Pour une société militaire privée chargée de la protection des personnalités.
Notre révolution n’a pas accouché que de belles choses. La liberté en est peut être le plus beau cadeau offert au peuple tunisien depuis l’indépendance et la proclamation de la république. Certes la situation sécuritaire s’est améliorée largement depuis 2011, néanmoins beaucoup de travail reste à faire. Le terrorisme n’est pas éradiqué, la criminalité sévit encore dans le territoire, le banditisme fleurit dans les coins reculés du pays et la contrebande ronge atrocement l’économie. Tous ces facteurs menacent de plus en plus la sécurité des citoyens et des hauts cadres du pays. Mais ce ne sont pas seulement les hauts responsables politiques qui nécessitent une protection physique durant l’exercice de leur fonction, il y a aussi plusieurs personnalités qui demandent une protection rapprochée à la suite de menaces reçues ou simplement en prévention d’une éventuelle agression. La sécurité est un besoin humain qui est classé directement après le besoin physiologique de la personne. La constitution n’établit aucune discrimination à propos de la protection d’une catégorie de personnes au profit d’une autre, mais dans tous les pays une attention particulière est vouée aux plus hauts responsables du Gouvernement pour leur assurer une sécurité. Tandis que la protection d’autres responsables ou de personnalités reste sujette à une législation et c’est généralement le code de la sécurité qui régit ce domaine.
Devant la prolifération des demandes et des besoins de protection des responsables et des personnalités en Tunisie et vu le coût exorbitant en ressources humaines, matérielles et financières pour assurer cette mission de sécurité, l’Etat pourrait penser à la création d’une société militaire privée de protection des personnalités qui sera contrôlée par le pouvoir civil et le Ministère de l’Intérieur (MI). Le but est de décharger le MI des multiples tâches de protection des personnalités pour lui permettre de concentrer sa mission de protection des hauts cadres de la nation.
Les chiffres relayés dans les médias nationaux font état d’une situation gênante sur la protection des personnalités en Tunisie. Une centaine de personnalités bénéficient d’une protection personnelle stricte. Elles sont celles visées par d’éventuelles attaques terroristes ou ayant reçu des menaces de mort. Ce sont des personnalités politiques, syndicalistes, diplomatiques ou religieuses. Leur protection est assurée par le MI ou par les agents de la sécurité présidentielle. Un peu plus de mille autres personnalités universitaires, médiatiques, culturelles sont également l’objet d’une protection sécuritaire assurée exclusivement par le MI. Ce dernier fait état d’un coût annuel de huit milliards alloués par l’Etat à cette mission. C’est un coût exorbitant qui pourrait être allégé d’une manière sensible si les demandeurs de protection contribuent personnellement et financièrement à leur besoin de sécurité. Le contribuable n’est pas responsable du coût de la sécurité des personnalités des partis politiques ou des institutions privées. Certaines fonctions dans la justice, surtout celles qui s’occupent des affaires du terrorisme, sont les premières à bénéficier de la protection fournie par l’Etat.
Les ressources humaines mises à la disposition de cette mission sont énormes et constituent un lourd fardeau pour le MI. Sans s’immiscer dans les affaires discrètes des services de sécurité, mais un calcul sommaire fera ressortir un minimum de 3500 agents hypothéqués pour cette mission. Les ressources matérielles ne sont pas moindres. Au minimum, 1200 véhicules et autant de moyens de communication et d’armes discrètes sont nécessaires pour assurer cette mission d’une rotation quotidienne. Le nombre élevé d’agents triés parmi un grand nombre de postulants, formés sur une base d’élite et désignés pour accomplir cette mission dans des circonstances difficiles et sensibles pourrait être économisé et exploité dans la lutte contre le terrorisme qui demande beaucoup de moyens humains.
Un grand nombre de demandeurs de protection sont généralement des personnalités aisées. Elles ont de l’argent suffisante pour payer leur besoin vital. On dit que la sécurité n’a pas de prix. Ils pourront payer le coût de leur protection et demander les moyens qu’ils souhaitent.
Enfin les sociétés de protection qui exercent en Tunisie offrent une variété de services de protection qui va du gardiennage à la protection physique rapprochée mais qui ne sont pas adaptés pour s’opposer à des menaces terroristes armées. En outre la formation des agents est ciblée sur la protection des hôtels, des banques ou l’accompagnement des personnalités dans leurs mouvements.
Ceci pourrait nous amener à réfléchir sur l’idée de créer une société militaire privée (le terme militaire signifie armée et qui dispose de moyens armés pour accomplir sa mission) pour décharger les Forces du MI de certaines tâches. Cette entité n’est pas une milice armée, sinon elle serait anticonstitutionnelle, mais pourrait être assimilée à une société sous traitante contrôlée par le pouvoir politique tunisien à travers le Ministère de l’Intérieur.
Le contrôle de cette société est avant tout juridique. Ses activités seront régies par un texte législatif. Son budget, le recrutement et la formation du personnel, la procuration du matériel de protection et l’exécution des missions doivent être contrôlés par le MI. C’est une nouvelle conception d’un domaine défini de la sécurité. Et pour concrétiser cette idée et partir sur des bases solides il est utile de demander l’assistance d’un pays ami ayant expérimenté cette entreprise pour faire démarrer le projet.
Mohamed Nafti
Général à la retraite