Sonia Mbarek: Pour un état d’urgence culturel (Vidéo)
Quels sont les trois dossiers qui risquent de miner la rentrée ? Quels enjeux représentent-ils ? Et quelles solutions appropriées proposer ? Dans sa dernière livraison (N°52) de septembre 2015, le magazine Leaders a sollicité les analyses de figures tunisiennes marquantes. Leurs avis variés offrent aux décisionnaires des éléments dont les décisionnaires peuvent faire leur profit. Ci-après l'analyse de Sonia Mbarek.
Nous sommes au paroxysme d’une crise culturelle qui trouve son écho le plus profond dans le projet politico-social, éducationnel et artistique de notre pays.
Les trois dossiers brûlants sur toile de fond culturelle interagissent et s’entremêlent pour influencer d’autres dossiers aussi importants que ceux économique et sécuritaire. A ce titre, ils méritent une réflexion de fond et des décisions urgentes.
La culture est partout
Quel projet culturel pour la Tunisie sous la deuxième République ? Quelles sont les valeurs à transmettre et par quels moyens?
Rappelons que parmi les défis de Bourguiba figure la réalisation du projet culturel sociétal moderniste. Il est arrivé à poser les jalons de ce projet grâce à un héritage culturel très riche, des réformateurs, des penseurs, des historiens, des religieux et des hommes politiques ainsi que des artistes.
Ce projet accuse aujourd’hui de nouveaux défis, avec la deuxième République. La démocratie, le droit à la différence, la liberté d’expression, l’égalité, le respect de la valeur humaine ne sont-ils pas des valeurs culturelles à inculquer?
Chedli Klibi, il y a 50 ans, entendait réaliser l’accès du plus grand nombre aux œuvres de l’esprit.par sa théorie du défi civilisationnel. C’est un combat primordial, entamé après l’indépendance mais toujours d’actualité aujourd’hui, tout est phénomène de culture. Comme le disait Anna Arendt, «un être cultivé, c’est un être capable de jugement.»
Dans le volet éducationnel
Quelles sont les valeurs que nous devons transmettre à nos enfants et par quels moyens?
L’objectif de toute éducation serait d’obtenir des esprits libres, c’est-à-dire capables d’innovation. A ce titre, la campagne entamée par le ministère de l’Education nationale de sensibilisation pour rénover les écoles devrait être suivie d’une campagne pour valoriser l’ouverture de l’école sur les nouvelles technologies, et toutes les formes de dialogue avec la société civile ainsi que l’ouverture à toutes les expressions artistiques, par des partenariats et des jumelages entre des écoles de la capitale et celles de l’intérieur du pays, et pourquoi pas au niveau international.
Le volet culturel et artistique
Les problématiques concernant le statut des festivals et des artistes, la promotion de leurs œuvres sont plus que jamais d’actualité
De nouvelles exigences sont aujourd’hui indispensables à réaliser:
- D’abord redéfinir la politique artistique (politique de formation de production artistique, d’animation culturelle et celle festivalière).
- Actualiser les dispositifs juridiques et administratifs de formation, de création, de production et de diffusion à mettre en place pour permettre aux musiciens, chanteurs et compositeurs, cinéastes, hommes de théâtre, danseurs tunisiens… de développer leurs carrières au niveau national et international.
- La loi sur le mécénat culturel promulguée en 2014 trouve tout son sens aujourd’hui lorsque la réalisation de l’équilibre entre financement public et privé de la culture devient plus qu’une nécessité, un devoir
- La décentralisation artistique et culturelle par le biais des centres et maisons de la culture.
Toutes ces questions devraient être au cœur du débat politique pour un nouveau contrat socioculturel.
S.M.
Artiste, chercheur universitaire
en sciences politiques et musicologie