Une galaxie suspecte en Tunisie : Kafka se nomme Associations hors contôle
«L’absence de contrôle du financement, notamment extérieur, des associations est source de grande inquiétude, confie à Leaders un spécialiste. Nous n’en connaissons ni les sources, ni les emplois !»
L’opacité est en fait plus forte sur les associations. Les nouvelles dispositions du décret-loi 88 du 24 septembre 2011 laissent de larges failles. Les services de la présidence du gouvernement assurent beaucoup plus l’immatriculation des déclarations de constitution des nouvelles associations (plus de 18 000 à ce jour), sans exercer réellement tout contrôle effectif. D’ailleurs, il est surprenant de constater que cette entité demeure placée auprès du secrétariat général du gouvernement, et non s’inscrire dans le périmètre d’attribution du ministre auprès du chef du gouvernement chargé des relations avec les instances constitutionnelles et la société civile, Kamel Jendoubi. Tout comme l’Ifeda, le Centre d’information, de formation, d’études et de documentation sur les associations. L’abrogation de la classification des associations par domaines types d’activités, l’absence de données fiables et à jour des dirigeants et le manque de vérifications d’usage compliquent davantage la situation, dans l’absolu ! Plus encore lorsqu’il s’agit de soupçons d’accointance avec le radicalisme violent et le terrorisme. Dès 2013, le gouvernement, alerté par diverses parties, a diligenté de premières enquêtes. Il a fallu attendre le carnage du Chaambi en juillet 2014 et la mise en œuvre d’une nouvelle stratégie antiterrorisme pour activer au niveau des gouverneurs, puis de la présidence du gouvernement, la procédure de gel d’activité de 157 associations suspectées. Gel, car la dissolution reste du ressort de la justice.
Les surprises ne vont pas manquer. Sur les 157 associations concernées par cette mesure, 47 n’ont aucune existence légale. Et parmi les autres, 19 seulement ont obtempéré. Reste à savoir si elles ne se sont pas recyclées. Les appellations sont édifiantes : une forte connotation salafiste. L’implantation est profondément ancrée dans les petites localités. Et certains dirigeants ne sont même pas en Tunisie, comme ce président d’association parti en Syrie. On découvre aussi que certaines associations qui reçoivent de grosses sommes de l’étranger, sous le couvert d’actions caritatives, n’ont en fait aucune activité sociale ni relation avec des islamistes extrémistes. Elles sont plutôt purement lucratives et ne profitent qu’à une personne et des membres de sa famille. Mais, il y a de tout.
Souvent l’argent arrive directement sur des comptes bancaires. Pour être immédiatement soit réparti vers d’autres comptes, soit retiré. Certaines associations sont créditées de montants faramineux qui vont jusqu’à un million de dinars, voire deux ou trois. Personne ne sait au profit de qui va le cash. Les banques signalent les mouvements douteux au Ctaf. L’instruction des déclarations de soupçon doit se faire très rapidement pour permettre, en cas de faisceaux avérés, une transmission au parquet. Seule la justice est habilitée à décider du gel des avoirs et des suites judiciaires. Parfois, c’est trop tard, l’argent se volatilise.
Dans un douar éloigné au fin fond de la campagne vivent quelques familles mais on y dénombre 7 associations qui reçoivent de fortes mannes. Un exemple parmi tant d’autres, bien édifiants.
A ce jour, une seule dissolution a été prononcée par la justice, celle concernant la Ligue de protection de la révolution (LPR), seulement et non les autres de sa galaxie (voir le tableau).