La Tunisie face au changement climatique: Projections et éléments de réflexion
Le Congrès des Parties à la Convention Cadre des Nations Unies sur le changement climatique (COP21) sera organisé du 30 novembre au 11 décembre 2015 à Paris. Il a pour objectif de parvenir à des engagements pour la limitation de l’augmentation de la température moyenne mondiale à moins de 2°C à la fin du siècle, comparativement à l’ère pré-industrielle, et le financement à cet effet de 100 milliards $ par an d’ici à 2020 au profit des pays en développement.
A la lumière des menaces potentielles qui pèsent sur notre planète le Ministre français des Affaires Etrangères estime que le climat constitue une question de «guerre ou de paix». L’ancien Secrétaire Général de l’ONU Kofi Annan considère, pour sa part, que le changement climatique constitue « le plus grand défi »auquel est confrontée actuellement l’Humanité.
1- Impact et enjeux du changement climatique(CC)
Au niveau mondial
Le rapport de comité intergouvernemental d’experts en la matière(GIEC), publié en 2014, indique que la moyenne de la température mondiale risquerait d’augmenter de 2,6 à 4,8 °C à la fin du siècle, contre 0,84 entre 18880 et 2012, et ce en raison des émissions de gaz à effet deserre (CO2 , méthane, protoxyde d’azote …). De même l’élévation moyenne du niveau de la mer atteindrait 98 cm à cet horizon contre 20 cm au début du XXème siècle. Le dérèglement climatique se traduira également par le réchauffement et l’acidification des océans, la fonte des glaciers ainsi que l’accroissement de la fréquence et l’intensité des phénomènes extrêmes (inondations, sécheresses…)
Il en résulte notamment la raréfaction des ressources hydriques, l’aggravation de la désertification, la diminution des rendements agricoles et l’appauvrissement de la biodiversité. L’amenuisement des ressources, couplé avec l’accroissement de la population mondiale, aura de graves retombées sur le plan géopolitique et sur la stabilité et la sécurité mondiales. Le nombre des déplacés climatiques atteindrait 250 millions d’ici 2050 selon le Haut Commissariat des Réfugiés.
Le rapport publié récemment par la Banque Mondiale estime que sans réduction rapide des émissions de gaz à effet de serre plus de 110 millions de personnes tomberaient au dessous du seuil de pauvreté à l’horizon 2030.
Selon le PNUD 600 millions de personnes supplémentaires pourraient être exposées à l’insécuritéalimentaires d’ici 2050 en raison du CC.
Au niveau continental et régional
La Tunisie est située dans une zone particulièrement vulnérable aux effets du CC d’autant plus graves que cette zone est marquée par la disparité des niveaux de richesses, la multiplication des conflits et le déficit de gouvernance particulièrement au sud de la Méditerranée.
En Afrique : sept des dix pays les plus menacés au monde sont africains selon l’indice de vulnérabilité au CC publié par l’atlas 2015 du « climate change and environmental risk ».
La FAO estime, pour sa part, que 75% de la population africaine pourraient être exposés à la faim d’ici 2050 en raison de la surpopulation et de la chute de la production agricole, l’Afrique ne pouvant subvenir qu’à 13% de ses besoins alimentaire en 2050.
Cette situation est d’autant plus préoccupante que la population africaine passerait de1,2 à 2,4 milliards d’habitants en 2050 et 4,2 milliards à la fin du siècle soit respectivement 25% et 40% de la population mondiale selon une étude de l’UNICEF.
Dans le Monde Arabe : les températures enregistrées sont supérieures de 50% aux augmentations moyennes dans le monde.
Les pertes de ressources hydriques y dépasseraient 15% avec la baisse de 30% des rendements agricoles en cas d’augmentation de 2° de la température mondiale.
En Méditerranée : 60% de la population mondiale « pauvres en eau douce « sont méditerranéens et plus de 250 millions de personnes y seraient exposées à la pénurie d’eau en 2050 particulièrement au sud de la Méditerranée.
En matière énergétique la région est dépendante à hauteur de 94% des énergies fossiles, 3% seulement des besoins en la matière étant couverts par des énergies renouvelables.
Au niveau national
L’augmentation des températures varierait entre 0,8 et 1,3° en 2020 et 2,1° en 2050 avec la diminution des précipitations de 10 à 30%, la perte de 28% des ressources hydriques conventionnelles et 20% des terres arables à l’horizon 2030. La submersion marine toucherait30% de la superficie totale des îles kerkennah.
Le CC impacterait la production agricole, la santé (maladies hydriques notamment) et le tourisme (pertes de plages, inconfort du fait de l’augmentation des températures).
Le CC toucherait également les infrastructures et l’habitat en raison de la fréquence et l’intensité des inondations et de la sécheresse.
Les menaces ne seraient pas seulement économiques mais aussi et surtoutsociopolitiques et sécuritaires, du fait, que le CC affecterait en particulier les populations et les régions les plus vulnérables dans un environnement géopolitiquemouvementé. L’impact du CC est encore plus prononcé lorsqu’il est accompagné d’un déficit de gouvernance à une phase de transition politique prolongée et de crise socio-économique aigue alimentée par la surenchère, le corporatisme et le régionalisme.
Force est de reconnaitre que l’Etat -redevable du mal développement qu’endurent les populations du bassin minier, de Sfax et Gabès- a accordé depuis l’indépendance un intérêt fluctuant aux questions environnementales. Ainsi à Gabès la santé humaine, les ressources hydriques, agricoles marines furent sacrifiées sur l’autel d’une hypothétique « industrie industrialisante » menaçant l’unique oasis littorale en Méditerranée candidate au patrimoine naturel mondial de l’UNESCO.
Conjuguer l’héritage du passé, les contraintes du présent et les exigences du futur, pour relever les défis du CC, implique une approche globale, prospective et inclusive ainsi qu’une action volontariste et solidaire s’inscrivant-au quotidien- dans la durée.
2- Pour une politique globale et intégrée
Considérée comme le «Grenier de Rome», la Tunisie est héritière d’un riche patrimoine matériel et immatériel en matière de gestion de ressources hydriques et agricoles. En témoignent l’olivier millénaire de Haouaria, le traité d’agronomie de Magon, les aqueducs d’époque romaine, les bassins aghlabides et hafsides, le système de partage des eaux d’Ibn Chabat au Jérid .
Le pays bénéficie, depuis l’indépendance, d’une expérience éprouvée en matière de mobilisation des ressources hydriques renouvelables dont le taux sera porté de 92 à 95 0/0 au cours du prochain plan de développement .La Tunisie dispose d’un plan solaire et de stratégiessectorielles en matière hydraulique, de forêts et de déchets ainsi que différents comites et conseils spécialisésplus ou moins actifs.
Au niveau institutionnel
En dépit de ces acquis la politique poursuivie dans ce domaine demeure encore sectorielle, cloisonnée et sans vision ni stratégie d’ensemble en raison du manque de coordination et de suivi entre les différents intervenants et ledéficit institutionnel en matière de lutte contre le CC.
Dans une étude commandée par le Ministèrede l’Agriculture et de l’Environnement et l’Agence de Coopérationau développement allemande(GTZ) il a été proposé de créer une instance nationale de gouvernance notamment pour faire émerger «une vision transversale et intégrée, coordonner l’ensemble des stratégies sectorielles, favoriser l’implication des différentsacteurs et échelons territoriaux et développer les dispositifs de gestion du CC».(1)
Il serait ainsi souhaitable de créer un organe (agence ou commissariat) dédié pouvant être chapeauté par un conseil national destiné à fixer les orientations stratégiques, d’imprimer l’impulsionpolitique nécessaire avec l’appui de l’instance de développement durable et des générations futuresprévue par la Constitution.
Pour une approche multidimensionnelle et transdisciplinaire
Outre la représentation des différents intervenants concernés il conviendrait d’opter pour:
- une démarche multidimensionnelle intégrant les dimensions nationale, locale et internationale, -officielle et informelle- du CC.
- Une approche transdisciplinaire couvrant les différentes facettes du phénomène: science snaturelles, humaines, sociales, et même religieuses.
- Une approche intra et intergénérationnelle assurant la complémentarité et l’interaction entre les volets socio-économiques et environnementaux,répondant aux besoins actuels et préservant les droits et capacités des générations futures pour un développement durable et équitable
Renforcement du dispositif législatif et règlementaire
L’endiguement de l’impact du CC nécessite le renforcement et l’adaptation du dispositif législatif et réglementaire y afférent. Il est regrettable que la note d’orientation du Plan 2016-2020 n’ait pas prévu à ce sujet la réforme de plusieurs secteurs et activités connexes au CC (code de l’eau, des forêts, de l’énergie, de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire..).
Par ailleurs, il serait souhaitable d’intégrer la dimension du CC dans les projets de lois relatifs au code d’investissementet à la reforme fiscale en vue d’encourager les investissements compatibles avec l’objectif de promouvoir l’économie verte en pilier de développement durable en Tunisie. Cet objectif ambitieux implique une stratégie prospective en la matière dans un souci de cohérence et de continuité.
3- Vers une action prospective et anticipative
Prospective et changement climatique
Les projections de CC s’étendent jusqu’à 2050 et même 2100 sur la base de modèles , de scénarioset d’observations paléoclimatiques remontant souventà plusieurs dizaines de millions d’années .Ce qui nécessite une démarche prospective et anticipative fondée sur une vision et une action à long terme susceptibles de prévenir, d’atténuer et de s’adapter aux retombées parfois irréversibles du dérèglement climatique.
La Tunisie bénéficie d’une longue expérience en matière de projection et de planification. L’Institut tunisien des études stratégiques avait élaboré, à la fin des années 90, une étude sur la Tunisie à l’horizon 2030 .Cette étude avait dégagé des scénarios et des orientations concernant notamment le positionnement du pays, le mix énergétique, la gestion des ressources hydriques et la problématique de la formation et de l’emploi. Cette étude politisée est restéecependant lettre morte. En fait la prospective n’a de sens que si les prévisions et les projections sont suivies de plans d’action. “Gouverner c’est prévoir“ mais c’est aussi savoir conjuguer vision, audace et action.
Documents prospectifs prévisionnels en matière deCC
La Banque Mondiale a publié, en2013, une étude préconisant une croissance durable pour la Tunisie fondée sur une approche inclusive, la promotion de la gouvernance et de la transparence.L’étude a mis en exergue les opportunités que peut offrir le CC en termes de croissance, d’emplois et de lutte contre la pauvreté.(2)
Une étudesur la stratégie nationale d’adaptation, publiée par le Ministère de l’Environnement et la GTZ, suggère une approche participative et analyse les déterminants de la problématique du CC , différents scénarios en la matière à l’horizon 2020-2030 et 2050 ainsi que la feuille de route préconisée à ce sujet.(3)
La note de présentation du Plan 2016-2020 souligne la nécessité de promouvoir ladurabilité du développement à travers notamment la promotion de l’économie verte, l’optimisation des ressources naturelles et le développement du transport en commun. Et ce parallèlement à l’augmentation de la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique de 3 à 12% en 2020 (comparativement à 42% au Maroc pour la même année).
En matière d’atténuation du CC –à travers la limitation des émissions de gaz à effet de serre- la Tunisie a présenté une communication, en prévision du COP 21, annonçant l’objectif de réduction de l’intensité carbone de 41% d’ici 2030, par rapport à 2010, dont 28% conditionnés par l’obtention de l’aide internationale. Le coût total de cet effort est estimé à 17,4 milliards $ dont 10% à financer par le gouvernement tunisien.
Cadre et supports de l’action prospective et anticipative
Concilier les exigences de l’atténuation et de l’adaptation au CC avec les contraintes du moyen terme implique:
- L’insertion de la stratégie en la matière dans la politique de développement durable et des plans de développement et ce dans le cadre d’une vision à long terme de la Tunisie.
- Le développement de mécanismes et outils permettant l’évaluation, le contrôle et le suivides indicateurs du CC : cartographies, centres d’observation et d’alerte précoce, meilleures pratiques, en vue de consolider la visibilité, la pro-activité et la résilience vis-à-vis du CC.
- L’optimisation des ressources et capacités pour la gestion des crises résultant des phénomènes extrêmes (sécheresses, inondations,…).
Pareilles actions impliquent une approche inclusive et participative favorisant la complémentarité et l’interaction entre les différents intervenants ainsi que l’implication et l’appropriation de la société civile, des entreprises et des citoyens à cette œuvre nationale.
4-Vers une politique inclusive et participative :
Constitutionnalisation du développement durable et de la démocratie participative
La fréquence, l’intensité et l’accélération du CCse font déjà sentir amplifiant les phénomènes de désertification, la rareté des ressources hydriques, la pauvreté et la migration climatique. Faire face au CC n’est pas seulement la responsabilité de l’Etat mais appelle un engagement citoyen quotidien en vue de transformer les modes de vie, de production de consommation.
La protection de l’environnement fait partie de la troisième génération des droits de l’Homme. La concrétisation de cette protection passe notamment par la sensibilisation, la conscientisation et la responsabilisation de la société civile et du citoyen à ce sujet.
La Tunisie s’honore d’être le troisième pays au monde à faire référence dans sa Constitution à l’importance du CC.Et ce parallèlement à la promotion de la décentralisation, de la démocratie participative et de la discrimination positive en faveur des régions défavorisées en vue de favoriser l’équilibre régional, l’emploi et la lutte contre la pauvreté dans un esprit d’équité et de solidarité.
Mise en application des dispositions constitutionnelles en la matière
La Tunisie gagnerait à donner corps à la lettre et à l’esprit de la Constitution à ce sujet en œuvrant à:
- Tirer les enseignements des succès et échecs des politiques gouvernementales de développement durable dans un esprit d’équité et de solidarité de manière à réconcilier le tunisien avec la Nature.
- Intégrer la problématique environnement –développement dans les programmes des cycles d’enseignement et disséminer la culture écologique pour faire évoluer les mentalités et comportements : pratique du jardinage, service civil, volontariat, rationalisation des programmes « environnement et plantations »,encouragements des éco-entreprises et éco-quartiers…
- Réhabiliter les préceptes de l’Islam appelant à bannir le gaspillage,rationaliser la gestion de l’eau, respecter l’environnement en temps de guerre et de paix …
- Adapter la législation correspondante et instituer l’Instance de développement durable et des générations futures.
- Renforcer le rôle et les attributionsdes collectivités régionales et locales de manière à favoriser la concertation, le consensus et la mise en application des actions et projets retenus. A cet égard les prochaines élections locales constituent une importanteopportunité pour enraciner la pratique de la démocratie participative de proximité notamment parmi les jeunes,les premiers concernées par les effets du CC.
- Doter les regroupements communautaires etcomités d’usagers de la gestion de l’eau des moyens nécessaires pour l’accomplissement de leurmission.
- Développer la recherche et le transfert de la technologie notamment dans le cadre de la coopération décentralisée et le réseau des ONG spécialisées.
Du Prix Nobel de la Paix à la «Green Democracy»?
Le Prix Nobel de la Paix décerné au Quartet constitue moins une consécration qu’un pari sur le rôle de la société civile dans la réussite de la transition démocratique en Tunisie et un hommageaux valeurs et principes ayant présidé au dialogue national à la tunisienne : de manière pacifique, consensuelle et graduelle. A cet égard, la symbiose entre les volets socio-économiques et environnementaux du développement,à travers une démocratieparticipative consolidant la solidaritéintergénérationnelle, constitue l’essence de ce qu’il est convenu de désigner par la «Green Democracy ».
Cette synergie entre démocratie,écologie et progrès économique et social - sielle était mise en œuvre en Tunisie - rehausserait davantage l’image du pays, valoriserait son attractivité en matière d’investissement extérieuret de tourisme et consoliderait sa place aux niveauxrégional et international.
5- Révolution et changement climatique
Défaillances et avancées de la Révolution
La période qui a suivi l’avènement de la Révolution fut marquée par l’affaiblissement de l’Etat ;incivisme, laxisme,constructionsanarchiques, atteinte aux biens publics, amoncellement des déchets,incendie de forêts,contrebande notamment de produitspétroliers, cafouillage dans la gestion de crises résultant de phénomèneextrêmes (inondations, sécheresses, enneigement).
Cette situation fut encore aggravée par l’instabilité gouvernementaleet l’adjonction des services relevant du département de l’environnement à d’autresministères augré de la réorganisation des gouvernements successifs.
Des avancées importantes ont été cependant enregistrées au cours de cette période avec:
- La mise en place d’institutions légitimes du pouvoir de manière pacifique.
- La constitutionnalisation de l’environnement durable.
- L’élaboration d’études prospectives en la matière, en particulier le projet de stratégienationale d’adaptation au CC.
- La présentation de la contribution de la Tunisie pour l’atténuation du CC.
- L’affirmation de l’économie verte comme pilier de développement durable pour le quinquennat 2016-2020.
Iniquité de la transition intergénérationnelle
Mis sous la pression des surenchères les gouvernements successifs post –Révolution ont sacrifié le long terme au profit d’arrangementséphémères en l’absenced’une vision et d’une volonté politiques d’engager des réformes structurelles,douloureuses mais nécessaires, pour relancer la croissance tout en ménageant les capacités des générations futures .
Ce laxisme s’est traduit par les sureffectifs de l’Administration etles augmentations de salaires sans rapport avec la productivité du travail. Ce qui a conduit à l’explosion de la dette publique (plus de 53%du PIB) hypothéquant ainsi en partie l’avenir des prochaines générations. Les désillusions concernant les créations d’emploi et de développementrégional ont conduit au désintéressement d’une partie de la jeunesse à la chose publique dont grand nombre furent happés par l’immigration clandestine et le « jihadisme »
Tribulations politiques, terrorisme et CC
Les soubresauts de la Révolution et le déficit de gouvernance ont amplifié l’impact du CC suite à l’extension de la désertification au sud du pays entrainant l’aggravation du dépeuplement de Borj El Khadra et la multiplication des mouvements contestataires.
Le sud à la pointe du mouvement national et terreau du frémissement de la Révolution fut infecté par le terrorisme - ànos portes et tapi parmi nous- qui exploite l’amplification de la pauvreté, et ladétérioration des conditions de vie. Il en est ainsi également du centre et du nord ouest de la Tunisie, gangrénés par le chômage et l’exclusion. Les tribulations d’une partie de la classe politique –dépourvue de classe et de politique- confondant allègrement débattre et combattre,esprit critique et de critique, servir et se servir ont fini par décrédibiliser les appels à la patience et au sacrificeet affaibli le sens de l’intérêtgénéralauprès d’une large frange de la jeunesse. Il est vrai que selon James Freeman Clarke, «La différence entre l’homme politique et l’homme d’Etat est la suivante: le premier pense à la prochaine élection, le second à la prochaine génération»
Iln’en demeure pas moins qu’une action commune et volontariste, en continuation avec les objectifs et l’esprit de la Révolution,demeure encore possible à travers unsursaut national sur la base du «compter sur soi» avec un appui concret et massif de la communautéinternationale à la hauteur des enjeux démocratiques, écologiques, économiques etsécuritaires auxquels fait face la Tunisie
Conclusion: Reconstruire et Reverdir la Tunisie, une démocratie en devenir
La Tunisie est à un tournant décisif de son Histoire contemporaine sous l’emprise du terrorisme et d’une crise socio-économique structurelle. Perçu non comme une menace mais comme une opportunité le CC pourrait constituer un point de départ et un catalyseur d’un projet fédérateur et mobilisateur de reconstruction et de reverdissement de la Tunisie à l’horizon 2050. Les études prospectives disponibles pourraient servir de base pour dégager une vision commune fondée sur des données actualisées, complétées et adaptées aux objectifs de liberté, de dignité et d’équité.
Dans cette perspective l’endiguement du CC pourrait être articulé autour des objectifs ci-après :
- La consolidation de la sécurité alimentaire et la rationalisation de la gestion des ressources naturelles – notamment de l’eau- la lutte contre la désertification, le développement de l’agroécologie et l’amélioration des conditions de vie particulièrement en milieu rural.
- La transition énergétique par le biais du développement des énergies renouvelables et l’amélioration de l’efficacité énergétique.
- La promotion de l’économie verte par des investissements dans des activités à forte valeur ajoutée et à haute teneur technologique, créatrices d’emplois notamment dans les zones déshéritées, ainsi que le développement du tourisme durable.
La tâche ne sera certainement pas facile dans les conditions précaires et sécuritaires que vit actuellement la Tunisie. «Petit pays» ayant enfanté une grande nation, en avance de son temps à différentes époques, la Tunisie réformiste et moderniste ne manque pas d’atouts. Le pays de la «volonté de vivre » saura, en définitive, «forcer le destin».
Dans le climat ambiant de sinistrose et d’auto-flagellation si une «deuxième révolution» devait intervenir elle devrait porter sur les transformations sociétales, de mœurs, de comportement et d’éthique ainsi que sur les modes de gouvernance.Ceci nous rappelle l’affirmation de Chateaubriand pour qui «toute action qui n’est pas accomplie dans les mœurs et les idées, échoue». Apaisés et réconciliés les Tunisiens sauront cependant à n’en pas douter, se réapproprier leurs points de repères afin de fixer le cap, investir et s’investir pour l’avenir.
Il s’agit de transcender et non d’occulter les iniquités actuelles du chômage et du déséquilibre régional, en restaurant la confiance et en redonnant espoir à travers des investissements à effet social rapide et l’initiation de projets structurants et fédérateurs. Ce qui faciliterait la mise en œuvre des réformes structurelles maintes fois reportées. Le temps est compté et le coût de l’inaction et des tergiversations devient exorbitant.
Pour sa part la communauté internationale est invitée à reconsidérer son soutien au «goutte à goutte» à la Tunisie eu égard à l’importance des défis et enjeux. Des think tanks, notamment occidentaux, appellent à intégrer le facteur du CC dans la définition des politiques d’aide au développement et certaines agences de notation tiennent déjà compte de cet élément dans l’évaluation du risque pays.
L’«agenda 2030 pour le développement durable», signé à l’occasion de la dernière session de l’Assemblée Générale des NU à New York, consacre la majorité de ses objectifs au développement durable.
Il serait souhaitable que les actions du COP –dont la prochaine présidence en 2016 sera confiée au Maroc- soient harmonisées et articulées avec cet agenda. La Tunisie gagnerait à en tirer meilleur profit en termes de financement, de transfert technologique et surtout d’image d’un pays en phase avec son temps et en voie de démocratisation, «ami de l’environnement»…
Mongi Lahbib
Ancien ambassadeur
Références
(1) Elaboration de la «la stratégie nationale sur le changement climatique» de la Tunisie –Rapport de diagnostic- groupement Alcor –Tec (octobre 2011).
(2) «Tunisia in a changing climate: Assessment and Actions for Increased Resilience and Development» -World Bank –March2013-
(3) «Stratégie Nationale sur le changement climatique » -Rapport de la stratégie- groupement Alcor –Tec (octobre 2012).