« Il faut plutôt se féliciter et non s’alarmer de ce qui se passe actuellement au sein de Nidaa Tounès. Cette effervescence est un signe de vitalité de la vie des partis politiques, comme dans toute démocratie. L’essentiel, c’est que l’Etat se détache des partis et se hisse au-dessus des considérations partisanes». C’est ce qu’estime le penseur politique tunisien établi à New York, Mustapha Tlili. Editorialiste au New York Times et membre du think tank EastWest Institute, cet universitaire et ancien directeur de la Communication à l’ONU développe une réflexion qui rompt avec celle de beaucoup de tunisiens fort inquiets de ces clivages et dissensions. «La Tunisie n’est pas tombée tout-à-coup dans une catastrophe, explique-t-il à Leaders, comme si tous les acquis capitalisés depuis la révolution se sont soudainement effrités. Les Tunisiens ont jusque-là été longtemps moulés dans le système d’un parti unique dominant qui prenait le dessus sur l’Etat. Ils ne sauraient restés les enfants obéissants, abrutis, de ce système révolu et doivent à présent réaliser l’importance de détacher l’Etat des partis. L’Etat n’est pas la propriété des partis.».
Pour Tlili, les partis nourrissent la vie de l’Etat, mais ne sauraient s’approprier ses fondements. Ils suscitent les débats internes et publics, laissent émerger dans leurs rangs des courants différents, voire même les institutionnaliser en leur sein et apporter ainsi une contribution précieuse d’idées et de programmes, ce qui est leur rôle. Sans pour autant hypothéquer l’Etat. «Il appartient au président de la République, poursuit-il, de se tenir à l’écart de ce qui se passe au sein des partis, même s’il s’agit de son propre parti et, dans le cas d’espèce, de son propre fils». Connaissant de longue date le président Caïd Essebsi, Tlili affirme que les liens de parenté ne sauraient avoir la moindre influence sur les calculs de chef de l’Etat, et il fait confiance à la sagesse du président de la république et à son sens aigu de la mission historique que lui a confiée le suffrage universel.
«Le président, dit-il, saura hisser l’Etat au-dessus de l’effervescence partisane. Sa mission fondamentale durant son mandat, crucial, est de reconstruire l’Etat tunisien sorti délabré du long règne du parti unique puis de la parenthèse malheureuse de la gouvernance islamiste. Il a pour tâche de refonder l’administration et de la moderniser, relancer la diplomatie et lui faire retrouver l’ambition que lui avait imprimée Bourguiba, de veiller aux réformes essentielles telles que celle de l’éducation, de la santé et autres, et de travailler constamment en vue du renforcement de la sécurité et de la préservation de la souveraineté nationale face aux défis internes et externes que l’on connait»