Des propositions pour limiter l'impact du terrorisme sur le secteur touristique
Ce n’est plus sombrer dans le pessimisme que de penser que la saison touristique de cette année en Tunisie est plus que compromise. L’attentat contre un hôtel à Sousse, qui a fait 39 victimes le 26 juin,à quelques jours du démarrage de la saison estivale dans nos plages considérées jusque- là comme un havre de paix, a eu un impact désastreux à bien des niveaux. Mais dans un pays où le tourisme représente environ 7% du PIB et quelque 400.000 emplois directs et indirects, le flot d’annulations de réservations des clients étrangers a été aussi rapide que les condoléances et condamnations qui ont afflué de par le monde de leurs dirigeants. A noter qu’à eux seuls, les marchés français et polonais ont annulé pas moins d’un million de nuitées. Du côté du Royaume-Uni, pays le plus touché par cet attentat avec trente de ses citoyens parmi les victimes, le gouvernement a appelé tous ses ressortissants à quitter le territoire tunisien. Plus anecdotique mais tellement symbolique, l’avion de la compagnie JetAir, en provenance de Bruxelles, qui a fait demi-tour alors qu'il survolait la Méditerranée en direction de la Tunisie en ce jour sinistre, nous laisse présager des conséquences immédiates de cet acte haineux.
Mais là où le bât blesse, c’est que, à l'instar du Bardo trois mois auparavant, l’auteur de cette ignominie est un jeune Tunisien qui a succombé aux appels morbides de Daesh, la terrible nébuleuse islamique qui s’est fixé comme point d’honneur de détruire la civilisation moderne grâce aux mêmes outils créés par celle-ci à savoir les réseaux sociaux, une communication extrêmement efficace et des armes lourdes. Après le Bardo, l’heure était à la solidarité et à l’union nationale. Dans la foulée on a vu des mouvements émerger de toutes parts appelant à se rendre en Tunisie, parfois avec une spontanéité touchante à l’instar de la campagne sur les réseaux sociaux « I will come to Tunisia this summer ». L’Etat a – lui aussi – joué un rôle prépondérant dans cet élan en menant une intense campagne médiatique qui n'a pas eu malheureusement les résultats escomptés. Cela ne doit pas pour autant signifier que l’Etat tunisien doit céder à la résignation et à l’inertie, son rôle est primordial dans le soutien qu’il doit apporter à ce secteur vital à l’économie nationale
Pour cette saison touristique, il est impératif de sortir des sentiers battus et de permettre à des nouvelles initiatives de voir le jour à l’image des nouveaux défis auxquels le pays est confronté. Une de ces initiatives pourrait bien être de payer à des jeunes des régions déshéritées du pays un séjour de quelques nuitées dans un hôtel tunisien. L’avantage étant de combattre le mal à la racine. Il ne fait plus de doute que le fondamentalisme religieux a trouvé un terreau fertile en Tunisie comme en atteste ces attaques régulières perpétrées par des jeunes du pays contre des touristes, des militaires ou des agents de police tout au long de ces derniers mois. Aussi le nombre inquiétant de Tunisiens qui vient augmenter les rangs des djihadistes en Syrie et en Libye ne fait que renforcer ce triste constat. En effet, près de 3000 jeunes ont choisi de rejoindre la mouvance islamiste et perpétrer des attaques sanglantes. Cela témoigne d’une rupture sociale profonde dans notre pays qu’il est impératif de tenter de résorber si l’on veut réussir notre transition démocratique. Pour ce faire, nous nous devons d’encadrer des jeunes, de leur redonner espoir en l’avenir en fixant un cap à suivre, car beaucoup de jeunes vivent dans des conditions précaires et au ban de la société, ce qui font d’eux des victimes idéales pour les recruteurs de Daesh et autres Al Qaeda au Maghreb Islamique (AQMI). A défaut d’un emploi ou d’intérêts sportif et culturelles (qui sont des volets fondamentaux afin d’endiguer ce problème) ces jeunes des régions défavorisées passent leurs journées dans des mosquées ou cafés où les recruteurs de la mouvance islamique pullulent. En ciblant des jeunes de ces régions désavantagées et en leur tendant la main pour leur signifier que la nation est soucieuse du bien-être et de l’avenir de ses enfants, on ne peut totalement les immuniser contre la vision obscurantiste mais on peut essayer de leur fournir les armes susceptibles de les en prémunir et ainsi de la combattre à la racine. Il s’agit là aussi de prévenir et d'empêcher la gangrène de l’islamisme de germer.
Cette initiative permettrait en outre de limiter (quoi que de manière très sporadique) les dégâts dont pâtissent ces hôtels tout en offrant une belle expérience à ces jeunes qui se sentiront aimés par leur pays. L’impact économique ne sera bien entendu pas le même que ce que l’on pouvait escompter en recevant en masse nos amis français, polonais ou britanniques mais la majorité de ces chambres d’hôtels risquent à coup sûr d’être vides. Et quand bien même celles-ci seraient réservées, les prix seront tellement dérisoires qu’ils trouveront toutes les peines du monde à couvrir les frais de fonctionnement de certains leurs établissements.
Le processus de réforme que connaît la Tunisie d’aujourd’hui est comparable à celui d’une maison en chantier. Au tout début, il y a de l’excitation (phase qui a directement suivi la révolution dites « euphorie révolutionnaire »). Ensuite, on est frustré et impatient car ces choses-là prennent un temps terriblement long à prendre la forme que chacun espérait. Il y a tellement d’embûches et de défis qui surviennent tout au long du processus de construction. C’est l’étape où se trouve la Tunisie en ce moment. Mais quand « la maison sera enfin bâtie » et que tous les travaux seront terminés, l’exaspération fera place- à coup sûr- à une douce harmonie.