Soufia Ben Youssef : Une Grande Dame d’Honneur nous a quitté en laissant aux Tunisiens une «Leçon de Vie»
Aujourd’hui Dimanche 31 Janvier 2016, une Très Grande Dame s’est éteinte au petit matin. Soufia Ben Youssef née Zouhir, veuve du Grand Leader et Militant Salah Ben Youssef. J’ai l’honneur d’être parente à Lella Soufia et d’avoir été proche d’elle depuis longtemps. J’écris ces lignes pour lui rendre hommage.
Issue de l’Aristocratie Tunisoise, Soufia Ben Youssef a été l’épouse d’un homme dont le destin s’est confondu avec celui de la TUNISIE. Elle a épousé Si Salah Ben Youssef, qui a été avocat puis ministre de la Justice sous le règne du Roi Lamine Bey. Elle a vu son mari s’engager d’une façon de plus en plus importante dans la lutte pour l’indépendance de la Tunisie jusqu’à devenir le Premier responsable au sein du parti du Néo-Destour.
Le Leader Salah Ben Youssef a bataillé vaillamment avec le Leader Habib Bourguiba pour libérer la Tunisie du colonialisme. Mais la rivalité entre Habib Bourguiba et Salah Ben Youssef s’est terminée d’une façon atroce. Un jour, plusieurs années après l’indépendance de la Tunisie et après avoir été forcée à s’exiler avec son époux et ses enfants en Egypte, Soufia Ben Youssef, découvre dans une chambre d’hôtel en Allemagne le spectacle effroyable de son mari gisant dans son sang. Un assassinat politique horrible et lâche. Un assassinat politique qui laisse une veuve éplorée et deux jeunes enfants orphelins, Chedly et Lotfi.
Après l’assassinat de son époux, Habib Bourguiba a imposé à Soufia Ben Youssef une trentaine d’années d’exil injuste et cruel en Egypte. Sans ressources, Soufia Ben Youssef n’avait pas le droit de revenir dans son pays. Très peu de Tunisiens s’aventuraient à lui rendre visite par crainte de représailles. Seule sa cousine, Tawhida Ben Mami, aujourd’hui décédée Allah Yarhamha ou Ynaâmha, a bravé la peur en lui rendant visite en Egypte.
Soufia Ben Yousef était très reconnaissante aux autorités Egyptiennes et à leur tête le Président Jamel Abdennasser qui ont organisé des funérailles Nationales à Salah Ben Youssef et qui ont fait preuve de respect et de bienveillance envers elle et ses deux enfants. Les Autorités Algériennes aussi l’ont soutenue dans son épreuve.
Lella Soufia c’était avant tout une dignité extrême en toute situation. Et dans les récits de cette Grande Dame, ce qui vous impressionne c’est sa sérénité, son calme et son Pardon Sincère après tant de souffrances. Dans ses propos, il n’y avait jamais ni haine ni rancune. Elle avait une foi en Dieu inébranlable et regardait vers l’avenir avec confiance et enthousiasme en espérant le meilleur pour la Tunisie et les Tunisiens. Tous ceux qui l’ont connue de près gardent l’image d’une femme lumineuse, joviale, positive et extrêmement agréable avec son entourage. Lella Soufia a construit avec ses enfants et ses petits enfants une famille très chaleureuse et soudée.
Dans sa maison, les photos de Si Salah sont partout. Elle parle de lui continuellement, comme s’il l’avait quittée il y a peu. Plus de 55 ans après sa mort, Salah Ben Youssef restait le centre de la vie de Lella Soufia. Elle parlait du Père affectueux, du Mari aimant et respectueux qui jamais ne laissait la dureté de son engagement politique se ressentir à la maison et avec les siens. Même aux plus fortes heures de l’exil, Si Salah distillait dans son foyer l’harmonie et la joie de vivre. « Si Salah Kèn Rajel Aâdhim- Si Salah était un Grand Homme- » disait-elle.
Après l’assassinat de Si Salah, Lella Soufia a voué sa vie à ses enfants et à la mémoire de Si Salah. Tout ce qu’elle entreprenait devait avant tout honorer la mémoire de « Si Salah ». Cette loyauté éternelle envers le combat et la mémoire de son mari forçait l’admiration de tous. Elle m’avait confié qu’il ne passait pas un jour sans qu’elle pensât à Si Salah. Je citerai cet épisode qu’elle m’avait relaté, lorsqu’en exil en Egypte, Si Salah lui avait confié ce qu’il venait de lire dans le journal « Le Monde » : «Soufia, la Tunisie m’a condamné à mort et tous nos biens en Tunisie ont été confisqués » ; Soufia Ben Youssef lui avait répondu très calmement : « Yaâich Rassek Ya Si Salah, Inti illi Taâoudhou el Kollou - Que Dieu te garde Si Salah, tu remplaceras tout -».
Soufia Ben Youssef avait depuis longtemps pardonné pour toutes les épreuves qu’elle avait subies. Au moment où la Tunisie traverse une période délicate de son histoire, la Sagesse et la Force du Pardon de cette Grande Dame est une leçon de vie pour tous les Tunisiens. Allah Yarhamha ou Ynaâmha notre chère et regrettée Soufia Ben Youssef. Paix à son âme.
Sonia Ben M’Rad
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