Caïd Essebsi en démineur pugnace : distance et ouverture
S’employant à renverser la vapeur, « après tous ces coups de canon» qu’il estime lancés à son encontre, le président Caïd Essebsi a enchaîné devant les caméras d’Elyès Gharbi, sur Watanya 1, explications et messages. Première interview accordée à une chaîne télévisée tunisienne depuis le début de l’année, hormis des adresses à la nation et des déclarations, elle n’était visiblement pas destinée ni à dresser le bilan de sa première année à Carthage, ni à faire des révélations fracassantes. Mais, à expliquer ses positions et présenter ce qu’il compte entreprendre.
L’impression générale qu’il a voulu donner est élévation et ouverture. Elévation par rapport à l’action quotidienne des partis, à commencer par prendre ses distances du parti qu'il a fondé, Nidaa Tounès et ouverture aux autres familles politiques et figures nationales. Une sorte de désengagement d’une mêlée dont il ne voulait pas et de libération d’un corset qui risque de l’enserrer.
En rappel d’un argumentaire qu’il veut convaincant, Béji Caïd Essebsi revient sur les motivations de son alliance avec Ennahdha et le choix d’Habib Essid. Pour ce qui est du gouvernement, les messages sont clairs. D’abord, aucune intention de remplacer Habib Essid (soulignant les limites de ses attributions constitutionnelles en la matière, même si les Tunisiens connaissent, en fait, le poids de son magistère). Bien plus, un soutien affirmé. S’agissant, ensuite, du bilan, le président Caïd Essebsi se garde de le qualifier ni d’exceptionnel, ni de défavorable, se contentant d’estimer qu’il est « acceptable »
Tout en exprimant sa « compréhension » pour « les revendications sociales légitimes », BCE reconnaît l’ampleur des difficultés économiques et sociales et annonce qu’il se propose de prendre une initiative importante «à même de contribuer à désamorcer ces tensions». C’est sans doute dans ce cadre qu’il multiplie les consultations, recevant ceux qui ont souhaité le rencontrer et invitant d’autres, notamment les Ahmed Néjib Chebbi, Mondher Zenaïdi, Kamel Morjane, Mehdi Jomaa, Mohamed Nouri Jouini et d’autres qui seront reçus en audience durant les jours à venir.
Les amateurs des à-côtés noteront la bonne prestation d’Elyès Gharbi, le choix judicieux du patio central de « la zone privée » au Palais de Carthage pour le tournage de l’interview, le filmage soigné. Quant au président Caïd Essebsi, il était plus pugnace, plus incisif que jamais.