Opinions - 17.03.2010

De la jeunesse tunisienne en général et de l'Avenir en particulier…

Que dire de plus encore à un(e) jeune Tunisien(ne)? Ils ont déjà subi tous les discours possibles sur tous les thèmes imaginables, souvent contradictoires, certainement passionnés et arborant un paternalisme de façade qui cache mal tous les sous-entendus; ils ont supporté plus qu’écouté les diatribes sur les valeurs, les harangues sur la modernité, les rappels à l’ordre, les concessions à faire, l’ajustement nécessaire des ambitions et des rêves à la réalité; pourquoi faudrait-il aujourd’hui leur rappeler encore ce qu’ils ne savent que trop? Cette étape de la vie n’était-elle pas justement celle de toutes les remises en question?

Ce constat m’a fait longuement hésiter. J’ai finalement décidé d’écrire ces quelques lignes, avant tout pour témoigner, en cette année particulière (*), de l’importance de ce privilège unique que vit aujourd’hui la jeunesse Tunisienne, de cette sorte de «socle» inédit qui permet d’envisager l’avenir autrement.

Objectivement, les avis sont unanimes pour affirmer que la Tunisie vit aujourd’hui une prospérité qu’elle a rarement connue dans son histoire, pourtant trois fois millénaire; la pauvreté, si elle n’a pas totalement disparu, continue de reculer; les finances publiques sont plutôt saines, l’Etat répond dans l’ensemble aux besoins fondamentaux des citoyens, de l’éducation à la santé en passant par le sport, la culture et les loisirs, il garantit  la sécurité des biens et des personnes. La Tunisie accumule d’ailleurs les médailles dans ces disciplines non-olympiques mais combien essentielles à la vie quotidienne de 10 millions de personnes: avec 72.8 ans, la plus longue espérance de vie du continent, avec 1.9, le plus bas taux de fécondité, un IDH exceptionnel de 0.77 en hausse de moitié depuis 20 ans... Alors que depuis bientôt deux générations, dans une région du monde malheureusement sujette à trop de souffrances et de convulsions, la jeunesse tunisienne vit en paix avec ses voisins du sud comme du nord, et pour qui l’appel sous les drapeaux tient surtout du service civil et non des préparatifs hasardeux à on ne sait quelle aventure militaire...

Continuer la tâche des bâtisseurs d'hier et d'aujourd'hui

L’économie s’est modernisée, les infrastructures ont généralement bien suivi (une gestion des eaux exemplaire, les barrages couvrant le moindre cours d’eau, 1450 km de routes en cours de réalisation, un nouvel aéroport qui s’ouvre à Enfidha, un port en eau profonde, une ville nouvelle qui voit le jour au Lac de Tunis,…), les modes de consommation se sont diversifiés, et nos entrepreneurs sont passées en une génération de la gestion individuelle de PME familiales à la gouvernance d’entreprise, développant une expertise dans des secteurs à plus haute valeur ajoutée, tout en créant des emplois. Le secteur financier, pilier d’un Etat moderne, fonctionne plutôt mieux que dans bien des pays du sud de l’Europe, même si la modernisation reste parfois en deçà des attentes. L’agriculture traditionnelle semble avoir enfin pris le virage de l’intégration dans le commerce mondial, et essaie à présent de valoriser davantage nos produits avant de les exporter. Le tourisme, l’industrie, les services, constituent des débouchés naturels, quoique cycliques et certes insuffisants, pour les diplômés des universités et grandes écoles. L’emploi reste la préoccupation majeure de tous, comme en témoignent les efforts consentis pour alléger autant que possible les effets de cette phase délicate de la transition démographique où la demande d’emploi est à son paroxysme.

Bien sûr, tout n’est pas réglé pour autant, et les défis qui restent à relever sont à la mesure du chemin parcouru! Rien n’est gagné d’avance: ainsi, malgré des atouts certains, l’Argentine, la Colombie ou la Corée du milieu du siècle dernier auront finalement connu des destins bien contrastés! Haïti, premier état noir indépendant dès 1804, aurait dû faire au moins aussi bien que ses voisins dominicains ou cubains! Sans oublier les occasions manquées dans tant de pays arabes, de l’Irak au Soudan en passant par la Libye, l’Égypte ou les monarchies pétrolières!

A travers ces exemples récents, l’important n’est-il pas de constater que notre jeunesse en Tunisie dispose d’un droit à l’ambition, à la mobilité, à la création qu’aucune génération avant elle n’aurait pu rêver? Qu’elle possède là un actif qu’elle peut investir selon ses choix, pour fabriquer un avenir à son image? Continuer la tâche des bâtisseurs d’hier et d’aujourd’hui, construire la Tunisie de demain, telle est la mission immense qui l’attend, la «nouvelle frontière» comme disait J.F Kennedy. Au-delà des divergences, toujours utiles sur les méthodes, et en dépit des accusations portées par les professionnels du dénigrement systématique, il reste que, de cette volonté de vivre mieux ensemble, de la cohésion nécessaire à l’accomplissement d’une ambition nationale légitime, des efforts et des sacrifices indispensables à consentir encore… dépendra l’avenir: l’avenir de notre jeunesse, l’avenir de notre pays et la place qu’il occupera, à nouveau, dans l’histoire du monde.

Sami Chaouch, Phd.
Montréal



(*)À l’initiative du Président Ben Ali, l’année 2010 a été proclamée l’année internationale de la Jeunesse.