Sahara occidental: quelle solution ?
Un ancien secrétaire d’état américain, Henry Kissinger a soutenu que la diplomatie était -aussi et souvent- affaire de sémantique. Sous ce prisme, les diplomates tiennent le même discours de principe sur la paix, la sécurité, la démocratie, etc...sans conférer aux mots la même signification. Par appréhension des retombées. Sur ce point, ces protagonistes semblent avoir bien digéré la leçon du linguiste Noam Chomsky, aussi longtemps que chacun défend l'idée qu'il a derrière la tète et -pour les pays- leurs intérêts.
C’est pour cela, poursuit -par induction- Kissinger, que certains conflits émaillant les relations internationales gagneraient à être plutôt gérés, dans le temps que résolus dans l’espace.
La question du Sahara occidental fait –justement- partie de ces conflits qui cherchent désespérément la solution. Depuis plus de quarante ans.
Faisant l’objet de l’intérêt de la communauté internationale depuis 1966, cette question intéresse au plus haut degré, le Maroc et le Polisario, les deux parties disputant le statut final à accorder à ce territoire, anciennement occupé par l’Espagne qui s’en était retirée en 1975.
Consécutivement, en février 1976, la république arabe sahraouie démocratique (RASD)fut auto- proclamée. Elle annonce la couleur.
«Nous sommes déterminés à poursuivre la lutte jusqu’à la victoire, quels que soient les sacrifices», déclare son premier gouvernement..
Encouragée par la Mauritanie qui renonce en 1979 à toute revendication territoriale sur le Sahara, l’Assemblée générale de l’ONU adopte la résolution (3145) relative au principe de l’autodétermination et l’indépendance du peuple sahraoui. Les résolutions antérieures et postérieures du conseil de sécurité abondaient dans le sens de la recherche d’un «règlement politique juste et durable» à ce conflit assimilé à un problème de décolonisation.( 4éme commission).
Et lorsqu'en en 1981,Rabat accepte le principe de l’autodétermination, une fenêtre d’espoir était entrouverte et vite refermée après que le Maroc eut manœuvré (marche dite verte), sans succès pour inclure sa liste additionnelle d’électeurs potentiels. La manœuvre était claire : faire basculer le résultat du scrutin en sa faveur.
L’ONU a préconisé que ce référendum s’opère selon les chiffres d’un recensement espagnol datant de 1974.Dés lors, s’ensuivent la construction -fait accompli- par le Maroc d’un mur de séparation( 1987), la conclusion d’un cessez-le-feu entre les deux belligérants et la mise en place en 1991 de la Minurso (mission des nations unies pour le référendum au sahara occidental.) La mission est prorogée depuis et périodiquement par le conseil de sécurité de l’ONU.
Toutefois, le peuple sahraoui vit divisé depuis 1976. Une partie sous occupation ( version polisario ), une autre dans les camps de réfugiés à Tindouf (à l’Ouest algérien). Une partie vit dans «les provinces du sud du royaume «et l’autre» séquestrée» (version marocaine.) De l’usage des mots.
En juin 2007, le Maroc et le Polisario ont mené, face à face, et sous les auspices de l’ONU quatre rounds de négociations à Manhassat, dans la banlieue new –yorkaise.
Objectif: négocier «une solution juste et globale «Les négociateurs s’étaient quittés sans résultat substantiel. Le Maroc s’en tient à sa position qu’il qualifie de «réaliste».Il envisage d’accorder une large autonomie -sous sa souveraineté- au peuple sahraoui, tandis que le Polisario demande l’application des résolutions pertinentes de l’ONU sur l’autodétermination par le biais référendaire. Constat. Ni les initiatives des ex – secrétaires généraux de l’ONU, ni le plan James Baker ( du nom d’un autre ancien secrétaire d’état Us ) ni les négociations précédentes de Manhassat et suivantes ne sont parvenues à sortir ce conflit des sables mouvants où il demeure embourbé.
Il ne reste alors à Ban Ki-Moon, secrétaire général de l’ONU que de dépêcher, dans la région, son ancien- nouvel envoyé personnel, Christopher Ross; dans le but de relancer les négociations entre les deux parties et l’espoir de parvenir à «une solution juste et durable» au conflit perdurant.
M.Ross, maîtrisant la langue arabe n’est pas étranger à la région pour y avoir exercé sa profession de diplomate. Il s’est rendu à Rabat, Tindouf et Alger. Rabat lui interdit désormais tout accès à Layoune.
A Tindouf où vivaient 165 .000 réfugiés sahraouis,100.000 selon une autre estimation et 40.000 selon le Maroc dont le souverain vient de gratifier d'un "qu'ils n'ont à vouloir qu'à eux mêmes", l’émissaire onusien a eu toujours des discussions «franches et profondes» avec Mohamed Adelaziz, le président de la RASD» .
«Francs et fructueux» furent aussi, les entretiens avec Abdelaziz Bouteflika, le président Algérien. Même tonalité du coté marocain.
Cependant la visite dans la région s’était prolongée par des déplacements à Madrid, Paris et Washington, dans la quête de "la contribution " de ces capitales pour l’accomplissement de sa mission. Les trois capitales occidentales sont acquises – avec des nuances diplomatiques- à la thèse marocaine.
Il reste à craindre que cette dernière risque de ne pas aboutir comme celles qui l’ont précédée, si M.Ross n’est pas porteur de solutions alternatives et concrètes au conflit (autonomie transitoire, projet de fédération ou de confédération, découpage territorial…) . Sinon, retour à la case départ ?
Dans sa première déclaration, le gouvernement sahraoui a ajouté, comme par prémonition que «Cette région (Le Maghreb) ne connaîtra ni la paix ni stabilité tant que durera l’agression et tant que notre peuple n’aura pas parachevé la libération de son territoire national». On y est depuis des lustres .
De quoi brouiller davantage les cartes des peuples du Maghreb. Perdants, ceux –ci s’accommodent paradoxalement de leur unité géo- culturelle et de la désunion politique de leur Etat respectif. A chacun son champ lexical, Kissinger. Et rebelote du ballet diplomatique. Les générations de réfugiés sahraouis peuvent –ils encore attendre...
Habib Ofakhri