News - 04.08.2015

A l’abri du parapluie occidental, Israel brûle les Palestiniens

A l’abri du parapluie occidental, Israel brule les Palestiniens

Dans la nuit de jeudi à vendredi, un bébé palestinien d’un an et demi, Ali Saad Dawabchah,  est mort carbonisé ;  son frère (4 ans) et ses parents ont été très gravement brûlés dans l’incendie de leur maison de  Douma - village de 3000 âmes au nord de Jérusalem,  assiégé par les colonies illégales de Shilo, Ma’ale Efraim et celle de Beit El, repaire de juifs ultra en Cisjordanie.
Il est d’ailleurs possible que le drame de Douma soit la réponse des colons à la destruction par l’armée, le 29 juillet 2015, de deux immeubles illégaux dans cette dernière colonie.  Les terroristes juifs, auteurs de l’incendie de Douma,  l’ont signé on ne peut plus clairement avec des inscriptions en hébreu comme « Revanche », « Le prix à payer » et l’étoile de David. Depuis des années, des activistes d’extrême droite et des colons se livrent en Israël et dans les Territoires palestiniens, sous le label du «prix à payer», à des agressions et des actes de vandalisme contre des Palestiniens et des Arabes israéliens, des lieux de culte musulmans et chrétiens. En juillet 2014, ils ont ainsi assassiné,  de manière atroce,  le jeune Mohamed Abou Khdeir. Gideon Levy, (Haaretz du 2 août 2015) écrit que l’incendie de Douma est une preuve nouvelle du « fascisme juif ».

« Les meurtriers seront arrêtés et traduits en justice », affirme Netanyahou. Pour l’heure, ils courent toujours.
Il est difficile cependant de croire le Premier Ministre israélien: un rapport démontre qu’un Palestinien qui porte plainte contre un agresseur israélien n’a que 1,9 % de chances d’obtenir justice. 
Pourquoi?
A cause de la discrimination institutionnelle contre les Palestiniens et à cause de l’impunité dont bénéficie Israël de la part de la communauté internationale.
Neuf maisons palestiniennes ont été incendiées au cours des trois dernières années d’après l’ONG israélienne B’Tselem. Aucune arrestation. Aucune volonté sérieuse de trouver les coupables! De même, au  cours des quatre dernières années, 17 églises et mosquées ont été incendiées : aucune arrestation n’a encore été opérée. Et dire que partout on tresse des louanges à la police et aux services secrets israéliens!
Il est d’autant plus difficile de croire Netanyahou que ce qui se passe est absolument inséparable de la politique qu’il mène depuis qu’il est au pouvoir. Pouvoir qu’il partage du reste avec le parti des colons qui prône l’extension de la colonisation et le vol des terres palestiniennes.

Un manuel pour tuer des bébés et incendier églises et mosquées :

Le drame de Douma, la mort atroce du petit Ali carbonisé n’étonnent guère les observateurs avertis.
Dans les écoles talmudiques (yeshiva) de Cisjordanie en effet, on enseigne comment brûler une mosquée comme on enseigne « la Torah des Rois », livre qui autorise l’assassinat des non-juifs (goys) et de leurs bébés (Revue de la presse, France Inter, 03 août 2015 à 8h30).

 

Dans cet ouvrage publié au début de l'année 2010, les rabbins Yossef Elitzur et Yitzhak Shapira (colonie d’Yitzhar) affirment que les non-juifs ne sont pas, "par nature, sujets à la compassion" et que les attaquer "peut freiner leurs inclinations malignes", selon des extraits publiés par le quotidien Haaretz. Les deux auteurs estiment également qu'il peut être licite de tuer les bébés et les enfants des "ennemis d'Israël car il est clair qu'ils nous porteront préjudice lorsqu'ils auront grandi". "Partout où l'influence de goys [les non-juifs] constitue une menace pour la vie d'Israël, il est permis de les tuer, même s'il s'agit des Justes parmi les nations", soulignent ces rabbins en faisant allusion à ceux qui ont sauvé des juifs durant la Deuxième Guerre mondiale. L'ouvrage a été publié avec l'imprimatur de deux autres rabbins plus connus, Dov Lior (Cf site de Leaders du 26 juillet 2014)  et Yaakov Yossef, fils du rabbin Ovadia Yossef, fondateur et chef spirituel (décédé récemment) du Shass, un parti ultra-orthodoxe - parti-pivot, « faiseur de rois » - représenté actuellement au gouvernement. Plusieurs organisations ont demandé l’interdiction de cet odieux pamphlet à la Cour Suprême. Sans succès.
 
Lors d’une manifestation contre la haine, le racisme et le fanatisme sur la Place Rabin à Tel Aviv samedi soir, Nasser Dawabchah, l’oncle d’Ali, a appelé le gouvernement israélien à protéger la population palestinienne de Cisjordanie en disant : « Ils ont brûlé ma famille qui dormait paisiblement, une famille qui n’a pas foi en la violence. Netanyahou a présenté ses condoléances mais nous demandons une protection pour Douma et les autres villages palestiniens. Pourquoi tuer Ali ? Il n’avait que dix-huit mois. Qu’avait-il fait ? Qu’avait-il fait aux colons ? Nous demandons que ceci [ce crime] marque la fin des souffrances de notre peuple ». (The Guardian, 2 août 2015).

Tolérance zéro?

L’horreur suscitée à travers le monde par le crime de Douma ne saurait faire oublier les victimes de Gaza et les 500 enfants tués par les forces sionistes lors de l’agression sur le territoire en juillet dernier ni que la soldatesque sioniste avait assassiné durant le mois de juillet 2015 pas moins de quatre jeunes Palestiniens. Les manifestations contre cet incendie criminel en Palestine ont donné l’occasion à l’armée et aux gardes-frontières israéliens de faire deux nouvelles victimes, l’une en Cisjordanie, l’autre à Gaza. Car, dans « la seule démocratie » du Moyen-Orient, on tire à balles réelles sur des manifestants désarmés ou munis de pierres contre les engins blindés!

 

Les pierres ! Quelle terrible menace pour la sécurité d’Israël!

 

Nissim Béhar écrit dans Libération du 28 juillet 2015 : « Depuis son entrée en fonction, Ayelet Shaked [Ministre de la Justice du parti d’extrême droite Le Foyer Juif] a considérablement durci la législation répressive israélienne. A peine installée dans ses meubles, elle a réintroduit et fait voter par la Knesset un projet de loi aggravant les peines de prisons pour les lanceurs de pierres. Celles-ci sont donc passées de huit ans maximum à dix ou vingt ans, selon les cas. Pour accélérer la procédure, les autorités judiciaires n’auront pas à démontrer que les inculpés étaient «mus par une intention de nuire». Le seul fait d’avoir été vu avec une pierre en main, ou pris sur le fait, suffira à motiver la condamnation ».On rappellera que ce ministre de la justice – dont le mari est pilote militaire - a déclaré lors de la campagne électorale, dans une émission télévisée en  mars 2015, qu’elle prenait plaisir à voir les bombes saccager les immeubles de Gaza !
Comment prendre au sérieux Netanyahou quand il affirme : « Tolérance zéro » pour les incendiaires et les assassins juifs extrémistes?
Le New York Times du 2 août 2015 affirme que la justice israélienne est rarement équitable quand il s’agit des Palestiniens. Le quotidien, sous la signature d’Isabel Kershner, donne comme exemple le cas Moshé Orbach accusé d’incitation à la violence et au terrorisme car on avait trouvé dans sa voiture, deux jours avant le drame de Douma, le fameux  manuel expliquant comment incendier une mosquée ou une maison palestinienne, comment rendre inconscient un Palestinien…Il a été mis aux arrêts chez lui, sous la supervision de ses parents et interdit d’accès à Internet.
Quel Palestinien peut rêver d’un  traitement aussi doux de la part des flics israéliens ? 

Détention administrative?

Sous pression, dimanche 2 août 2015, le ministre de la Défense Moshé Ya’alon a annoncé que les extrémistes juifs du « prix à payer » seront soumis à la détention administrative qui permet d’emprisonner quelqu’un pour six mois renouvelables sans que les faits reprochés ne soient signifiés ni au prévenu ni à son avocat. La détention administrative maintient en prison aujourd’hui plus de 5000 Palestiniens. Dont  Khalida Jarrar** (membre du Parlement palestinien,  le Conseil Législatif), arrêtée le 2 avril 2015 et présentée chaînes aux pieds en mai 2015 devant le « juge » militaire du tribunal d’Ofer, près de Ramallah. Prisonnière politique, son procès est suivi par certains  ambassadeurs accrédités en Israël et notamment celui de l’Union Européenne.
Or, l’an dernier, Netanyahou a rejeté une proposition visant à considérer les responsables des crimes et des exactions des militants du « prix à payer » comme membres d’une organisation terroriste ; ce qui aurait permis leur détention administrative. Il a plutôt opté pour le label « organisations illégales » qui donne seulement à la police plus de latitude dans la surveillance des suspects. A l’époque, pour Netanyahou, de telles mesures n’étaient pas de saison car elles auraient signifié que les terroristes juifs sont d’une manière ou d’une autre comparables au Hamas ou au Jihad Islamique.
Comment ajouter foi aux mensonges de Netanyahou quand il « compense » (le Monde dixit) la détention administrative pour les extrémistes juifs par la permission de construire 300 logements dans « la partie légale » (sic) de la colonie Beit El en plein territoire occupé?

L’impunité des colons… conduit Israël dans le mur

L’éditorialiste du Monde (1er août 2015) écrit sous le titre « L’impunité des colons israéliens est un fléau pour la Cisjordanie »: « Cette politique fait douter de la volonté du gouvernement d’arriver à un quelconque accord de paix avec les Palestiniens. Elle ne peut déboucher que sur un surcroît de violence – de part et d’autre. Elle ne répond à aucun objectif sécuritaire, au contraire. Elle est le produit d’une idéologie qui nourrit tous les extrémismes – celle qui, il y a vingt ans, incitait un jeune homme venu de ce même milieu des colons à assassiner le premier ministre Itzhak Rabin.
Le « parti des colons » est un fléau pour les Palestiniens de Cisjordanie, d’abord et avant tout. Mais les Israéliens ne doivent pas s’y tromper : il porte aussi un tort incommensurable à leur pays ».
Suite à l’incendie meurtrier de Douma, le président israélien Reuven Rivlin a déclaré samedi soir lors d’une manifestation : « Les flammes envahissent notre pays. Flammes de haine, de croyances  fausses… Flammes qui autorisent les bains de sang au nom de la Torah… » et d’appeler au respect de la loi affirmant que la tradition juive ne permet pas de telles horreurs. Résultat : des menaces de mort et  des qualificatifs de « traître » et de « terroriste ». La police lui demande de porter plainte.  De même, le maire de Kiryat Ram, au nord d’Israël ayant appelé à la tolérance et au bon voisinage en citant la Torah (« Aime ton voisin comme toi-même ») sur sa page Facebook, a vu sa voiture incendiée dans la nuit de samedi. La police lui a attribué un garde du corps.

La société israélienne est minée par l’occupation et la politique jusqu’auboutiste de Netanyahou. Le drame de Douma  est révélateur de sa perte de repères…tout comme la France des socialistes  Guy Mollet et de Robert Lacoste pendant  la guerre d’Algérie. Guy Mollet a essuyé les tomates des pieds noirs. Le président israélien reçoit aujourd’hui des menaces via Internet. Les intellectuels israéliens comme Avraham Burg, Léon Roth, Zeev Sternhell ou les romanciers comme Eshkol Nevo essaient de tirer la sonnette d’alarme…mais la théocratie ne cesse de gagner du terrain dans ce pays sans constitution. La Cour Suprême est ridiculisée par des membres du gouvernement. Démocratie et pluralisme s’éloignent à vue d’œil.  Tout comme la France des socialistes  Guy Mollet et de Robert Lacoste et des généraux félons Salan, Challe, Zeller et Jouhaud pendant  la guerre d’Algérie, Israël sera détruit par les fanatiques et les extrémistes avec lesquels Netanyahou gouverne.

 

La Palestine se libérera tout comme l’Algérie qui est venue à bout du colonialisme français après 130 ans d’oppression…mais le minuscule  corps d’Ali,  sur un immense brancard,  porté en terre vendredi devrait éternellement hanter la conscience des politiciens occidentaux et les autres qui lâchent  la bride au gouvernement israélien d’extrémistes et de fanatiques  lui permettant ainsi de commettre toutes les turpitudes protégé qu’il est par le veto américain et le parapluie européen.

 

Albert Einstein prophétisait : «Le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui regardent sans rien faire».

 

Mohamed Larbi Bouguerra

 

** Khalida Jarrar a été élue sur la liste du FPLP. Elle dirige également le groupe parlementaire chargé de la question des prisonniers, codirige l’association des droits de l’homme et des prisonniers Adhamir et travaille sur le dossier à transmettre à la CPI.