Notes & Docs - 10.02.2010

Le commissaire aux comptes face à la rémunération des dirigeants des Sociétés Anonymes

Le nouvel amendement du code des sociétés commerciales objet de la loi 2009-16 du 16 mars 2009  a porté sur quatre axes principaux, à savoir : une gestion plus flexible de la société, un renforcement des droits des associés, une responsabilité accrue des dirigeants et une gestion plus transparente de la société. S’agissant de ce dernier axe, le législateur a procédé à une nouvelle rédaction de l’article 200 traitant des conventions et ce pour tenter de combler les différentes lacunes que comportait le texte antérieur.

A présent, les personnes concernées par ces conventions sont bien identifiées et énumérées. Il s’agit des conventions conclues entre la société et son président du conseil d’administration, son administrateur délégué, son directeur général, l’un de ses directeurs généraux adjoints, d’un de ses administrateurs, l’un des ses actionnaires personnes physiques y détenant directement ou indirectement des droits de vote de plus de 10% du capital ou la société la contrôlant dans le cadre de groupe de société.

Ces personnes ont, dorénavant, l’obligation de veiller à éviter tout conflit entre leurs intérêts personnels et ceux de la société. Elles doivent aussi déclarer par écrit tout intérêt direct ou indirect qu’ils ont dans les opérations conclues avec la société. Ces opérations doivent être autorisées au préalable par le conseil d’administration.

Sont également soumises à cette autorisation préalable les conventions conclues entre la société et une autre société lorsque le Président-directeur général, le directeur général, l’administrateur délégué, l’un des directeurs généraux adjoints ou l’un des administrateurs est associé tenu solidairement des dettes de cette société, gérant, directeur général, administrateur ou, d’une façon générale dirigeant de cette société.

De même, les frontières des trois catégories de convention semblent devenir plus claires, à savoir les conventions libres, les conventions interdites et les conventions réglementées que les représentants légaux sont tenus de porter à la connaissance du commissaire aux comptes

Les conventions  libres concernent les opérations courantes conclues à des conditions normales. Il a aussi considéré comme libres les opérations dites réglementés, que nous citerons ci après, lorsque  celles-ci représentent l’activité propre de la société. C’est le cas des emprunts pour les établissements de crédit et des fonds de commerces pour les sociétés qui en font leur négoce. 

Les opérations interdites sont celles relatives aux emprunts, aux avances, aux découverts en comptes courants ou autrement, et aux subventions que les dirigeants sociaux obtiennent de leur société ainsi que les cautions et avals que la société leur accorde pour garantir leur engagement envers les tiers. Il en est de mêmes pour les conjoints, les ascendants, descendants de ceux là, ainsi que de toute personne interposées.

Quant aux opérations appelées réglementées, elles concernent toutes celles qui ne sont ni libres ni interdites. Cela nous laisse supposer, sans crainte, que  les opérations dites libres mais conclues dans des conditions anormales sont considérées comme réglementées.

 Le législateur a malgré tout énuméré un certain nombre de conventions qu’il a soumis à l’autorisation préalable du conseil d’administration, à l’approbation de l’assemblée et à l’audit du commissaire aux comptes. Il s’agit de :

-    la cession des fonds de  commerce ou d’un de leurs éléments, ou leurs locations à un tiers,
-    l’emprunt important conclu au profit de la société dont les statuts fixent le minimum
-    la vente d’immeubles lorsque les statuts le prévoient
-    et la garantie des dettes d’autrui, à moins que les statuts n’en prévoient une dispense

Le législateur ajoute à cette liste :

-    les rémunérations, indemnités ou avantages accordés au Président-directeur général, au directeur général, à l’administrateur délégué, au directeur général adjoint ou à l’un des administrateurs, ou qui leurs sont dus ou auxquels ils pourraient avoir droit au titre de la cessation ou de la modification de leurs fonctions ou suite à la cessation ou de la modification de leur fonctions ;
-    et les rémunérations exceptionnelles accordées aux membres du conseil d’administration pour les missions ou mandats qui leur sont confiés.

Comment garantir la confidentialité des informations personnelles

Le commissaire aux comptes, qui doit s’assurer dans le cadre de sa mission et sous sa responsabilité du respect des dispositions du code des sociétés commerciales en la matière, est tenu de présenter à l’assemblée générale des actionnaires, un rapport spécial sur les opérations réglementées susvisées et d’indiquer dans son rapport général à la suite de l’avis qu’il a à formuler sur la régularité et la sincérité des états financiers, toute non-conformité avec la loi  constatée par lui suite à l’examen des opérations sus visées.

Il va sans dire, et bien que la loi ait été muette sur le contenu de ce rapport spécial, le commissaire aux comptes doit détailler les éléments essentiels de chaque convention, pour atteindre l’intention du législateur, à savoir la transparence des opérations conclues par la société avec ses dirigeants, en prévision de tout abus, tels que date, montant, durée, objet, personnes concernées…Mais s’agissant d’un rapport qui sera remis à l’actionnaire, à l’administration fiscale et déposé au registre de commerce, il n’existe pas de garanties suffisantes quant à la non divulgation de cette information personnelle au grand public, divulgation qui ne manquera pas d’avoir pour conséquence une frustration des personnes concernées.

Ceci étant, on est en droit de se demander si l’intention du législateur était bel et bien de  permettre aux actionnaires de connaître dans ses plus fins détails la rémunérations des dirigeants de leurs sociétés et ce nonobstant les risques potentiels de voir ces informations personnelles s’infiltrer au grand public.

Rachid TMAR
Expert Comptable


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