Opinions - 12.02.2016
Hassen Zargouni : Maghreb ou Afrique du Nord ? Que choisir
La désignation d'Afrique du nord était plus pertinente, une notion géographique neutre plutôt que Maghreb qui fait référence à un Machrek, une désignation dont l'ancrage est dans un orient prolifique littérairement. Les trois pays du Maghreb central avaient plus de points en commun avant les indépendances que maintenant, berbères à l'origine, ayant subi des invasions qu'ils ont assimilées, ces mêmes invasions ont façonné leur destinée commune, phénicienne, romaine, byzantine, arabe, andalouse, ottomane (sauf le Maroc), française, espagnole, italienne...
Chaque pays a pris une trajectoire qui lui est propre et il s'en est fini du rêve d'un Maghreb uni. Le problème du Sahara a achevé les plans d'une quelconque destinée commune du moins sur le moyen terme.
Il en est fini également d'un de complémentarité, de la mise en commun du potentiel et des richesses de chacun des trois pays. Il en est fini de ce rêve où le Maroc offrirait des produits agricoles et son phosphate, et où l'Algérie offrirait son énergie et où la Tunisie offrirait son savoir-faire en matière d'industrie de transformation. C'en est fini enfin d'un Maghreb central intégré et où les Tunisiens Algériens et Marocains se sentirait chez dans les trois pays.
La menace terroriste a sifflé la fin de cette chimère qui berçait les pères fondateurs de ces trois pays à l'aube de leur indépendance. Le paradoxe est qu'à leur décolonisation, les trois pays se sont "nombrilisé" pensant s'en sortir seuls.
La Tunisie, en choisissant la voie de la démocratie ouverte, le chemin le plus difficile, mais aussi celui qui rend, en théorie, le plus de dignité aux citoyens, va peiner. Mais, elle avancera lentement et sûrement car elle a en son sein les trois piliers de sa résilience : l'éducation de masse, la promotion de la femme et une classe moyenne qui résiste grâce au planning familial (jusqu'à quand ?). Ces actifs constituent des acquis à protéger d'une manière prioritaire. La Tunisie aura une croissance molle due aux difficultés d'implémentation de politiques publiques notamment et des aléas sécuritaires.
L'Algérie est un pays d'avenir et qui risque de ne pas le rester si la sclérose politique continue à brider une jeunesse en mutation, connectée et très nombreuse. C'est le pays qui a le plus grand potentiel économique des pays du Maghreb grâce à sa manne pétrolière essentiellement, malgré la baisse conjoncturelle du prix du baril. En outre, l'Algérie dispose d'un gisement immense de gaz de schiste et qui pose un immense problème écologique. L'Algérie n'a pas impulsé d'une manière suffisante ses PME, son agriculture et son potentiel touristique. L'aversion aux investissements étrangers de son administration, séquelle historique de la colonisation est un frein à l'ouverture de son économie et sa diversification rendue nécessaire pour les prochaines années.
Le Maroc avec un pouvoir royal fort et un minimum démocratique arrive à impulser son économie à travers une bonne image à l'étranger et l'engagement des grands travaux tels que le port de Tanger, le TGV, la centrale solaire, les investissements dans l'industrie du phosphate et l'ouverture sur l'Afrique par ses banques, sa compagnie aérienne et les télécommunications, malgré les risques d'instabilité que connaît l'Afrique subsaharienne. Le Maroc demeure dépendant des aléas météorologiques pour son agriculture qui représente encore près du tiers de son économie mais connaîtra à moyen terme une croissance forte et stable à l'instar de la décennie 90 que la Tunisie a connu où elle était le 1er pays émergent en matière de croissance, avec 5.5% de taux croissance moyen sur 10 ans. Le risque pour le Maroc est la forte disparité sociale que connaît encore le pays avec des taux élevé d'analphabétisme, de pauvreté et un statut de la femme à améliorer.
Pour l'ensemble des pays du Maghreb centra, il est impératif que la croissance si elle est au rendez-vous, profite à tous et se transforme en un réel développement, équilibré et durable, une croissance inclusive et positive pour l'ensemble des citoyens.
La digitalisation des sociétés maghrébines et notamment des jeunes va changer en profondeur le type de management et même de leadership de ces pays dans les toutes petites années à venir.
Hassen Zargouni
Chiffres clés
Tunisie
Population 2016: 11.4 millions
PIB: 44.6 milliards de dollars
PPA (parité pouvoir d'achat): 11 350 dollars par an par habitant
Algérie
Population 2016: 40.7 millions
PIB: 163 milliards de dollars
PPA: 14 690 dollars par an par habitant
Maroc
Population 2016: 34.8 millions
PIB: 102 milliards de dollars
PPA: 8 200 dollars par an par habitant.