Habib Essid: Mes priorités en 2016
Le 6 février 2016, il bouclera sa première année à la Kasbah… en «survivor». Habib Essid que personne ne pronostiquait pour présider le premier gouvernement de la 2e République et encore moins pour tenir aussi longtemps, s’affirme et se confirme, désormais en gouvernement réaménagé 2.0, au milieu d’incessantes tourmentes. Aux successifs attentats terroristes sanglants, s’ajoutent une redoutable dégradation de l’économie et des finances publiques et un climat social tendu. Gardant la tête froide, s’élevant au-dessus des tiraillements partisans, il s’emploie à la tête d’un cabinet de coalition, et avec de plus en plus d’aplomb, à endiguer les flots. Cahin-caha. «Par grandes tempêtes, il faut savoir s’abriter», nous répète-t-il en ajoutant : «Il faut être conséquent avec soi-même et garder le cap sur l’essentiel».
L’heure du bilan de son premier exercice sonnera dans quelques semaines, en février prochain. Interview.
• Renforcer les dispositifs sécuritaires, relancer l’économie, veiller sur l’équilibre des finances publiques
• Lancer le plan de développement, mettre en œuvre le code d’investissement, la loi sur le PPP et toutes les autres lois votées par l’Assemblée
• Poursuivre intensivement les réformes
• Tenir les élections municipales dans les conditions appropriées et avec la logistique nécessaire fin octobre-début novembre prochain
• Ne pas perdre un seul dinar des crédits votés pour 2015 et non encore consommés
• Mobiliser les moyens indispensables à la mise en place des nouvelles institutions constitutionnelles et leur entrée en fonction
• Débloquer tous les crédits budgétaires, dès les premiers jours de ce mois de janvier et à hauteur de 80%, sans plus attendre • Faire lancer par les ministères tous les recrutements dans la fonction publique, dès ce mois de janvier, sans nécessité de revenir aux services de la fonction publique
Comment abordez-vous l’année 1016 ? Quelles sont vos priorités?
Evidemment, le sécuritaire, l’économique, les finances publiques et le social en tout premier lieu. Dans ces préoccupations essentielles, déterminantes pour toutes les autres, il y a les impondérables, mais aussi ce qui est à maîtriser. A étape nouvelle et impératifs pressants, nouveau cahier des charges avec une réarchitecture du gouvernement. D’où le sens de la restructuration et de l’équipe revigorée à mettre en place.
Quelle sera votre règle de conduite?
Les difficultés s’annoncent fortes et multiples en 2016. Le risque sécuritaire sera malheureusement persistant, malgré toutes les précautions prises et tous les dispositifs déployés. L’impact sur l’économie est conséquent. Des secteurs entiers sont frappés : le tourisme, l’artisanat, les filières connexes, l’investissement local et extérieur, la création d’entreprises et d’emplois, la croissance… Avec toutes les conséquences sur le budget de l’Etat et l’équilibre des finances publiques. La règle de conduite appropriée est d’anticiper, prévoir, se préparer et ne pas attendre.
Quel sera votre agenda ?
Le mois de janvier sera celui des grandes préparations pour le reste de l’année. A la différence et en plus des gouvernements successifs depuis la révolution, j’ai la double mission de tenir les premières élections municipales et la mise en place opérationnelle des nouvelles institutions constitutionnelles. Ainsi que la mise en œuvre du nouveau code d’investissement, la loi sur le partenariat public-privé (PPP) et les autres textes adoptés par l’Assemblée des représentants du peuple, l’amorce du plan de développement et la conduite des grandes réformes structurantes. De grands défis à relever avec succès.
Comment préparez-vous les élections municipales ?
Ce scrutin, jusque-là inédit dans ses nouveaux contextes et formes, est crucial! Les élections municipales marquent en effet l’ancrage de la démocratie locale et de la gouvernance régionale, l’implantation de la décentralisation et de la déconcentration. Ces élections seront importantes et significatives. Je me suis engagé à les tenir fin octobre-début novembre prochain et dois réunir en faveur de leur bon déroulement le climat approprié et tous les éléments nécessaires. Le nouveau code des municipalités, la loi électorale et l’ensemble des textes y afférents doivent être finalisés, débattus, adoptés et mis en œuvre avant fin avril prochain.
C’est un vaste chantier auquel nous nous consacrons depuis le début de l’année dernière et qui progresse utilement. Il y a aussi la logistique à prévoir. C’est pour moi, comme pour tous les Tunisiens, un objectif fondamental. Tout me conforte dans l’idée que ce sera, avec le concours de tous, une nouvelle réussite tunisienne qui fera exemple.
Les instances constitutionnelles seront-elles opérationnelles?
Toutes et tout à fait ! Le mérite de la nouvelles constitution est aussi d’avoir instauré de nouvelles institutions. L’ancrage irréversible de la démocratie dépendra en grande partie de leur installation et entrée en fonction, le plus rapidement possible. Si le gouvernement n’intervient pas dans leur composition, il est de son devoir de fournir la logistique, les moyens et les budgets qui leur sont nécessaires. Toutes doivent être opérationnelles courant 2016. C’est essentiel pour la démocratie, fondamental pour la Tunisie nouvelle.
Par quoi commencerez-vous pour les autres charges du gouvernement?
La prolongation jusqu’à mi-janvier de l’utilisation des budgets votés pour l’année précédentes et non encore consommés et le déblocage immédiats de ceux de 2016. Des reliquats existent et nos programmes d’investissement ne sauraient rater le moindre dinar. Quant aux budgets de 2016, nous allons non seulement les ouvrir dès le 4 janvier, alors que d’habitude il fallait attendre plusieurs semaines, mais aussi les débloquer d’emblée à hauteur de 80%. Chaque département ministériel peut alors démarrer immédiatement et disposer de la majeure partie de ses crédits sans devoir patienter plusieurs mois et perdre ainsi beaucoup de temps pour pouvoir lancer la totalité de ses programmes et les financer. Ce gain de temps est précieux pour accélérer la réalisation des projets adoptés.
Et pour ce qui est des recrutements dans la fonction publique ? Les délais de recrutement sont longs et les procédures compliquées?
Là aussi, nous apportons une amélioration très nette pour plus de célérité et d’efficience. Tous les recrutements approuvés par le budget de l’Etat pourront démarrer dès ce mois de janvier. Chaque ministère devra les lancer immédiatement et n’a plus besoin de revenir aux services de la présidence du gouvernement pour obtenir les autorisations nécessaires. Puisqu’ils sont jugés nécessaires et urgents pour renforcer les effectifs, il faut y aller au plus vite, dans la transparence et le respect des procédures en vigueur. Chaque ministre doit prendre ses responsabilités et s’y atteler. L’Assemblée ayant voté, mon feu vert est acquis.
Comment considérez-vous, au final, l’année 2016 ?
Celle de la fixation des bases, de la consolidation, avec 2017 aussi. C’est ce qui nous préparera pour un grand décollage en 2018. Nous devons nous en sortir rapidement et atteindre notre rythme de croisière dès 2018.
Vous en êtes persuadé ? Optimiste ? Confiant ?
Convaincu ! Je suis de nature toujours optimiste. Sinon, je n’aurais pas accepté la mission qui est la mienne. La Tunisie va réussir. Avec le concours de tous, je m’y emploie à la tête du gouvernement.
Malgré tous ces risques, toute cette conjoncture, vous n’êtes pas parfois traversé par le doute?
Jamais ! Jamais déçu ou abattu!
Même dans les moments les plus difficiles? Lors des carnages au Bardo, à Sousse et sur l’avenue Mohamed-V ?
Toujours ! Encore plus dans ces moments très pénibles ! Je demeure animé par la même volonté de relever tous ces défis et de contribuer à la réussite de cette expérience historique.
Propos recueillis par
Taoufik Habaieb