Le conseil de l’ordre va bien et les architectes vont mal très mal
Le Président de la République a reçu au Palais de Carthage le 2 septembre une délégation de l’Ordre des Architectes conduite par son Président, la rencontre a permis aux architectes de faire part des préoccupations de leur profession et des difficultés rencontrées dans l’exercice de leur métier.
Le Conseil de l’Ordre des architectes a aujourd’hui plus que quarante ans d’exercice. Il a été créé pour établir les règles de la déontologie régissant la profession des architectes et d’en assurer le respect. Il veille à l’honneur…
Entretemps et durant les 40 ans le conseil a rencontré le président Habib Bourguiba le Président déchu Ben Ali et maintenant le Président Beji Caid Essebsi.
Alors quelle est la situation de l’architecte après ces 40 ans?
La profession est au plus mal, les confrères tous vivent des difficultés tandis que l’Ordre semble au mieux regarder ailleurs.
La situation alarmante d’aujourd’hui de notre profession est qualifiée à notre avis de situation de crise qui nous met dans l’impossibilité de fonctionner et qui nuit à la morale de la corporation.
Aujourd’hui, il suffit de regarder nos villes, de circuler dans nos rues pour se rendre compte de la dégradation architecturale à l’exception de quelques bâtiments mais ce n’est certainement pas de quelques réussites que se compose le visage architectural d’une ville.
L’architecte a aujourd’hui une image médiocre et est rendu responsable de la médiocrité du cadre bâti: alors qu’il est en dehors de la décision, de toutes les décisions.
Aujourd’hui plus que 40% de ce qui se construit est sans autorisation de bâtir a déclaré lundi M.Anis Ghdirasecrétaire d’état chargé de l’habitat à Express fm
Aujourd’hui uniquement 10% des demandes d’autorisation de bâtir sontélaborés par des architectes.
Aujourd’hui on donne des autorisations de bâtir par des commissions sans architecte et bien sur pour des projets élaborés sans architecte.
Ce désordre qui règne dans notre pays en matière d’architecture et d’urbanisme, cette violation flagrante permanente de l’éthique socio-professionnelle et enfin cette dérèglementation de la profession crée une sorte de saturation anarchique du marché de la construction et de l’urbanisme alors que nos architectes surtout les jeunes courent les rues à la recherche de travail honorable.
Aujourd’hui les citoyens ne savent pas très bien quoi faire avec l’architecture,pour la majorité l’architecte apparaît comme un homme inaccessible à une grande partie de la population dont l’intervention est coûteuse et dont le langage et complexe cette image formée d’ignorance réelle est bien entendu totalement fausse. D’autre part les rares qui font appel aux architectes se permettent de discuter volume, forme, proportion, technique et esthétique tout en étant incapable parfois de formuler le programme de leurs besoins alors qu’aucun n’ose mettre en doute et encore moins infirmer l’avis de son médecin ou discuter avec son avocat.
On ignore tout de cet homme et de sa profession, de son rôle voir de sa nécessité.
Tout ce que l’architecte peut apporter à court et à long terme d’apparent de palpable mais aussi de réel est souvent invisible pour lui.
Mais qui est responsable de cette situation?
Seuls les architectes sont responsables, nous n’avons jamais fait ce qu’il fallait.
L’Ordre par le biais de son conseil devait d’abord tout faire pour avoir la confiance des 4.000 architectes et ne pas être une boite postale pour récupérer un papier ou un cachet.
Le conseil ne pourra jamais changer les choses sans les hommes du métier c’est avec les architectes toutes les générations confondues qu’il pourrait engager la réforme des textes et des lois sur l’architecture
Aujourd’hui nous ne sommes plus 400 nous sommes plus que 4000 architectes.
Nous devons mettre en place un observatoire pour préciser le rôle et les potentialités des architectes en vue d’inciter le public à un recours nécessaires et facile.
L’Ordre doit offrir l’assistance architecturale et le conseil au développement public veiller réellement à l’honneur et à la dignité des architectes dans la réalisation de leur mission et sanctionner réellement les infractions au code de déontologie.
Le Conseil de l’Ordre doit intervenir auprès des autorités pour toutes les questions qui touchent à la mission de l’architecte et à la déontologie ainsi qu’à la défense de la profession dans son ensemble et aussi en protégeant et élargissant les parts du marché des architectes surtout de nos jours où l’architecte en plus de son rôle historique de bâtisseur il voit s’élargir son champ d’action à des interventions qu’on ignorait: développement durable, économie d’énergie, sociologie urbaine, développement régional ,psychologie sociale.
En un mot, l’Ordre doit prendre en charge la promotion du métier d’architecte.
L’Ordre doit à notre avis être non pas l’interlocuteur mais le conseiller des pouvoirs publics, en donnant son avis sur les projets de règlement de décret ou des lois et il doit être l’initiateur pour une nouvelle réglementation.
Il doit tout simplement jouer son rôle.
D’autre part l’Ordre doit absolument être un organisme autonome, ses membres doivent être élus par les architectes, tous les architectes, financé par eux seuls, ce qui garantira l’indépendance et défendra les intérêts, mais encore faut-il que notre profession ait les moyens de se reconstruire.
Oui, aujourd’hui c’est tout à fait possible et c’est indispensable.
Moncef Kamoun
Architecte