Opinions - 15.03.2016

L’autre danger: l’islamisme rampant

L’autre danger: l’islamisme rampant

C’est en regardant, hier, la fameuse émission « Limen yajraou fakat » du 13 mars 2015 que j’ai eu l’idée d’écrire cet article.

Nous avons tous suivi l’itinéraire de cette dame qui a perdu ses deux grandes filles, et à un moindre degré leurs cadettes,  qui ont été happées par l’extrémisme religieux  qui a su profiter du désaccord au sein du couple et de la sévérité de la mère pour les embrigader et abuser de leur jeunesse.

Il a suffi d’un laps de temps, fort court, pour que deux grandes filles qui n’ont pas atteint la puberté  endossent l’une après l’autre, l’habit religieux et adoptent le langage des extrémistes qu’elles ont appris dans les tentes de prédication et les brochures distribuées, au vu et au su de l’Etat. Elles ont fini  par atterrir en Libye à Syrte et peut-être pour l’une d’elle en Syrie.

Il y a eu aussi le cas de ce jeune homme qui a réussi ses études supérieures mais n’a pas trouvé du travail. Bien que bénéficiant du soutien matériel de ses parents, ce qui n’est pas le cas de la famille précédente, il  s’est métamorphosé, en très peu de temps, en enfilant la jellaba  et en changeant de langage. Nonobstant le fait que le brave père lui ait monté un projet rentable, clefs en mains, il a fini par quitter le pays pour la Libye.
Cela se passait sous la « Troika » et plus précisément sous Ennahdha.

Ces victimes du terrorisme ne sont pas les seules. Elles se comptent par milliers.

Ce grave dérapage vers l’extrémisme s’est fait avec la bénédiction du Pouvoir en place sous le couvert d’une « révolution » qui n’a réclamé que plus de justice sociale et de dignité et non la remise en cause de notre modèle social.

Il va  falloir, un jour, déterminer les responsabilités des uns et des autres.

Si ce n’est pas la justice transitionnelle, plutôt préoccupée par le legs de Bourguiba, ce sera l’Histoire et son verdict sera des plus sévères.
Nous ne voulons plus que ces dérives se répèteront un jour.

Aujourd’hui, nous constatons tous qu’Ennahdha qui prépare son Congrès, a viré à 180 degrés, au point que plus rien ne la distingue de Nida, ou ce qu’il en reste.

Il serait naïf de croire que leurs convictions intimes se soient transformées, du jour au lendemain, suite à la fameuse rencontre de Paris qui a scellé le destin du pays.
Ma conviction intime est que le Premier responsable d’Ennahdha, politicien intelligent, pragmatique et sachant attendre, a opéré un repli tactique simplement pour ménager l’avenir  de son parti et asseoir solidement son emprise sur le pays. En fait, si les dirigeants ont, pour le moment, suivi leur chef, c’est moins sûr pour la base du parti.

On aura beau nous dire que le prochain Congrès fera la séparation entre le politique et le religieux ce qui avec la Constitution, telle que rédigée actuellement, le caractère civil de l’Etat sera garanti. Mais tout le monde sait que cette Constitution résultant de tractations et de concessions, contient des ambigüités qui peuvent être exploitées dans un sens ou dans l’autre.

Quant au parti, une fois au Pouvoir, une branche dont elle serait issue interférera dans le religieux et ainsi la forme sera sauvée. Cette dérivée comportera, sans conteste, Cheikh Mourou qui a confié, rappelez-vous bien, à l’homme qui prêche l’excision des femmes, que notre « action » doit cibler les jeunes car leurs parents ont pris le mauvais pli et il n’y a plus rien à attendre d’eux.
L’avenir de ce pays dépend donc de l’opportunité qu’il y aurait de laisser à des émanations d’un parti le soin de réislamiser  la Tunisie par ses prêches ce qui nous ramènera à la case de départ.

Doit-on accepter ce principe ? Où doit doit-on réserver le domaine religieux à l’Etat, c'est-à-dire au Ministère des affaires religieuses, une fois un cadre d’actions mis en place ? Ou à la limite à une autorité indépendante de L’Etat et de tous les partis politiques ?
Toute la question est là.
C’est pourquoi je m’adresse au Ministère des Affaires religieuses pour lui demander d’expliciter la politique qu’il entend suivre en matière religieuse durant cette législature.
Le cadre d’actions pourrait comporter plusieurs points à respecter:

  • Le Coran qui  demeure notre texte de base doit être lu d’une manière uniforme. A cet égard, pourquoi ne pas éditer une nouvelle mouture Coran qui comprendra soit des renvois, soit en annexe des compléments explicatifs qui lèveront toutes les erreurs de lecture et d’interprétation? Ce travail  serait confié à une commission qui comprendrait outre les cheikhs zeitouniens,  nos penseurs éclairés. ( Mr Youssef Essedik et autres…)
  • Assurer une formation complète des nouveaux Imans et  recycler les anciens qui seraient prédisposés à le faire,
  • Suivre le prêche de nos Imans, opérer les redressements qui s’imposent et écarter de nos mosquées les imams extrémistes.
  • Lancer une Chaine de télévision à caractère historique, civilisationnel et religieux, à audience maghrébine et européenne, à l’effet de diffuser un discours religieux expurgé de toute fausse interprétation et de tout extrémisme et ouverte aux débats contradictoires.
  • Revoir les manuels scolaires et réviser à la hausse les coefficients des matières religieuses.

Ce cadre, s’il était mis en place, servirait de rempart à l’islamisme rampant. Il n’y aurait plus de justification pour que des partis politiques prennent leurs bâtons de pèlerin pour nous « reislamiser » à leur façon en créant leurs branches religieuses.

Le second garde-fou consiste à ce que la société civile qui a montré son dynamisme et sa maturité trouve le cadre idoine et une structure pour faire passer ses messages au citoyen et à ceux qui nous gouvernent, surtout.

Oui, ceux qui nous gouvernent croient, à tort, détenir, seuls, la vérité et ont montré qu’ils ne tenaient aucunement compte de la position de la société civile bien qu’elle soit en avance sur eux.
Aussi, de même qu’il y a un « Parlement pour les enfants », la société civile a un cruel besoin d’un Parlement bien à elle.

Y feront partie, les associations, nos penseurs, poètes, artistes et écrivains, nos experts et vieux routiers de l’Administration et des entreprises, nos entrepreneurs dans les divers secteurs de l’activité économique dont les avis peuvent être utiles et nous faire gagner du temps.

L’exécutif et le législatif seront tenus, par la loi, de consulter ce nouvel organisme et de justifier leurs prises de position contraires à l’avis émis.

Mokhtar el khlifi
14/03/2016