglo-saxon, des USA et de la Grande Bretagne. Il était donc tout désigné pour cette mission dont il a dû en partie être l’instigateur en tant qu’éminence grise du Président. La diplomatie tunisienne cherchait aussi à diversifier ses partenariats, renforcer ceux déjà établis, avec la France, l’Union Européenne et les Etats Unis, en créer d’autres comme avec la Chine et le Japon. Et on constate que la relation de l’Etat Américain avec la Tunisie semble beaucoup plus rassembler l’occident que la relation avec l’Iran. La relation américaine avec l’Iran et les accords qui pourraient en ressortir inquiètent beaucoup d’Etats du Monde Arabe, même si les USA ont tout fait pour minimiser l’impact que les relations Irano-américaines pourraient avoir sur leurs alliés. Ce sont des relations de circonstance, a-t-il précisé, pour régler certaines questions comme le nucléaire iranien et l’équilibre des influences régionales, mais ce n’est pas un changement d’alliances, ni des relations basées sur la confiance en l’Etat iranien.
Mais voyons un peu ce qu’il en est du volet juridique et de son formalisme. Un Mémorandum d’entente a été signé entre les deux Etats et par Mohsen Marzouk, ministre conseiller, chargé des affaires politiques auprès du Président de la République, et le Secrétaire d’Etat américain John Kerry, à la fin de la visite officielle. C’est déjà une bizarrerie puisque les deux chefs d’Etat étaient présents à ce moment-là. Ils n’avaient donc pas besoin de prête-nom pour la signature de l’accord en question. Un document qui fixe les bases d’une coopération politique, économique, culturelle et scientifique entre les deux pays, à travers l’instauration d’un dialogue stratégique, au niveau des ministères des Affaires étrangères et des deux Chefs d’Etat. Et d’ores et déjà, la ‘’Maison blanche’’ a demandé au Congrès d'approuver une aide financière à la Tunisie de 138 millions de dollars pour 2016, dont 62,5 millions pour la partie militaire, ce, en plus de l’annonce de la livraison à l'armée tunisienne des 52 véhicules militaires de type Humvee et de l'un des quatre navires américains de patrouille que doit recevoir notre pays en 2016 pour renforcer le contrôle de la sécurité côtière. Le mémorandum d’entente affirme l’engagement des Etats-Unis à renforcer le potentiel sécuritaire et de défense de la Tunisie ainsi que le soutien à la coopération dans le domaine de la lutte anti-terroriste à travers des programmes de financement pour l’acquisition d’équipements militaires et l’organisation de programmes de formation militaire et dans le domaine de la sécurité. Cet acte prévoit aussi de renforcer la coopération en matière d’enseignent supérieur et dans les domaines scientifiques et culturels ainsi que la création d’une commission économique associant les secteurs public et privé dans les deux pays. Cette commission est appelée à tenir des réunions périodiques à Tunis et à Washington pour examiner les moyens de dynamiser les échanges commerciaux au niveau bilatéral et la promotion des investissements. Toutes ces mesures sont enveloppées dans un habillage médiatique très tapageur. C’est une sorte de message d’avertissement qui est envoyé par les Etats unis au voyous de la société internationale, ennemis de la démocratie.
Sans vouloir entrer dans la polémique soulevée par les média sous l’impulsion des hommes politiques, journalistes, juristes et réseaux sociaux, la déclaration du ministre conseiller selon laquelle il ne s’agirait pas d’une convention mais plutôt d’un mémorandum d’entente entre la Tunisie et les Etats Unis et que par voie de conséquence, du point de vue juridique, cette signature ne pose aucun problème ne tient pas la route.
Il est vrai que «les Américains connaissent la nature de ce mémorandum et savent parfaitement la qualité de celui qui a signé au nom de la Tunisie » mais il n’en demeure pas moins qu’il y a des règles strictes en droit, une terminologie, des concepts clairs et des conséquences qui en découlent. N’en déplaise à certains avis tel que celui du constitutionaliste Ghazi Gherairi selon lequel : «La Convention de Vienne, qui régit les relations politiques, permet à un conseiller auprès du président de la République de signer un mémorandum d’entente. Cette signature est ainsi légale. D’une part, elle a eu lieu en présence du Président de la République, premier responsable de la politique étrangère dans le pays, et, d’autre part, ce mémorandum ne comprend aucun accord ». Cette argumentation est très discutable à plusieurs points de vue. Cette déclaration ne précise pas de quelle convention de Vienne il est question. Or Vienne a été le siège de la conclusion de dizaines de conventions internationales. Toutefois il est légitime de penser qu’il est question de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités conclus entre Etats. De plus cette convention ne régit pas les relations politiques mais des relations juridiques, fondées sur des sources formelles du droit international. Ensuite un Conseiller auprès du président de la république n’a aucune qualité pour signer un traité international lorsque aucun titre de compétence ne lui est conféré dans la forme.la présence du président de la république ne permet pas de présumer cette compétence que le droit ne lui accorde pas. Ce n’est pas une compétence par défaut que celle d’engager internationalement l’Etat. Ce Memorandum est en lui-même un accord international bilatéral. Aussi la qualité juridique du signataire est vitale dans la mise en oeuvre de la procédure conventionnelle pour des conditions de validité. Mais voyons plus avant!
D’un point de vue conceptuel, un mémorandum d'entente (memorandum of understanding) ou encore ‘’Protocole d'entente’’ est un document juridique qui consacre une convention internationale, un accord de volonté entre ses parties. C’est un traité. Il déclare donc une convergence d'intentions, une rencontre concordante de volonté entre les différentes parties pour indiquer une ligne d'action commune. Compte tenu de sa souplesse, il est souvent utilisé par les Etats, surtout dans les cas où les parties ne souhaitent pas s’impliquer dans un engagement juridique rigide ou bien dans des situations où les parties ne peuvent pas s’engager dans un accord ayant une grande force exécutoire. Il est une formule alternative plus formelle à un ‘’Gentlemen's agreement’’, un mi-chemin conventionnel. Un ‘’Gentlemen’s agreement’’ est un Accord conclu entre représentants d’Etats, qui ne produit pas d’effet juridique immédiat, mais qui exprime l’intention des parties ou une promesse. Il est généralement soutenus seulement par l'intégrité de la parole donnée et par la bonne foi des parties, à en respecter les termes. Un accord de ce type n’est pas juridiquement contraignant et si une partie décidait de faire défaut à sa promesse, rien ne l’en empêcherait mais cela pourrait avoir un effet négatif sur les relations fondées sur cette base.
En droit international public, le titre de mémorandum d'entente ou memorandum d’accord n’indique pas nécessairement que le document soit contraignant ou pas. Mais dès lors que sont mentionnés l'orientation de ces négociations, la base et la nature des relations escomptées et surtout les points considérés comme déjà réglés pour le cas où la négociation aboutirait, la formulation de ce type de préaccord peut effectivement prêter facilement à confusion quant à leur nature juridique. Mais les memoranda d'entente ne sont pas des ‘’Gentlemen’s agreements’’ qui sont eux dépourvus de force contraignante. Ils sont un peu plus que cela. Ce sont des traités internationaux qui servent de cadre juridique, de plan général de coopération sur la base duquel devraient être conclus d’autres accords spécifiques. D'un genre moins formaliste, le "mémorandum d'accord" sert souvent à préciser les dispositions pratiques et concrètes à prendre en application d'un accord de coopération internationale général. Il sert aussi à réglementer les questions techniques ou de détail. Il se présente de façon générale sous la forme d'un instrument unique et n'appelle pas de ratification. Les mémorandums d'accord sont conclus soit par des États, soit par des organisations internationales. Par exemple, l'Organisation des Nations Unies conclut de façon habituelle des memoranda d'accord avec les États Membres afin d'organiser des opérations de maintien de la paix ou de préparer des conférences réunies sous son égide. Elle conclut également des memoranda d'accord portant sur la coopération entre elle et d'autres organisations internationales.
Ce sont des «accords en forme simplifiée», c’est-à-dire des traités qui sont généralement conclus par des démembrements, des organes de l’Etat qui ne disposent que d’une compétence ponctuelle pour engager internationalement leur Etat dans les domaines qui les concernent. Ces accords sont signés et authentifiés de façon tout à fait normale, comme tous les autres traités, mais ne sont pas soumis à une obligation de ratification pour entrer en vigueur et devenir exécutoires. Ils tombent donc dans la catégorie générale des traités et emportent par conséquent des effets de droit contraignants. En tant que traité, c’est un instrument qui crée des droits et des obligations. Ils tendent à exprimer la volonté commune des parties de rechercher de bonne foi un accord sur des bases ou prenant en compte des points sur lesquels elles se sont déjà entendues. Ce memorandum n’a pas pour vocation d'imposer aux parties de conclure coûte que coûte mais seulement de négocier de bonne foi les équilibres généraux et conditions spécifiques de la relation conventionnelle envisagée. Outre l'intérêt de ce document dans l'expression commune d'un projet de coopération, sa force réside dans le fait qu'il est possible de reprocher et de faire sanctionner par le juge international une rupture malveillante, brutale ou non fondée d’exécution non consentie. se rapportant à un
D’un point de vue procédural, l’autorité qui négocie, signe et authentifie l’acte conventionnel doit être un représentant habilité de plein droit (le Chef de l’Etat, le Chef du gouvernement ou le Ministre des affaires étrangères) ou un délégué plénipotentiaire de l’Etat. Il s’agit d’une personne disposant d’un mandat pour représenter son Etat, en la forme de ‘’Lettres de plein pouvoir’’ qui lui confèrent expressément la compétence d’engager internationalement l’Etat. Les pleins pouvoirs sont des titres de compétence, des actes juridiques formels qui habilitent un représentant d’Etat à négocier, à signer et/ou à authentifier un engagement international au nom et pour le compte d’un Etat dans une relation internationale. Il s’agit d’une compétence d’attribution sur titre. Ces lettres de plein pouvoir sont définies par la convention de Vienne sur le droit des Traités du 23 mai 1969. Celle-ci dispose dans son article 2 alinéa 1 – c) : « l'expression «pleins pouvoirs» s'entend d'un document émanant de l'autorité compétente d'un Etat et désignant une ou plusieurs personnes pour représenter l'Etat pour la négociation, l'adoption ou l'authentification du texte d'un traité, pour exprimer le consentement de l'Etat à être lié par un traité ou pour accomplir tout autre acte à l'égard du traité; ». Les lettres de plein pouvoir sont des documents nécessairement écrits qui sont vérifiés avant la mise en oeuvre de tout ou partie de la procédure conventionnelle. Ils ne peuvent être ni implicites, ni tacites, ni verbaux et ne peuvent être présumés, même si le chef de l’Etat est présent physiquement sur les lieux de la conclusion. En l’occurrence, le premier conseiller chargé des affaires politiques auprès du Président de la République, ne disposant pas de lettres de plein pouvoir expresses et n’étant pas une autorité habilitée de plein droit à engager internationalement l’Etat telle que définie par le droit international, n’a aucune compétence pour signer le memorandum d’entente conclu avec les Etats Unis d’Amérique, ni aucun autre traité international. Ladite signature est un vice de forme et de procédure qui pourrait rendre caduques non seulement l’acte en question lui-même mais aussi tous les actes qui pourraient être conclus sur cette base. Aussi l’accord Tuniso-Américain est-il imparfait dans sa conclusion et fragilisé dès sa conclusion et à la merci de l’honnêteté des parties et de la conjoncture pour son application. Dans la pratique judiciaire internationale, le titre donné par les parties à leur accord ne suffit pas à les protéger ou à les exonérer d’une exécution quand bien même elle serait forcée. Le juge international a tendance à considérer ces mentions comme traduisant en fait une volonté réelle des parties de s'engager sur le traité final dont le memorandum aurait défini les points essentiels.
De tels instruments permettent de simplifier et d'accélérer le processus de conclusion des traités puisqu’ils engagent les parties dès leur signature. L'on y a recourt en particulier dans les domaines du droit international où il y a urgence et où les méandres procéduraux peuvent nuire à l’efficacité.
En tant que traité en forme simplifiée, les Memoranda d’entente doivent être enregistrés dans la base documentaire (recueil) des traités des Nations unies tenue par le Secrétariat général de l’O.N.U. En pratique, et malgré le fait que la section juridique de l'Organisation des Nations Unies insiste pour que les memoranda d'entente soient enregistrés auprès du Secrétaire général, pour éviter la diplomatie secrète, ceux-ci sont parfois gardés confidentiels dans la pratique. Le risque principal du memorandum d’entente, dans la logique américaine, résulte de l'interprétation qui peut en être donnée, notamment dans des affaires complexes.
Vendredi 05 juin 2015
Monji Ben Raies
Universitaire
Enseignant et chercheur en droit public
Faculté de droit et des sciences politiques de Tunis