Slaheddine Dchicha: Tunisie, le devoir d’assistance à Etat en danger !
Trois mois seulement après l’attentat du musée du Bardo, à Tunis, qui avait fait 22 morts dont 21 touristes étrangers, la petite Tunisie, à peine remise de ce traumatisme, vient de subir une nouvelle épreuve qui n’est sans doute pas la dernière, hélas !
Ce vendredi 26 juin, à 140 km de Tunis, sur la plage de l’hôtel Riu Imperial Marhaba, situé au le port El-Kantaoui à Sousse, une attaque terroriste, revendiquée depuis par le sinistre Daech, a fait trente-neuf victimes et autant de blessés de sept nationalités différentes. L’acharnement de Daech et d’autres terroristes du même acabit ne se limite pas à ces deux massacres et semble même depuis quelque temps devenir constant et systématique. En effet, la modeste armée et les forces de l’ordre tunisiennes essuient fréquemment des attaques et subissent parfois des pertes et notamment dans les massifs montagneux de la frontière ouest avec l’Algérie
L’agenda terroriste
La Tunisie étant un petit pays aux ressources limitées et n’ayant ni pétrole ni gaz, la question se pose sur les motivations de ce harcèlement, de cette inimitié.
Bien sûr, cela est compréhensible lorsqu’on considère l’agenda global de ces nihilistes : la réalisation de leur rêve passéiste et fou de reconstituer le califat médiéval passe par la destruction de chaque Etat arabe et par l’effacement de ses frontières. La Tunisie se trouve ainsi intégrée dans ce plan bien malgré elle, comme d’ailleurs tous les autres Etats visés, mais il n’en reste pas moins qu’elle doit représenter pour eux quelque chose de plus :
S’en prendre à la douce Tunisie est le moyen le plus direct d’atteindre l’ennemi, l’Occident. En effet, ce pays et ses hôtels sont considérés, selon les termes de la récente revendication du massacre par Daech, comme «des antres de fornication, de vice et de débauche…» où les touristes occidentaux, ces «sujets de l’alliance croisée» qui fait la guerre à l’EI en Syrie et en Irak, viennent se vautrer.
Le «pays de Bourguiba» est considéré comme une terre occidentalisée où règne l’apostasie et qu’il s’agit donc de réislamiser en l’épurant de toutes les valeurs «anti-islamiques» : la démocratie, la constitution, les élections, les droits de l’homme et surtout les droits de la femme… Il s’agit de briser l’élan démocratique qui risque de donner un mauvais exemple pour les autres pays arabes. Il s’agit de punir cette Tunisie d’où est parti le souffle des printemps arabes en 2010 en l’atteignant dans son économie car ils savent l’importance du secteur touristique dans cette économie. Donc frapper les touristes, c’est faire deux coups à la fois : frapper l’Occident et punir la Tunisie en visant ce secteur vital qui emploie 400 000 personnes et fait vivre indirectement un million et demi d’autres.
Les bons sentiments et les promesses
Les messages de soutien, de solidarité et de sympathie affluent en masse de partout: d’Egypte, de Russie, d’Allemagne, de France, de Turquie, de Belgique, du Maroc, d’Algérie…et de partout fusent les condamnations. A titre d’exemples , Mme Federica Mogherini, la Haute représentante et vice-présidente de l’Union européenne, a condamné ces actes «de violence et de sectarisme» que M.Ban Ki-moon, secrétaire général de l’ONU, a qualifiés d’«épouvantables» et la Maison-Blanche, «d’abjects »…Une belle unanimité, aussi belle que celle qui s’est manifestée lors de l’attentat du Bardo. Une belle unanimité internationale qui n’est pas sans rappeler celle qui s’est faite en 2011 au début du «Printemps arabe» et dont les promesses généreuses devaient déverser des dizaines de milliards d’aide sur ces pays afin de les aider dans leur «transition démocratique», mais qui malheureusement n’ont jamais été suivies d’actes.
Les inactions et les périls
Les promesses sont restées lettre morte en raison de la crise mondiale. Bien sûr, il y a la crise !
Mais n’est-ce pas préparer une crise encore plus grave que d’abandonner la petite Tunisie à son triste sort face au monstre Daech qui est à l’affût à ses frontières de l’Est avec la Libye et à celles de l’Ouest avec l’Algérie, sans compter les cellules dormantes qu’il entretient à l’intérieur du pays ?
N’est-ce pas accentuer la crise que de laisser la faible Tunisie seule face à l’ogre Daech enrichi et puissant de toutes les rapines et de tous les trafics : drogue, armes, pétrole… ?
Par ailleurs, en venant en aide au Pays du jasmin, les démocraties viennent à l’aide à elles-mêmes, puisque désormais le terrorisme, comme tout, est mondialisé et puisque ce pays est devenu un symbole, un exemple d’une «démocratisation tranquille». Ce serait manquer de cohérence, faillir aux promesses et trahir les valeurs humanistes que d’abandonner ces Tunisiens qui «entrent» en démocratie et commencent à en appliquer les principes et en intégrer les valeurs. Ne pas venir en aide à cette «démocratie naissante» serait perçu par les terroristes comme un signe de faiblesse et cela les inciterait à aller de l’avant puisque leur rêve, qui est notre cauchemar, ne connaît ni limite ni frontière.
Enfin, ne pas apporter à la Tunisie et aux Tunisiens, et très vite, une aide substantielle dans tous les domaines serait de la non-assistance à pays en péril et à un peuple en danger. Et en cas de malheur, il sera interdit à quiconque de dire : «je ne savais pas».
S.D.
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