Révolution An V : Il ne faut surtout pas céder au fatalisme
Dans une étude publiée dernièrement, le journal londonien « The Economist » considère que la Tunisie est le seul pays démocratique dans le monde arabe. Ce jugement est bien flatteur pour les Tunisiens, sauf qu’on ne peut pas indéfiniment vivre de démocratie et d’eau fraîche. Certes la révolution nous a apporté la liberté, des élections libres et transparentes, des débats contradictoires comme on en rêvait, l'admiration du monde entier. En contrepartie que de déceptions, avec l’émergence du terrorisme dont on se croyait immunisés parce qu’il ne fait pas partie de notre culture ; la crise économique qui perdure et s’aggrave même, avec, cette année, une croissance zéro ; l’explosion du chômage. Et une classe moyenne naguère locomotive de la croissance qui est aujourd’hui laminée.
Ventre affamé n’a point d’oreilles. Comment convaincre aujourd’hui les Tunisiens qu’on n’a jamais rien pour rien, qu’il va falloir qu’ils se remettent au travail, rompre avec ces sit in et ces grèves à répétition qui ont fait tant de mal au pays depuis cinq ans, qu’ils ne doivent pas céder au désespoir, ni au fatalisme surtout devant le triste spectacle que leur offre la classe politique avec ses petitesses, ses querelles de clocher, son sectarisme, ses ambitions démesurées, et sa propension à discutailler sur les plateaux de télévision plutôt qu’à mobiliser les Tunisiens autour de grands desseins.
Cela dit, les révolutions ainsi que les transitions démocratiques qui s'ensuivent généralement, n'ont jamais été de longs fleuves tranquilles. Il suffit de jeter un regard alentour pour saisir la chance que nous avons d'avoir échappé au triste sort des populations syriennes ou libyennes. La Tunisie val mal, très mal, mais le pays tourne malgré tout ; l'Etat plie, mais ne rompt pas. «La crise, c'est quand le vieux se meurt et que le jeune hésite à naître», disait Gramsci. Les Tunisiens sont un peuple conservateur. Ils n'acceptent pas facilement de changer leurs habitudes, mais c'est aussi un peuple ouvert sur le monde et désireux d'épouser son siècle. Il saura cette fois-ci encore se montrer exemplaire.