Sfax 2021 la déception, pourquoi pas la relance?
Le verdict est tombé le 27 aout, beaucoup de préparations, un effort gigantesque, une société civile qui s’est investie à fond depuis l’idée jusqu’à l’heure de présentation, des moyens locaux consistants malgré la conjoncture économique, des jeunes qui se sont déployés corps et âme allant jusqu’à une grève de faim sollicitant l’appui du pouvoir central, un longue attente …Le verdict, c’est Oran qui organisera les jeux méditerranéens en 2021, un résultat prévisible, un échec prémédité selon certains.
Et si on fait le bilan mise à part la dynamique que connait la société civile et l’implication des jeunes, quels sont nos atouts à Sfax ? pratiquement rien:
- L’absence totale de soutien politique pour la candidature, les gouvernements JOMAA a puis ESSID n’y croyaient pas du tout, rien n’a été déployé sur le plan diplomatique, pas de lobbying et presque pas d’appui financier. Schwarzenegger s’est déplacé à Oran et a fait une déclaration en sa faveur, pas pour les beaux yeux des algériens, il est probable qu’il ne savait même pas où se trouve Oran, mais sollicité à coup de milliers de dollars pour la cause.
- Absence d’infrastructures sportives : la région qui compte un million d’habitants a un stade de 12 milles places (presque inchangé depuis l’indépendance), un terrain est réservé pour nouvelle cité sportive mais il n’y a pas d’étude de projet et encore moins un financement, les autres installations sportives en état de délabrement on aurait mieux fait de ne pas les citer dans le dossier de candidature.
- Mis à part le nouveau CHU dont en parle depuis plus de quinze ans et dont la réalisation va démarrer bientôt grâce à un don chinois, aucun projet structurant en ville et dans la région n’est programmé et ce ne sont pas les études qui manquent, pire il est évident qu’il y a une volonté délibérée du pouvoir central pour bloquer certains projets, je cite :
- La décision de fermeture de la Siape et les études de dépollution du littoral sud, aucun gouvernement depuis la révolution n’ose appliquer cette décision malgré les méfaits de cette usine très polluante, amortie et située au centre-ville.
- Le projet Taparura le projet phare de la ville, on commence à voir le bout du tunnel avec la préparation du PAD (plan d’aménagement détaillé) et une visibilité à l’international, projet labellisé UPM avec des garanties de crédit de plus de 400millions d’euros ( union pour la méditerranée) et ce grâce entre autre au dynamisme de son PDG qui malheureusement vient d’être écarté par le ministre de l’équipement, on lui reproche d’avoir collaboré avec la société civile, sachant que le ministre n’a jamais visité le projet depuis sa prise de fonction en janvier. Un des mégaprojets du pays ignoré par le gouvernement, attend des décisions pour lever les freins qui l’entourent.
- Le projet du métro de Sfax, les études de faisabilité achevées fin 2013, on attend depuis presque deux ans la création de la société de métro, un dossier bloqué sur le bureau du chef du gouvernement
- L’Autorité Régionale Organisatrice du Transport à Sfax attend sa création, dossier bloqué au ministère du transport
- La pénétrante nord et sud, études achevées mais rien n’est encore fait
- L’extension du port et la création d’un terminal conteneur, une solution de bricolage a été proposée par le ministère du transport juste pour diminuer la pression sur le port de Rades et loin d’être une solution émanant d’une stratégie portuaire avec une vision de développement durable et intégrée.
- L’aéroport de Sfax, la compagnie nationale et le ministère se sont complètement désengagés de la région, TunisAir a annulé ses vols sur Sfax sous prétexte que ce n’est pas rentable oubliant qu’un aéroport c’est toute une dynamique économique derrière et que cet aéroport peut rendre service à plus de deux millions de tunisiens
- On passe sur l’état des routes, la situation environnementale catastrophique, un problème chronique de gestion des déchets, la pollution de l’industrie chimique, on continue à débarquer le soufre à ciel ouvert au port de commerce au centre-ville, la région de Sfax a l’un des taux les plus bas de raccordement au réseau d’assainissement…
- Sfax compte plus de 80 quartiers populaires avec plus de 100 mille habitants soit autant que la population de pas mal de gouvernorats dans le pays
- Le gaz de ville, la région produit plus de 60% de gaz du pays, Sfax a été l’une des dernières villes à en profiter pour ses ménages
- La station de dessalement d’eau de mer, les études achevées depuis des mois mais rien n’a été fait
La liste est encore longue et le constat est sombre ; ce qui est plus inquiétant c’est un sentiment d’une démission totale de l’Etat vis-à-vis de la région, la déclaration de BéjiCaiedSebsi quand il était chef de gouvernement est frustrante : « Sfax peut compter sur ses hommes », Sfax peut certainement compter sur ses moyens si on lui laisse une partie de ses richesses et la possibilité de manœuvre décisionnelle régionale.
Même la décentralisation, ce n’est pas pour demain, on n’a jamais senti une centralisation aussi poussée, une administration centrale aussi sclérosée, ajouté à cela un rôle peu visible des partis politiques qui nous ont percé les tympans avec leur discours électoraux et leur programme sur l’équité entre régions et la nécessité de donner les moyens à la région pour reprendre la place qu’elle mérite.
Avec ce constat on voit que nos chances pour 2021 sont nulles malgré toute la bonne volonté de la société civile qui est à l’origine de toute les bonnes initiatives ces dernières années, celle-là, mais aussi « Sfax capitale de la culture arabe 2016 » qu’on risque de rater faute de moyens et de soutien suffisant du gouvernement, d’ailleurs le comité de pilotage national groupant plusieurs ministères ne s’est jamais réuni pour lever les obstacles qui bloquent les préparatifs de cette manifestation de dimension nationale et internationale.
Félicitations pour nos amis algériens d’avoir eu l’honneur d’organiser les jeux méditerranéens 2021, Sfax a gagné une jeunesse dynamique qui s’implique dans le projet Sfax et une société civile qui s’organise et s’active dans la gestion de la ville et de la région, l’action menée pour récupérer et dépolluer les anciennes plages cet été est un excellent exemple de volonté, de volontariat qui démontre une maturité qui nous laisse encore optimistes malgré tout, optimistes pour notre région et surtout pour notre pays. Je reprends une citation d’un expert de la Banque Mondiale venu à Sfax en mission d’évaluation « nous avons la certitude en tant que bailleur de fonds que Sfax peut mieux faire ».
Finalement 2021 restera une date de défi pour espérer certaines réalisations surtout que nous préparons actuellement le plan 2016 – 2020.
Dr Abdeljalil Gdoura
Président Association Beitelkhibra
Forum d’Action et de Développement à Sfax