Président sortant de la BAD : Donald Kabéruka, Bye Bye, Tunisia !
C’est à Tunis qu’il avait prêté serment en 2005, lorsqu’il avait été élu président de la Banque africaine de Développement (BAD). Dr Donald Kabéruka était alors le premier président à le faire hors-siège, la banque étant relocalisé, temporairement à Tunis, pendant onze ans. En deux mandats successifs, sans le droit de rempiler pour un troisième, il avait fait de Tunis sa base de redéploiement de la BAD, attirant près de 75% de ses cadres actuels heureux de se retrouver sur les rivages de Carthage. La BAD est rentrée à Abidjan, et un nouveau président a été élu. A un mois de son départ effectif, le 1er septembre prochain, c’est à Tunis, que Kabéruka a commencé sa tournée d’adieu.
C’est ainsi qu’il était venu vendredi dernier, saluer le président Caïd Essebsi, le chef du gouvernement, Habib Essid et le gouverneur de la Tunisie pour la BAD, Yassine Brahim, ministre du Développement régional, de l’Investissement et de la coopération internationale.
Qu’en a tiré la Tunisie ?
Incontestablement, la Tunisie a mal géré ses relations avec la banque durant les onze années de son accueil à Tunis. La BAD voulait obtenir un terrain afin d’y construire le siège de son agence temporaire de relocalisation, un peu comme l’avait obtenu la Ligue des Etats arabes (siège actuel de la Télévision tunisienne) : aucune réponse. En dehors du personnel local, la Tunisie devait placer aux postes les plus élevés, des compétences de grosses pointures : presque personne à ce jour. Elle devait encourager les bureaux d’études, entrepreneurs, consultants et autres experts à obtenir de bons contrats d’exécution de marchés et de missions au siège et sur le terrain, dans le continent africain: le bilan est terne.
Nous le méritons bien ! Les autorités tunisiennes, avant la révolution et surtout après ont prêté très peu d’attention à la BAD et à ses hauts dirigeants. En dehors des classiques dossiers de prêts, gérés entre personnels, le courant n’était pas établi au plus haut niveau. Hamadi Jebali, qui a accédé à la tête du gouvernement, fin décembre 2011, ne recevra Kabéruka qu’en juin 2012. Elyès Fakhafakh, nommé ministre des Finances en janvier 2013, ne le fera que cinq mois plus tard, en mai 2013. Aux réunions annuelles de la BAD, la Tunisie a brillé par son absence à un niveau élevé : un haut fonctionnaire, à Arusha (Tanzanie) en 2012, un ministre pour deux jours au lieu de cinq, en 2013 à Marrakech, et un ministre pour 48 heures en 2014 à Abidjan.
Plus encore, aucun ministre, au moins, lors de la célébration fin mai dernier à Abidjan, du 50ème anniversaire de la BAD, en présence de 10 chefs d’état et de gouvernement. La Tunisie est pourtant co-fondateur de la banque, Mansour Moalla était resté 9 mois à Abidjan pour rédiger ses statuts et la mettre en marche. Candidat officiel de la Tunisie à la Présidence de la BAD, l’ancien ministre des Finances Jaloul Ayed, sera abandonné à son sort et ne bénéficiera pas d’un soutien effectif et puissant…
Kabéruka, avait cédé à la pression de la Côte d’Ivoire et de ses amis pour accélérer le retour de la BAD à Abidjan. La procédure était bien ficelée, à Arusha, Tokyo et Marrakech. Les Tunisiens étaient aux abonnés absents, ne déployant aucun geste pour retenir la banque à Tunis, le temps que son siège soit complètement rénové. Aucune initiative pour garder une bonne partie des services de la banque à Tunis.
Que restera-t-il de la BAD en Tunisie
Habile et évasif, Donald Kabéruka avait toujours fuit les questions de Leaders à ce sujet, année après année. Il avait laissé entendre que Tunis restera le siège régional pour l’Afrique du Nord. Aujourd’hui, il déclare qu’elle peut être un bon candidat (parmi d’autres : Le Caire, Alger...). Le Maroc, lui, est bien servi : il abrite déjà le siège du Fonds Africa 50 qui financera, avec un pactole de près d’un milliard de dollars en fonds propres, les projets d’infrastructures. Une institution financière de haut niveau qui recrute de gros calibres et un ancien ministre des Finances, proche du président de la BAD, tient la corde pour faire partie du staff du président.
D’ailleurs, Kabéruka était venu aussi relancer la Tunisie qui traîne le pas à y souscrire. Yassine Brahim a déclaré à Leaders que le principe est acquis, mais le montant n’a pas été encore fixé.
A la fin de sa courte visite à Tunis, il a accepté de répondre aux questions de Leaders dans un entretien en vidéo qui sera mise en ligne lundi. Des réponses à décoder.
On ne peut rien reprocher à Kabéruka, d’autant plus qu’il a fait de la BAD la première institution financière régionale du continent africain, avec une signature internationale notée en AAA. C’est aux autorités tunisiennes de tirer enseignements du bilan de notre coopération avec la BAD et d’impulser une relance, totale, avec le nouveau président.
Ne perdons pas la BAD, la BAD ne doit pas perdre la Tunisie.
Taoufik Habaieb
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Kaberuka : la Tunisie bien placée pour devenir un centre régional de la BAD