Lettre à nos député(e)s: Pour que cette "démocratie atone" n'enterre pas notre avenir démocratique
Cher(e)s élu(e)s, pendant ces deux dernières semaines, deux lois –et non des moindres- ont été adoptées par vos soins. La loi anti-terroriste (http://majles.marsad.tn/2014/fr/lois/55157b1e12bdaa55e64cde6f/texte?version=2) et la loi de finances complémentaires pour l’année 2015 (http://www.leaders.com.tn/uploads/FCK_files/20140703_LFC_Partie_1(1).pdf) .
Combien de remous celles-ci créeront-elles à l’avenir ? Combien de dispositions seront jugées inconstitutionnelles par la futur Cour Constitutionnelle ? Combien de dispositions engendreront des déviances pratiques ?
Il est primordial de vous rappeler vos devoirs vis-à-vis de vos électeurs.
Cher(e)s élu(e)s, il ne tenait qu’à vous de faire de ces lois, un pan de l’histoire législative tunisienne. Il n’en fût malheureusement rien, trop occupés à faire les béni-oui-oui depuis votre élection. D’ailleurs, combien de projets de lois ont été refusés depuis votre élection ? Aucun!
Ces deux lois ont été discutées, amendées et votées en moins de 48 heures. En les adoptants de la sorte, dans la précipitation et la confusion, vous créez malgré vous une situation de méfiance vis-à-vis de celles-ci. Combien de députés n’ont pas été écoutés ? Combien de propositions de l’opposition ont été rejetées, sans la moindre estime pour la part des citoyens les ayant élus ?
Le communiqué de presse du Front Populaire en est un exemple flagrant (https://twitter.com/M3annabi/status/629024870043680768/photo/1). Idem pour les propos de Riadh Mouakher, élu Afek Tounes, qui avouait hier lors du vote sur la loi de finance complémentaire avoir « …voté sur des choses dont [il] n’était même pas au courant ». (https://twitter.com/AlBawsalaTN/status/628989426232860673)
Cher(e)s député(e)s, de l’extérieur ce qui vous caractérise est cette frivolité dans la discussion de projets lois aussi sensibles pour les libertés individuelles mais aussi pour le portefeuille de vos électeurs déjà bien entamés en cette période de crises.
Pire encore, il en va de l’enracinement de notre démocratie de voir la majorité écouter les craintes et les aspirations de l’opposition, tout comme il est nécessaire à l’opposition d’acculer la majorité. Sans quoi, nous assisterons à ce que l’on observe depuis l’avènement de cette Assemblée des Représentants du Peuple : une démocratie atone !
N’oubliez pas que ce que vous votez aujourd’hui aura des conséquences à l’avenir et que ce qui est aujourd’hui entre vos mains pourra se retourner contre vous. N’oubliez pas que ce bateau ivre appelé « démocratie » que nous avons pris ensemble depuis 2011, n’a pas encore jeté l’ancre.
Il ne tient qu’à vous cher(e)s député(e)s de ne pas rater les prochains virages qui s’offrent à vous. Le projet de loi sur la future Cour Constitutionnelle ne devra pas être galvaudé comme les précédents. Car si la dictature de la majorité l’emporte au niveau de la juridiction constitutionnelle, garde-fou juridique contre les mégalomanies partisanes, il ne s’agira plus d’une démocratie atone que vous aurez proposé à vos électeurs mais bel et bien une mise au ban de nos acquis chèrement défendus depuis la révolution.
Yassine Bellamine