Rafaa Ben Achour : Pourquoi j’avais demandé en 2013 mon départ à la retraite anticipée (En photo et vidéo)
Il n’avait pas voulu en parler ! Mais, Rafaa Ben Achour devait aux siens, collègues, disciples et amis une explication. Pourquoi avait-il demandé, sous la Troïka, au ministre de l’Enseignement et de la Recherche scientifique d’anticiper son départ à la retraite. Demande rejetée par le ministre, à l’époque, Moncef Ben Salem (Ennahdha) ? Trois raisons majeures comme le Pr Rafaa Ben Achour vient de le préciser, dans son allocution prononcée samedi 16 janvier 2016 lors de l’hommage que lui a rendu la Faculté des Sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis, à l’occasion de son départ effectif à la retraite. Une raison personnelle, une deuxième politique et une troisième de principe. Sa remise en question de la qualité de l’enseignement nous interpelle tous.
J’ai fait valoir, depuis le 1er octobre 2013, mes droits à une retraite anticipée. Beaucoup de mes collègues, de mes étudiants et amis se sont demandé le pourquoi d’une telle décision. C’est le moment de les éclairer :
Des raisons de santé
J’ai quitté l’enseignement pour des raisons de santé, étayées par un rapport médical signé par 3 Professeurs hospitalo-universitaires. J’avais adressé au ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique une demande de décharge du service des enseignements magistraux pour me consacrer exclusivement à la recherche. Mais, M. le ministre a rejeté ma demande sans même me soumettre à une contre-visite médicale et cela malgré mon insistance.
Un engagement politique
A la même époque, je m’étais engagé politiquement. J’ai rejoint, dès le mois d’août 2012, le groupe, qui sous la direction de Béji Caïd Essebsi, a fondé un nouveau parti politique : Nidaa Tounes. Jamais auparavant je n’avais adhéré à un parti politique, mais compte tenu de la situation qui prévalait dans le pays après les élections de 2011, j’ai jugé cet engagement indispensable. C’est cette raison qui a, semble-t-il, motivé le refus du MESRS de m’accorder la décharge d’enseignement. J’ai alors décidé d’user de mon droit à la retraite anticipée. Là encore la décision a été pénible et longue à prendre. Je passe sur les détails.
Une baisse affligeante du niveau de l'enseignement
Enfin, une troisième raison doit être évoquée. Depuis plus d’une décade, nous assistons à une baisse affligeante du niveau. Cette chute vertigineuse n’est pas le fruit du hasard ou d’une maladie qui frappe toute une génération; nos jeunes sont dynamiques et dotés d’une intelligence normale. Le mal qui frappe notre université est dû à une politique délibérée des autorités, une politique populiste qui, peu soucieuse de la qualité diplômes, s’est appliquée à créer des passerelles et à rendre l’obtention des modules ou Unités de valeurs pour le moins aisée. Le nivellement par le bas, le manque d’exigence et de la scolarisation de l’enseignement universitaire m’ont, je l’avoue découragé et donné le sentiment de participer à la mise à mort de l’université. La transmission du savoir est devenue une tâche de plus en plus ardue et, en dépit des efforts des enseignants, les résultats étaient toujours très en deçà du minimum requis.
Une école de la citoyenneté s’impose
Notre pays a connu, en 2011, une révolution qui a engendré une constitution moderne conforme aux standards internationaux, un paysage politique pluraliste et un régime politique démocratique. Mais, nous sommes confrontés à des défis qui risquent de remettre tous ces acquis en question si nous n’y prenons pas garde. Des réformes structurelles du système éducatif sont plus qu’urgentes. La garantie de la pérennité des institutions démocratiques et de l’Etat de droit passe par cette réforme de l’enseignement. La Tunisie, comme tant d’autres pays, est confrontée au terrorisme, à l’obscurantisme et à l’intolérance et si les solutions sécuritaires s’imposent, une école de la citoyenneté s’impose aussi. Nous devons œuvrer de concert pour que l’écolier, le collégien, le lycéen, l’étudiant et toute la famille éducative s’imprègnent du savoir mais aussi du sens civique et de l’amour de la patrie".
Rafaa Ben Achour
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