Une opération amphibie de Daech en Tunisie est-elle à exclure ?
Avant d'aborder le thème de cette contribution, deux petites mises au points s'imposent :
- Un fait inhabituel s'est produit tout récemment: L 'Armée s'emploie à communiquer. Rompant avec sa réserve traditionnelle qui lui a valu le qualificatif de Grande Muette, l'Armée s'est particulièrement projetée, ces jours-ci , au-devant de la scène au point de faire de l'ombre à toutes les institutions de la république. Le MDN "bombardait" à tout-va l'opinion publique de communiqués faisant part de tout un éventail d'actions menées par les forces armées allant des actes de lutte antiterroriste jusqu'à la lutte contre la contrebande en passant par la mise en place d'obstacles anti véhicules sur la bande frontalière...Cette hypertrophie communicationnelle peut compenser, un tant soit peu, la déficience des autres qui communiquent peu et souvent mal quand ils le font et c'est tant mieux pour le pays.
- D'aucuns peuvent se demander si les articles rédigés par d'ex-officiers de l'armée et publiés sur le site de LEADERS ne peuvent dévoiler les vraies intentions du Haut Commandement Militaire et partant, servir de sources de renseignements fiables et précieuses pour l'ennemi ? La réponse est bien évidemment négative. Toutes ces contributions sont destinées, d'une part, à éclairer, autant que possible, l'opinion publique sur des questions militaires ayant une spécificité précise mais ne dépassant pas les généralités et d'autre part, à effectuer un genre de "lobbying" auprès des décideurs politiques afin de daigner faire l'effort nécessaire pour accorder les ressources financières conséquentes.
Ceci étant dit, venons-en à notre sujet qui s'inscrit dans le cadre d'une réflexion autour de la faisabilité d'une opération militaire amphibie de la soldatesque de DAECH sur le flanc gauche du dispositif défensif mis en place par les forces armées tunisiennes face à la menace venant du territoire libyen.
De quoi s'agit-il ?
Définition :
Une opération militaire amphibie est une opération comprenant une composante navale suivie d'une composante terrestre. Il s'agit généralement d'un débarquement suivi d'une invasion terrestre par les troupes débarquées sur le sol de l'adversaire depuis des navires de débarquement. Elle peut être appuyée par des bombardements ou de parachutage de troupes derrière les lignes ennemies.
Une opération amphibie se caractérise par sa grande complexité et de nombreuses difficultés lors de la mise en œuvre. Les stratèges militaires s'y intéressent depuis que la possibilité matérielle d'une telle opération existe, c'est-à-dire depuis les expéditions militaires de l'Antiquité. De nos jours les manœuvres militaires amphibies sont toujours d'actualité comme l'a montré l'invasion de l'Irak en 2003 où un Corps de Marines US fut déployé sur le flanc droit du front et des forces amphibies contribuèrent à la capture de la capitale irakienne Bagdad.
Dans le cas de figure qui nous intéresse, un ennemi venant du Sud- Est pourrait être tenté de contourner notre ligne défensive par la mer et réaliser un redoutable "uppercut" suivi d'une attaque de notre dispositif de revers .
Par ailleurs, un simple coup d'œil sur la carte topographique de la région montrera l'existence de trois principales pénétrantes au théâtre d'opérations : Axe Ras jdir - Ben Guerdane , axe EL Assa ( Lybie) - Sidi Ettouay et axe Nalout ( Lybie) - Dhehiba.
L'ensemble de ces trois axes d'intervention s'étale sur un étendu de 200 km. De part et d'autre de cet espace, il y a le Grand Erg Oriental, très peu propice à la mobilité et puis la mer d'où peut s'effectuer l'opération en question.
Objectifs de l'opération amphibie
Les objectifs d'une telle opération se déclinent en plusieurs points :
- Créer une tête de pont et développer une attaque de grande envergure sur nos arrières
- Occuper un gage territorial comme c'est le cas à Syrte
- Détruire ou contrôler des sites particuliers (ports, aéroports, centrales électriques, gazoducs, raffineries de pétrole...)
- Limiter notre liberté d'action
- Opérer une manœuvre de diversion pour nous tromper sur les réelles intentions de l'ennemi
Conduite à tenir face à cette menace:
Pour déjouer toute tentative de débarquement sur nos côtes, les Forces Navales, en coopération avec les Forces Terrestres, joueront un rôle majeur quant à la conception et la mise en œuvre d'un plan basé sur l'offensive et la contre-offensive et axé sur les points suivants :
- Rallongement du dispositif sécuritaire en cours jusqu'à la limite du plateau continental
- Consolidation de la défense côtière par les unités spécialisées notamment les sapeurs et les hommes-grenouilles qui se chargeront du minage des voies d'accès des engins de débarquement et les axes de progression à travers les côtes.
Enfin, il est impératif pour le Commandement de disposer d'une solide et très mobile RÉSERVE tactique (à ne pas confondre avec la réserve de l'armée) déployée suffisamment en retrait et en mesure d'intervenir sur tout l'étendu du dispositif selon l'évolution de la situation Opérationnelle.
Mohamed KASDALLAH
Colonel (r)
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