Six journalistes face à la justice : après les phosphates et l’énergie, qui veut saper les médias
Six de nos illustres confrères seront interrogés à compter de ce mercredi par le juge d’instruction près du tribunal de la Manouba, pour délits de presse. Hamza Balloumi, Sofien Ben Hmida et Insaf Boughdiri (Al Hiwar Attounsi), Noureddine Ben Ticha et Chahrazed Akacha (Al Jarida) ainsi que Noureddine Mbarki d’Akher Khabar sont poursuivis par l’ancien président provisoire Moncef Marzouki à travers son parti le CPR, au motif de « montage » de sa fameuse déclaration à Doha.
Balloumi avait déjà reconnu une « faute professionnelle par inadvertance » pour n’avoir pas vérifié l’authenticité de la vidéo diffusé et s’en est excusé au nom de l’équipe. La HAICA, instance constitutionnelle, a tranché l’affaire en infligeant à la chaine concernée la suspension de l’émission pendant huit jours. L’affaire devait alors être close, sauf que.
Si nul n’est au-dessus de la loi et les journalistes doivent être les premiers à s’y obliger, dans le respect cependant de leurs droits et de la déontologie, trainer en justice des figures emblématiques de médias libres et indépendants, connus pour leur probité et leur professionnalisme ne sert que la cause des destructeurs du processus démocratique et les pillards des richesses intellectuelles nationales. Après avoir torpillé les phosphates, jeté l’anathème sur les contrats de partage de la production de pétrole et fait croire à des chimères, on veut éteindre les médias.
Dans la confusion et l’instabilité générale, seuls des journalistes responsables sont capables d’assumer un rôle salutaire d’animateurs du débat public pluriel, de vigies des libertés et d’alerte d’abus et malversation. Face à des médias sans modèle économique probant, ni ressources financières transparentes et encore moins une éthique prouvée, ces bastions de résistance constituent les phares qui balisent le cap.
S’y attaquer, chercher à les intimider et à les museler, c’est priver la Tunisie de sa sève et les Tunisiens de leurs repères. Les «chicayas» et procès n’ont jamais rien réglé. Attiser les passions et semer la zizanie ne peut constituer un projet d’avenir. Museler la presse, c’est, s’aveugler.
Un seul journaliste en prison et tout est dépeuplé.
Taoufik Habaieb