Les mésaventures d’un visiteur au musée du Bardo !
Ayant vécu plus d’une trentaine d’année hors du sol Tunisien, j’ai finalement eu l’occasion cet été de visiter le Musée du Bardo. Je m’y suis rendu en compagnie d’une invitée et collègue américaine qui malgré le poids des menaces sécuritaires n’a pas été découragée à visiter notre pays.
Notreinvitée est une écrivaine de renommée internationale et une grande amatrice du Jazz. Elle a exprimé dès son arrivée son souhait de se rendre au musée du Bardo et voir de plus près son unique collection de mosaïques. Nous nous y sommes rendus fin Aout 2015.
Nous avons débuté notre visite par le rez-de-chaussée où on pouvait jouir d’une collection époustouflante de pièces archéologiques et de mosaïques murales. Notre guide était plutôt bien instruit côté histoire et nous expliquait dans un anglais clair et simple les multiples écritures antiques et quelques évènements marquants de notre histoire.
En nous rendant au deuxième étage, la chaleur devenait soudainement envahissante et intenable. Nous avons interrogé notre guide à propos de la climatisation, et c’est ainsi que nous avons découvert avec stupeur que « le musée ne disposait pas d’air conditionné». Notre guide a rapidement indiqué qu’il y avait un endroit au musée qui en disposait, mais qui était encore en construction. Il paraît que l'air conditionné était en marche afin que les ouvriers puissent travailler plus confortablement. Les visiteurs venant des quatre coins du globe pour admirer notre musée ne méritaient-ils pas autant ? Comment se fait-il qu'on ait pensé à ajouter une nouvelle verrière lors de la dernière restauration du musée qui date de deux ans et qu'on n'ait pas pensé à installer un système de climatisation centrale ? Sans parler du fait que normalement, tout musée doit disposer d'une climatisation d'ambiance maintenue à un certain degré et ce, pour préserver les pièces du musée.
Ma collègue commençait à sentir une insoutenable sensation d’inconfort, la chaleur lui montait au visage et son teint pâle virait au rouge ; elle n’en pouvait plus. Coupant court à notre visite guidée, nous revenons vers l’accueil.
Voulant m’adresser au directeur du Musée, les dames à l’accueil m’informent qu’il n’était pas en service ce jour-là vu que c’était Dimanche... « Qu’en est-il alors du directeur adjoint ? »«elle n’est pas en service également », me répond la dame. Je ne pouvais donc me plaindre auprès d’aucune autorité.
J’ai demandé tout de même à remplir le formulaire des suggestions et réclamations du musée.Les jeunes femmes à l’accueil m’ont remis un livre à formulaires carbone de trois feuilles chacun ! J’étais interloqué en voyant les cases à remplir : nom, prénom, nationalité, âge, numéro de portable, nom de l’hôtel, numéro de la chambre d’hôtel... ?! A moins qu’ils ne souhaitent divulguer leur identité, les visiteurs n’ont-ils pas droit à un minimum d’anonymat ? De plus, le fait d’avoir trois copies du formulaire de réclamations n’est-ce pas une forme de gaspillage de l’argent public, affaire par ailleurs d’actualité dans le pays?
C’est avec amertume que mon invitée et moi dûmes quitter le musée mais non sans avoir exprimé notre mécontentement en plusieurs exemplaires.
En réalité plusieurs insuffisances ont ponctué notre visite. Tout d’abord l’aménagement des services à l’entrée. L’accueil regroupait plusieurs personnes mais aucune signalétique pour indiquer le rôle de chacun : le donneur d’information, la caissière, le traducteur, le guide, etc.Il fallait poser des questions au premier venu pour pouvoir s’orienter. Il est surprenant qu’un musée d’une telle renommée ne dispose pas d’une organisation et d’un accueil comparables à ceux des grands musées dans le monde.
Nous ne sommes pas au bout de nos surprises. Notre invitée américaine a souhaité utiliser sa carte de crédit. Hélas, tant à la caisse que dans la librairie, il n’y avait pas de machine de paiement électronique.
Au moment de partir, nous avons souhaité nous arrêter a la boutique des souvenirs du musée mais grande fut notre déception de découvrir que cette boutique n’existait pas ou plus car le magasin qui travaillait pour le musée a fait faillite suite aux multiples évènements qu’a connus le pays. Nous avons trouvé tout de même quelques livres portant sur la collection de mosaïque et sur Carthage. Mon invitée a cherché des ouvrages sur la ville de Sfax, Capitale culturelle Arabe 2016, mais il n’y en avait pas. Pourquoi n’y a-t-on pas pensé ? Cerise sur le gâteau, la libraire en service ne montrait aucun enthousiasme à répondre à nos questions. Notre présence ne semblait nullement l’intéresser. Ne sommes-nous pas son gagne-pain après tout?
Ayant parcouru plusieurs musées en Europe, aux États-Unis et au Moyen-Orient, je me rappelle qu’à la fin de toute visite on est sollicité à faire un don au musée. Des associations philanthropiques pour aider les musées existent également. Au Bardo rien de tel. Certes, je salue l’initiative actuelle de la gratuité d’accès pour les Tunisiens résidents à l’étranger, mais nombreux d’entre nous souhaiteraient contribuer au bon fonctionnement et à la bonne présentation de ce musée. Aussi étrange que cela puisse paraître, l’administration actuelle ne semble pas y prêter d’attention et se détourne d’une source importante d’autofinancement.
Les insuffisances au musée du Bardo ne sont pas nouvelles ni les seules dans le pays. Plusieurs autres institutions publiques travaillent en dehors des normes internationales et avec un service déplorable. Il y a peu de temps au Bardo également, un octogénaire anglais a dû descendre du second étage au rez-de-chaussée à pied car, sans attendre une minute de plus après l’heure de fermeture, on a tout simplement coupé le courant alimentant les ascenseurs.
Qu’on puisse imputer les raisons à l’administration actuelle ou au manque de qualification ddes ouvriers, notre visite au Bardo nous a laissé avec un arrière-goût amer, et avec un sentiment de grande gêne vis-à-vis d’une invitée étrangère contente de rendre visite à notre pays pour la première fois.
Pourquoi ce laisser-aller ? Qui empêche le cadre administratif d’offrir une qualité de service digne des grands musées de par le monde ? Ironiquement, ce même Bardo est mitoyen de l'Assemblée dont les membres ont largement brandi la carte de la culture et du patrimoine dans leurs campagnes.
A quand donc les réformes et les sanctions?
Dr. Maher Bahloul