News - 05.09.2015

Slaheddine Sellami: Sécurité, réformes et réconciliation économique

Slaheddine Sellami: Sécurité, réformes et réconciliation économique

Quels sont les trois dossiers qui risquent de miner la rentrée ? Quels enjeux représentent-ils ? Et quelles solutions appropriées proposer ? Dans sa dernière livraison (N°52) de septembre 2015, le magazine Leaders à solliciter les analyses de figures tunisiennes marquantes. Leurs avis variés offrent aux décisionnaires des éléments dont les décisionnaires peuvent faire leur profit :

La rentrée risque d’être chaude sur le plan politique, économique et social.  Le gouvernement doit traiter les dossiers avec beaucoup de courage, il doit prendre les décisions nécessaires même si ces dernières ne seront pas populaires.

L’important, c’est de faire supporter les sacrifices par tout le monde et en particulier par ceux qui ont les moyens et qui ont le plus profité de l’ancien régime et du laxisme qui a suivi la révolution. Plusieurs dossiers seront prioritaires et parfois brûlants:

Le premier dossier brûlant qui doit accaparer le travail du gouvernement à la rentrée sera toujours le dossier de la sécurité et de la lutte contre le terrorisme. C’est le sujet qui préoccupe tous les Tunisiens qui n’ont jusque-là jamais connu la peur et l’insécurité. La lutte contre l’insécurité et le terrorisme reste la clé de la réussite du printemps tunisien. Sans sécurité, aucun investissement, qu’il soit intérieur ou extérieur, ne sera fait en Tunisie, des pans entiers de l’économie risquent de s’écrouler emportant avec eux des milliers d’emplois et aggravant le problème essentiel à l’origine du 14 janvier, celui du chômage, surtout des jeunes.

La lutte contre le terrorisme passe avant tout par la mise en place d’une stratégie globale avec son volet sécuritaire, social, culturel et économique, mais en attendant la mise en place de cette stratégie, nous ne pouvons pas croiser les bras et attendre. Les derniers évènements ont montré qu’il faudrait obligatoirement purger l’administration tunisienne, en particulier les ministères de l’Intérieur et de la Justice, des nominations partisanes qui peuvent constituer un frein à la lutte contre le terrorisme. La deuxième mesure urgente est la mise en place rapide d’une agence nationale de sécurité regroupant toutes les forces impliquées dans la lutte contre le terrorisme, et enfin, il est nécessaire que les dossiers des assassinats politiques connaissent une évolution tangible pour montrer qu’aucun compromis n’est possible avec les assassins et ceux qui sont derrière eux.

Le deuxième dossier brûlant que le gouvernement doit traiter dans les plus brefs délais sera celui des réformes profondes qui doivent toucher tous les ministères. Il est malheureux de constater que ce dossier évolue d’une manière très lente. Est-ce par manque de volonté politique ou parce que l’administration tunisienne continue à diriger le pays du fait que les ministres, dont plusieurs ne sont pas à leur place, n’arrivent pas à imprimer à cette administration une nouvelle mentalité, une nouvelle manière de travailler et surtout une indépendance à l’égard des lobbies?

Tout le monde parle de dialogue national, de dialogue sociétal dans chaque domaine, certains de ces dialogues durent depuis deux ans, voire trois, mais le pays ne peut pas attendre encore longtemps, la période de la transition politique n’a que trop duré, ce gouvernement légitime aurait dû mettre en chantier les réformes qui existent en principe dans ses programmes électoraux. Malheureusement et en dehors de quelques ministres qui ont décidé d’entamer de vraies réformes, les autres continuent à gérer les affaires courantes alors que dans chaque ministère, il y a au moins deux ou trois mesures évidentes à prendre afin de donner un signal fort et montrer que le gouvernement est décidé à réformer l’administration et le pays pour plus d’équité, plus de justice et plus d’efficacité

Le troisième grand dossier, qui risque d’avoir de grandes répercussions et que les gouvernants ont décidé d’ouvrir, est celui de la réconciliation économique. Ce dossier semble, pour le moment, n’intéresser que les politiques et les médias alors que le reste de la population est préoccupée beaucoup plus par les problèmes de la vie courante. Cependant, le débat, s’il est mal orienté ou mal exploité, risque d’avoir des répercussions plus graves, certains peuvent même essayer de manipuler la rue pour le contrecarrer. A première vue, cette proposition du chef de l’Etat a toutes les chances de passer, quelques amendements seront vraisemblablement apportés au projet initial. Il est vrai que la justice transitionnelle a pris beaucoup de retard.

 

S.S.
Ancien ministre

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