Si les palestiniens proposaient que la terre est plate…
Ron Prosor, le délégué israélien à l’ONU, est ulcéré, fou furieux même, suite au vote de l’Assemblée Générale ce jeudi 10 septembre 2015. Ce scrutin autorise la Palestine - Etat observateur non membre depuis 2012 - à déployer son drapeau au siège de l’ONU ainsi que sur ses agences et bureaux dans le monde. M. le délégué israélien est si exaspéré qu’il en est réduit à clamer : « L’Assemblée [Générale de l’ONU] voterait pour déclarer que la terre est plate si les Palestiniens le lui proposaient ». D’après Ron Prosor, l’Autorité palestinienne a une nouvelle fois utilisé l’ONU pour «marquer des points sur le plan politique». En août dernier déjà, il avait demandé aux «gardiens de l’institution» que sont le Secrétaire Général Ban Ki-moon et le Président de l’Assemblée Générale de l’ONU l’Ougandais Sam Kutesa, de rejeter la demande des Palestiniens qu’il qualifie d’«agressive» mais ses gesticulations ont été prestement balayées par les responsables onusiens car le pouvoir de décision revient à l’Assemblée Générale seule.
Vote massif en faveur de la Palestine
En dépit des gros efforts déployés par le Ministère des Affaires Etrangères israélien (encore sans titulaire depuis mai 2015) visant à faire rejeter en bloc par les 28 Etats membres de l’Union Européenne la résolution palestinienne, la France, la Suède, l’Italie, l’Espagne, l’Irlande, la Slovénie, le Luxembourg, la Belgique, Malte et la Pologne ont voté en faveur de cette résolution.
C’est dire si Israël est isolé au sein du concert des nations d’autant que la résolution palestinienne - patronnée par pas moins de 50 Etats - a recueilli une écrasante majorité.
La résolution sur le drapeau palestinien a en effet engrangé l’approbation de 119 pays (sur 193) et n’a été rejetée que par 8 voix : celles de l’Etat sioniste, des Etats Unis, du Canada, de l’Australie et …. de Tuvalu, de Palau, de la Micronésie et des îles Marshall ! Samantha Power, l’ambassadrice américaine a affirmé que le drapeau palestinien ne fera rien pour rapprocher Israéliens et Palestiniens. Ce qui remet en mémoire la déclaration, en 1973, du président de la Commission des Affaires Etrangères du Sénat américain, le sénateur James William Fulbright qui constatait: « Washington D.C. est un territoire occupé par les Israéliens. La politique étrangère américaine au Moyen-Orient est conçue à Tel Aviv et mise au monde à Washington….Aucun pays au monde ne peut tuer impunément des citoyens américains, excepté Israël ».
Un drapeau et des commentaires
Pour Rami Hamdallah, le Premier Ministre palestinien, ce succès diplomatique « est un pas vers la reconnaissance de la Palestine comme Etat membre à part entière des Nations Unies ».
De son côté, l’ambassadeur palestinien auprès l’ONU Riyad Mansour, devait déclarer suite à ce « vote historique » : « Bien entendu, nous savons parfaitement que notre drapeau ne fera cesser ni l’occupation israélienne ni ne résoudra immédiatement le conflit mais déployer notre bannière signalera à notre peuple où qu’il se trouve que sa libération est inévitable et que la communauté internationale est à ses côtés dans sa quête de justice ». Il voit aussi dans ce vote « un pas dans la direction de la réalisation de la promesse d’indépendance promise au peuple palestinien il y a près de sept décennies ».
Ghassan Khatib, vice-président de l’Université Birzeit parle plutôt « d’une bonne mesure symbolique ». Il espère cependant qu’elle apporte dans son sillage des bénéfices tangibles car « les gens ont besoin de réalisations concrètes ayant un impact pratique sur leur quotidien » (The New York Times, 10 septembre 2015). Cependant, l’écrivain et universitaire anglo-palestinien Azzam Tamimi n’apprécie guère cette mesure et affirme à al Jazeera que « ce que les Palestiniens demandent à l’ONU c’est de reconnaître son rôle historique dans leur dépossession. Nous ne cherchons pas à avoir un autre Etat arabe défaillant avec un drapeau sans signification et des institutions inutiles mais nous cherchons à avoir une patrie dont nous avons été dépouillés… Nous avons besoin que l’ONU admette ses erreurs et reconnaisse la légitimité de notre combat ».
Pour le délégué israélien, tout se résume à de la publicité. Pour lui, ce que cherchent les Palestiniens, c’est de faire une photo avec le drapeau lors de la venue du Président Abbas à New York le 30 septembre 2015. Cependant, lors de son discours final, comme revenu de son cuisant échec, il devait déclarer : « L’Histoire montre que des négociations peuvent être fructueuses, que la paix est possible et que nous pouvons créer une réalité nouvelle pour les peuples de la région. J’attends avec impatience de voir l’image d’un Premier Ministre israélien et d’un leader palestinien, côte à côte, hissant les drapeaux de nos deux peuples, vivant ensemble en paix. Ce serait là une photo vraiment digne d’être prise ». (The New York Times, 10 septembre 2015).
Est-ce possible avec le gouvernement israélien actuel formé de fanatiques, de colons et d’extrémistes ? Est-ce possible quand on prend d’assaut la mosquée d’el Aqsa et que l’on attaque des gens qui y prient comme l’ont fait les forces sionistes dimanche 13 et lundi 14 septembre 2015 ?
Quant à Riyad Mansour, il a qualifié la résolution de « contribution à l’effort international de sauvetage de la solution à deux Etats » et exprimé l’espoir de « voir un jour vivre côte à côte et en paix, dans la coexistence et la sécurité, l’Etat de Palestine et l’Etat d’Israël partageant les liens d’une nouvelle ère dans notre région et dans notre communauté globale ». (AP, The New York Times, 10 septembre 2015).
Autre défi international pour Israël ce même jeudi 10 septembre 2015 : A une très large majorité, le Parlement Européen a voté pour le marquage des produits provenant des colonies israéliennes illégales de Cisjordanie occupée marquant ainsi « la différence » entre Israël et les colonies dans les relations européennes. Toutefois, la résolution votée ne signifie pas que les produits des colonies vont être immédiatement étiquetés mais elle accentue la pression sur les dirigeants européens pour qu’ils fassent avancer cette initiative. Pour le Premier Ministre israélien ce vote est « injuste » et « nuisible à la paix » ! Mais la chef de la diplomatie européenne, Mme Federica Mogherini, ne cesse d’adresser des critiques à la politique de colonisation illégale du gouvernement israélien et d’appeler à une diplomatie européenne plus active ; ce qu’Israël tente par tous les moyens de prévenir, sans grand succès comme le prouve le vote du Parlement de Strasbourg le 10 septembre dernier.
Ainsi, la communauté internationale à l’ONU et l’Union Européenne signifient à Israël que « la terre n’est pas plate » mais qu’il doit mettre un terme à l’occupation et à l’apartheid et reconnaître les droits des Palestiniens sur leur terre. En un mot, se conformer au droit international.
Mohamed Larbi Bouguerra